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15/05/2024 | FRANCE | N°22PA03303

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 15 mai 2024, 22PA03303


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ainsi que le remboursement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.



Par un jugement n° 2011257/9 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procé

dure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 26 octobre 2022, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ainsi que le remboursement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2011257/9 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 26 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Nathalie Deleuze et Me Bruno Hické, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.

Elle soutient que :

- la rémunération perçue de HRA Pharma ne trouve pas son origine dans un emploi salarié et ne relève par suite pas de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse ;

- l'indemnité pour renonciation au bénéfice du plan d'actions gratuites, qui ne peut pas être qualifiée de salaire, relève par suite de l'article 23 de la convention fiscale franco-suisse, dès lors qu'elle peut se prévaloir du régime prévu à l'article 200 A 6 bis du code général des impôts ;

- à titre subsidiaire, les rémunérations qu'elle a perçues en qualité de mandataire social doivent être imposées au prorata du temps d'exercice de ses fonctions dans chacun des États ;

- la majoration de 10 % mise à sa charge sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas motivée en fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Hické, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors résidente fiscale suisse, était présidente de la société par actions simplifiée française HRA Pharma au cours de l'année 2015 et du premier semestre de l'année 2016. À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a notamment procédé, par une proposition de rectification du 16 mai 2018, à des rehaussements d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Les impositions supplémentaires en découlant ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2019 pour un montant, en droits et pénalités, de 149 474 euros au titre de l'année 2015 et de 5 733 328 euros au titre de l'année 2016. La requérante relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale nationale :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes du I de l'article 164 B de ce code : " Sont considérés comme revenus de source française : / (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France ; / (...) ". En vertu des dispositions combinées du d de l'article 164 B du code général des impôts et de l'article 4 A du même code, les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France sont imposables dans ce pays, que le domicile fiscal du contribuable y soit situé ou non. Les rémunérations que perçoivent, en contrepartie de leurs fonctions, les présidents ou directeurs généraux de sociétés anonymes ou de sociétés par actions simplifiées et les membres du directoire de sociétés anonymes, lesquels ne relèvent pas de l'article 62 du code général des impôts à la différence des gérants de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés en commandite par actions, sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires. La société par actions simplifiée Laboratoire HRA-Pharma a son siège social et son établissement principal en France et exerce son activité en France. Mme B... exerçait des fonctions de président-directeur général. Il n'est pas contesté que les rémunérations versées par la société à Mme B... sont la contrepartie de fonctions effectives de direction qu'elle exerçait quotidiennement, quand bien même elle ne travaillait pas en permanence sur le territoire français. Dès lors, ces rémunérations doivent être regardées en totalité comme des revenus de source française au sens et pour l'application des dispositions précitées, et étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires.

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 80 quaterdecies du code général des impôts : " Les actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce sont imposées entre les mains de l'attributaire selon les modalités prévues au 6 bis de l'article 200 A lorsque les actions attribuées demeurent indisponibles sans être données en location pendant une période minimale de deux ans qui court à compter de leur attribution définitive. / (...) ". Aux termes du 6 bis de l'article 200 A de ce code : " Sauf option pour l'imposition à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage correspondant à la valeur à leur date d'acquisition des actions mentionnées à l'article 80 quaterdecies est imposé au taux de 30 %. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les gains de levées d'option constituent un complément de salaire imposable en France au regard de la loi fiscale, alors même que ce gain serait perçu par un mandataire social ou imposé selon le régime dérogatoire d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières. Il en est de même de l'indemnité versée au bénéficiaire d'actions gratuites en contrepartie de sa renonciation auxdites actions qui lui ont été attribuées. Les indemnités versées à Mme B... ont, par suite, été à bon droit taxées dans la catégorie des traitements et salaires.

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-suisse :

4. Aux termes du 1 de l'article 17 de la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 modifiée : " (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État. " En vertu du 1 de l'article 23, les revenus non traités par les autres articles de cette convention ne sont imposables que dans l'État de résidence du contribuable. Ces stipulations doivent être comprises conformément au principe d'interprétation posé au 2 de l'article 3 aux termes duquel : " Pour l'application de la convention par un État contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a le sens que lui attribue le droit de cet État concernant les impôts auxquels s'applique la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente. Le sens attribué à un terme ou expression par le droit fiscal de cet État prévaut sur le sens attribué à ce terme ou expression par les autres branches du droit de cet État ".

5. Dès lors qu'en application de la loi fiscale française, tant les rémunérations perçues par la présidente d'une société par actions simplifiée au titre de son mandat social, que les indemnités qui lui sont versées en contrepartie de sa renonciation à des actions gratuites relèvent, pour leur soumission à l'impôt sur le revenu, de la catégorie des traitements et salaires, il découle de la règle énoncée par les stipulations précitées du 2 de l'article 3 de la convention franco-suisse que ces rémunérations doivent, pour l'application des clauses de cette convention répartissant le pouvoir d'imposer entre les deux États, être regardées comme reçues au titre d'un emploi salarié au sens des stipulations du 1 de l'article 17 de la même convention. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ces sommes auraient dû faire l'objet d'une imposition exclusive en Suisse en vertu du 1 de l'article 23 de la convention. Si Mme B... fait valoir que sa rémunération aurait dû être soumise à l'impôt sur le revenu après répartition du pouvoir d'imposer entre les deux États au prorata du temps d'exercice de ses fonctions dans l'un ou l'autre de ces États