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15/05/2024 | FRANCE | N°24PA00985

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 24PA00985


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2329800/8 du 30 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une attestation de demande

d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2329800/8 du 30 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de Mme B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2024, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement n° 2329800/8 du 30 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a retenu comme fondé le moyen tiré de ce que les autorités italiennes ne pouvaient être regardées comme ayant reçu la demande aux fins de reprise en charge et comme ayant donné leur accord, même implicite, à celle-ci ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 13 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 27 juillet 1922, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile. Par un arrêté du 19 décembre 2023, le préfet de police a décidé le transfert de Mme B... aux autorités italiennes aux fins d'examen de cette demande d'asile. Il relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée :

2. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Et aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un point unique d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante. (...) ". Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

3. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un État membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau " DubliNet " pour la France. Les autorités de l'État regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres États membres si elles parviennent avant 16 heures 30 au point d'accès national et, le lendemain, si elles y parviennent après cette heure. En outre, si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.

4. En l'espèce, pour annuler l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a estimé que, faute de produire les accusés de réception " DubliNet " afférents générés par le point d'accès national italien alors qu'il est susceptible d'y avoir accès, le préfet de police n'établissait pas, par la seule production d'un courrier de la direction générale des étrangers en France du 11 août 2023 révélant un résultat positif issu de la consultation du fichier dactylographique pour Mme B... et les seules transmissions électroniques datées des 11 septembre et 8 décembre 2023 émanant de l'adresse électronique française " alerte-si-aef-dgef-@interieur.gouv.fr " vers une autre adresse électronique française "frdub@nap01.fr.dub.testa.eu", avoir transmis aux autorités italiennes, d'une part, la requête aux fins de prise en charge de Mme B... en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, le constat d'accord implicite de prise en charge. La magistrate désignée a ainsi conclu que les autorités italiennes ne pouvaient être regardées comme ayant reçu la requête aux fins de reprise en charge de Mme B... et par suite comme ayant donné leur accord, même implicite, à la prise en charge de la demande d'asile de l'intéressée.

5. Pour contester ce jugement, le préfet de police produit toutefois en appel la requête de saisine des autorités italiennes aux fins de prise en charge de la demande d'asile de Mme B... et portant la référence FRDUB19930754440-750, ainsi que l'accusé de réception de cette saisine émanant du point d'accès italien " itdub@nap01.it.dub.testa.eu " vers le point d'accès français " frdub@nap01.fr.dub.testa.eu " correspondant au dossier de Mme B..., généré le 11 septembre 2023 à 14 h 31 soit dans le délai de deux mois suivant le résultat positif émanant du fichier " Eurodac ", conformément aux dispositions précitées de l'article 21 du règlement (UE) du 26 juin 2013.

6. En outre, en l'absence de réponse des autorités italiennes dans le délai de deux mois prévu par l'article 22 du même règlement, le préfet de police se prévaut, à bon droit, du constat d'accord implicite de prise en charge de la demande de Mme B..., nécessairement né le 12 novembre 2023. Ainsi, le défaut de production de l'accusé de réception de cet accord implicite, émanant du point d'accès italien vers le point d'accès français, ne saurait suffire à remettre en cause son existence. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondée sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 21 et 26 du règlement (UE) 604/2013 pour annuler son arrêté du 19 décembre 2023.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". La décision de transfert vise les dispositions applicables, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les règlements européens n° 603/2013, n° 604/2013, n° 1560/2003. Ainsi, alors même qu'elle n'expose pas tous les éléments relatifs à la situation individuelle de l'intéressée, cette décision mentionne les principaux éléments de faits relatifs à la situation personnelle de Mme B.... Par conséquent, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché son arrêté du 19 décembre 2023 d'un défaut d'examen sérieux de la situation de Mme B.... Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, en vertu de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où sa demande de protection internationale est introduite, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative des brochures prévues par lesdites dispositions constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que, le 21 août 2023, lors de sa présentation au guichet unique des demandeurs d'asile, Mme B... s'est vue remettre plusieurs documents en français qu'elle a déclaré être sa langue maternelle, dont l'un est intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (Brochure A), l'autre " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (Brochure B). Elle a également reçu la brochure intitulée " Les empreintes digitales et Eurodac " ainsi que le " Guide du demandeur d'asile en France ". Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision querellée aurait été prise en méconnaissance de l'article 4 du règlement 604/2013 et de l'article 29 du règlement UE n° 603/2013, en raison de ce que la requérante ne se serait pas vue remettre les brochures prévues par ces dispositions, dans une langue comprise par elle, doit être écarté comme manquant en fait.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...)".

13. Il ressort du résumé de l'entretien individuel dont le compte-rendu est signé par l'intéressée, que Mme B... a bénéficié d'un entretien conduit en langue française qu'elle a déclaré comprendre, qui avait pour objet la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile au regard de sa situation, en conformité avec les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien a été mené par un agent de la préfecture de police du bureau de l'accueil et de la demande d'asile. Cet agent, dont la requérante ne peut utilement se plaindre de ce que le nom, la qualité et la signature ne figurent pas dans le compte-rendu, doit être regardé, dans ces conditions et en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, comme étant une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n°603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ".

15. Il ressort de ses propres déclarations que Mme B... a quitté le Cameroun le 4 juillet 2023, est entrée irrégulièrement en France le 27 juillet 2023 après avoir transité par la Tunisie et l'Italie, soit moins de douze mois avant d'introduire sa demande d'asile en France, le 21 août suivant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

16. En sixième lieu, si Mme B... soutient que la décision du préfet de police est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que son enfant, qui sera transféré avec elle en Italie, ne pourra pas y bénéficier des soins de suites nécessités par l'opération qu'il a subie. La décision attaquée n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

17. En septième lieu, si Mme B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 31 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, les dispositions de cet article, qui concernent l'exécution de la mesure, sont sans incidence sur la légalité de la décision de transfert. Si toutefois son état de santé ou celui de son fils devaient nécessiter des soins urgents au sens de cet article, il appartiendrait au préfet, s'il venait à être destinataire d'informations pertinentes sur leur évolution, d'en informer, le cas échéant, les autorités italiennes au moment de l'exécution de la décision de transfert, voire d'en tirer les conséquences sur le moment et les modalités d'exécution de celui-ci.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ". Par ailleurs, l'article 17 du même règlement prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

19. Mme B... soutient que sa demande d'asile ne pourra être traitée convenablement en Italie du fait des défaillances de cet État dans ce domaine. Toutefois, ni la circulaire du ministre de l'intérieur du 5 décembre 2022 par laquelle la présidente du Conseil italien a annoncé à ses homologues européens une " suspension temporaire " des transferts à destination de l'Italie en raison de motifs techniques liés à la saturation des centres d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, ni la documentation produite à l'appui de sa requête ne peuvent suffire à établir que sa propre demande ne sera pas examinée dans ce pays selon des modalités conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. L'intéressée n'établit pas davantage qu'elle y serait soumise à des traitements inhumains ou dégradants. Enfin, en l'absence d'éléments suffisants sur le besoin imminent et constant de soins que nécessiteraient son état de santé ou celui de son fils, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du même règlement compte tenu de son récit, de son âge et de son parcours d'exil. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 17 du même règlement du 26 juin 2013.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 décembre 2023 décidant le transfert de Mme B... aux autorités italiennes, lui a enjoint de délivrer à cette dernière une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de l'intéressée en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 30 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00985 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00985
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;24pa00985 ?
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