Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2314436/6-3 du 5 octobre 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 13 juin 2023, a enjoint au préfet de police, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, leur a enjoint de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu que la décision attaquée portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. A..., compte tenu de ses conditions d'entrée et de séjour en France et de la menace pour l'ordre public qu'il représente ;
- les autres moyens de la requête de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2024, M. A... représenté par Me Pierre Rosin, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2024.
Vu les autres pièce du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Topin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 juin 2023, le préfet de police a refusé la délivrance du titre de séjour que M. A..., ressortissant marocain né le 24 juillet 1983, avait sollicité sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays vers lequel il pourrait être reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français durant une période de trois ans. Le préfet de police relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions du 13 juin 2023, a enjoint au préfet de police, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, a enjoint à ces mêmes autorités de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est pacsé avec un ressortissant français depuis 2011 et s'est marié avec lui en 2022. Les factures d'électricité depuis 2011 et les déclarations d'impôt sur le revenu sont établies au nom des deux intéressés. M. A... produit de nombreuses pièces attestant de son suivi médical depuis 2014 à Paris, et à compter de 2021 des relevés bancaires d'un compte à son nom à la même adresse que son mari, lequel a, au demeurant, régulièrement crédité ce compte. L'ensemble de ces documents est de nature à établir l'existence de la vie commune de M. A... avec son mari en France. Contrairement à ce que soutient le préfet de police, l'intéressé ne représente pas une menace actuelle à l'ordre public à la date des décisions attaquées en raison de sa condamnation le 24 septembre 2019 par le Tribunal correction de Paris à un mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits commis le 28 juin 2015 de violation de domicile, d'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menace, voies de fait ou contrainte, de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui. Dans ces conditions, et quand même M. A... aurait vécu de nombreuses années sur le territoire sans faire régulariser sa situation ainsi que le fait valoir le préfet, les décisions attaquées ont porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie familiale et ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 13 juin 2023, lui a enjoint, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, a enjoint à ces mêmes autorités de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des frais engagés dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par le préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller.
- Mme Jayer, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.
La présidente-rapporteure,
E. TOPINL'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
La greffière,
C.ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04584 2