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15/05/2024 | FRANCE | N°23PA03631

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 23PA03631


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 28 avril 2020, 29 avril 2020 et 5 mai 2020 par lesquelles la directrice des ressources humaines du groupe hospitalier universitaire Paris Saclay a refusé de reconnaître ses pathologies au titre de la législation sur les maladies professionnelles et refusé la prise en charge de ses arrêts de travail sur les périodes respectives du 4 au 21 janvier 2019, du 1er au 17 fé

vrier 2019 et du 18 au 28 février 2019 au titre de la maladie professionnelle, ainsi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 28 avril 2020, 29 avril 2020 et 5 mai 2020 par lesquelles la directrice des ressources humaines du groupe hospitalier universitaire Paris Saclay a refusé de reconnaître ses pathologies au titre de la législation sur les maladies professionnelles et refusé la prise en charge de ses arrêts de travail sur les périodes respectives du 4 au 21 janvier 2019, du 1er au 17 février 2019 et du 18 au 28 février 2019 au titre de la maladie professionnelle, ainsi que la décision du 24 septembre 2020 de rejet de son recours gracieux du 29 mai 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a refusé de reconnaître les maladies déclarées le 4 janvier 2019 au titre de la maladie professionnelle et a exclu la prise en charge des arrêts de travail et des soins en relation avec cette déclaration au titre de la législation sur les maladies professionnelles.

Par un jugement n° 2008688/9 du 8 juin 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 août 2023 et 10 janvier 2024, Mme F..., représentée par Me Bertrand Joliff, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2008688/9 du 8 juin 2023 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions des 28 avril 2020, 29 avril 2020 et 5 mai 2020 de la directrice des ressources humaines du groupe hospitalier universitaire Paris Saclay ainsi que la décision du 24 septembre 2020 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du 19 novembre 2019 de la commission de réforme est irrégulier ;

- par les pièces médicales produites, elle établit le lien de causalité entre les gestes effectués dans les différents postes qu'elle a occupés et les deux pathologies déclarées au niveau des membres supérieurs ;

- l'expertise du 16 juillet 2019 du docteur D..., médecin agréé, partiale et lacunaire, ne saurait caractériser l'absence d'un tel lien ;

- à titre subsidiaire, une expertise judiciaire devra être ordonnée avec mission donnée à l'expert de se prononcer sur son état de santé et sur l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 décembre 2023 et 25 janvier 2024, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me Violaine Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme F... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré d'un vice de procédure est irrecevable et que les autres moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'ordonnance du 19 janvier 2017 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986

- le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public

- et les observations de Me Joliff, avocat de Mme F... et de Me Rajbenbach substituant Me Lacroix, avocate de l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., recrutée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en 1992 en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié puis titularisée en qualité d'aide-soignante, a exercé ses fonctions successivement au sein de l'hôpital Paul Brousse puis de l'hôpital du

Kremlin-Bicêtre. Le 4 janvier 2019, elle a présenté une demande de reconnaissance de maladies professionnelles au titre, d'une part, d'une épicondylite bilatérale et, d'autre part, d'un syndrome du canal carpien bilatéral en se prévalant du tableau n° 57 des maladies professionnelles. Le 16 juillet 2019, elle a été examinée par le docteur D..., médecin rhumatologue agréé, qui a conclu à l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et certain entre les pathologies déclarées et son activité professionnelle. Le 19 novembre suivant, la commission de réforme a émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance de maladies professionnelles, au tableau et hors tableau, en l'absence d'exposition au risque. Par trois arrêtés des 28 et 29 avril 2020 et 5 mai 2020, le directeur général de l'AP-HP a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont elle souffre faute d'exposition au risque et a exclu, en conséquence, la prise en charge de ses arrêts de travail pour les périodes du 4 au 21 janvier 2019, du 1er au 17 février 2019 et du 18 au 28 février 2019 au titre de la législation sur les accidents de service et les maladies d'origine professionnelles inscrites ou non dans un tableau de maladies professionnelles. Par un arrêté du 24 septembre 2020 du directeur général de l'AP-HP, le recours gracieux formé par l'intéressée le 29 mai précédent a été rejeté. Mme F... relève appel du jugement du 8 juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, Mme F... n'a soulevé devant le tribunal administratif que des moyens tirés de la légalité interne des arrêtés attaqués. Si elle soutient que ces derniers sont entachés d'un vice de procédure tiré de ce que l'avis du 19 novembre 2019 de la commission de réforme serait irrégulier, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte et qui n'est pas d'ordre public, est en tout état de cause irrecevable en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Une liste de médecins agréés généralistes et spécialistes est établie dans chaque département par le préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins et du ou des syndicats départementaux des médecins. / Les médecins agréés sont choisis, sur leur demande ou avec leur accord, parmi les praticiens âgés de moins de soixante-treize ans ayant au moins trois ans d'exercice professionnel, dont, pour les généralistes, un an au moins dans le département pour lequel la liste est établie. (...). ". L'article 4 de même décret dispose : " Les médecins agréés appelés à examiner, au titre du présent décret, des fonctionnaires ou des candidats aux emplois publics dont ils sont les médecins traitants sont tenus de se récuser. ". Aux termes de l'article R. 4127-95 du code de la santé publique : " Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions. / En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. ". Enfin, l'article R. 4127-105 du code la santé publique prévoit que : " Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade. / Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services. ".

4. Mme F... soutient pour la première fois en appel que le docteur D..., en sa qualité de médecin du service central de médecine statutaire de l'AP-HP, qui serait placé dans un lien de subordination vis-à-vis de l'administration, n'aurait par ailleurs pas été suffisamment qualifié pour se prononcer sur son état de santé et que le rapport de ce dernier, établi le 16 juillet 2019, est lacunaire, partial et non probant.

5. D'une part, en sa qualité de médecin et d'expert, le docteur D..., médecin agréé qui a examiné Mme F..., est soumis à des obligations déontologiques garantissant son impartialité et son indépendance en vertu des dispositions citées au point 3 et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait méconnu ses obligations, ni qu'il aurait agi en méconnaissance de l'intérêt de l'intéressée. Si ce médecin agréé a été unilatéralement choisi et rémunéré par l'administration afin d'examiner si les pathologies développées par Mme F... peuvent être reconnues comme étant d'origine professionnelle, ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de remettre en cause son impartialité. D'autre part, en se bornant à se prévaloir de ce que les conclusions de ce médecin diffèrent des avis émis par ses médecins traitants ainsi que par le médecin du travail, la requérante n'établit pas que les qualifications techniques du docteur D..., spécialisé en rhumatologie, seraient insuffisantes pour qu'il rende un avis éclairé en matière d'exposition au risque professionnel. Par ailleurs, la circonstance que le rapport de ce médecin a été rédigé le jour même de la consultation est sans incidence sur sa qualité. Enfin, dès lors qu'il résulte de sa lecture que l'expert a examiné tant l'épicondylite bilatérale que le syndrome bilatéral du canal carpien, que celui-ci y décrit l'historique des pathologies et les antécédents médicaux de l'intéressée, établit la liste et procède à l'analyse des documents médicaux présentés, décrit les doléances de Mme F..., le résultat de l'examen clinique avant, dans la rubrique " discussion ", de procéder à l'analyse des arguments et, enfin, d'exposer ses conclusions, son rapport ne saurait être regardé comme erroné par principe et lacunaire. Dans ces conditions et en tout état de cause, quand bien même ne ferait-il pas référence à de la littérature médicale, le rapport du docteur D... du 16 juillet 2019, soumis au contradictoire et qui constitue une des pièces du dossier, ne peut être écarté comme radicalement vicié.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, issue de l'ordonnance du 19 janvier 2017 : " (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ".

7. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le IV de l'article 10, pour la fonction publique hospitalière, dispose ainsi que " A l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : ", à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; c) Après le quatrième alinéa du 4°, est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée. ".

8. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service.

9. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

10. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020 et, qu'en l'espèce, la reconnaissance de l'imputabilité au service des maladies professionnelles de la requérante, déclarées le 4 juillet 2019 et diagnostiquées avant cette date, relèvent ainsi de ces dispositions, du droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

11. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / L'établissement ou la collectivité dont il relève est subrogé dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'il a supportées ou supporte du fait de cet accident. L'établissement ou la collectivité est admis à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques (...) ". Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... souffre d'un syndrome du canal carpien bilatéral et d'une épicondylite bilatérale qu'elle a déclarés à l'occasion de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Il résulte du rapport d'expertise mentionné au point 5. que, d'une part, s'agissant de l'épicondylite bilatérale, les postes de travail qu'elle a occupés postérieurement à 1998 n'impliquaient pas de mouvements répétitifs multiples permettant de faire le lien avec cette pathologie dont les premiers symptômes seraient survenus à partir de 2006 et que, d'autre part, le symptôme du canal carpien bilatéral ne peut être la conséquence de son activité professionnelle alors que, par ailleurs, l'expert a relevé que la bilatéralité des symptômes ne concourrait pas à établir ce lien. Pour contester les conclusions de ce rapport et l'avis de la commission de réforme, Mme F... se prévaut de l'avis rédigé le 11 juin 2018 par le médecin de prévention. Toutefois, ce document consiste en une simple demande de prolongation d'arrêt de travail adressée à un confrère suite à l'intervention pratiquée par celui-ci le 2 mai et se borne à indiquer que Mme F... " souhaite déclarer les deux pathologies comme maladie professionnelle ". Si ce même médecin a prescrit cette demande dans un autre document du 11 juillet suivant, il s'est borné à y décrire les postes occupés par l'intéressée, à mentionner les pathologies dont elle souffre et à indiquer, mais sans autres précisions, que celle-ci doit être reconnue pour chaque pathologie en maladie professionnelle au titre du tableau 57. Ni le certificat médical du 17 janvier 2018 établi par le docteur B..., chirurgien orthopédiste, faisant état d'une infiltration des coudes, ni le compte-rendu opératoire établi par ce chirurgien suite à l'intervention du 2 mai suivant, ne contiennent de mentions relatives à l'origine de la pathologie. Les conclusions du docteur C... sont par ailleurs lacunaires et très peu circonstanciées dès lors que ce dernier se contente d'écrire, là encore sans apporter de précisions, que " les conditions administratives et médicales sont reconnues ", que " persistent des phénomènes douloureux épicondyliens typiques des deux côtés " et que " l'ensemble des éléments justifie à la date de consolidation 22.05.19 un taux d'IPP de 5 % des deux côtés ". Enfin, le docteur A..., médecin traitant de la requérante, dans son certificat du 2 septembre 2019 mentionne uniquement que la pathologie de sa patiente contre-indique le port de charges et les gestes répétitifs et, dans celui du 7 octobre suivant, que Mme F... travaille en lingerie et est amenée à porter régulièrement des piles de linge avec mouvements répétitifs, là encore sans autres précisions. De tels documents, qui se bornent à faire état d'un risque pour l'intéressée de développer les pathologies dont elle a ultérieurement souffert, ne sauraient ainsi suffire à rapporter la preuve du lien de causalité direct et certain entre les maladies déclarées et l'exercice des fonctions ou les conditions de travail. Ils ne contredisent dès lors pas utilement les conclusions de l'expertise du 16 juillet 2019 du médecin rhumatologue expert, suffisamment précises et étayées. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur d'appréciation doit, être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

15. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par Mme F... doivent être rejetées.

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme F... la somme que demande l'AP-HP au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentée par l'AP-HP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03631 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03631
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;23pa03631 ?
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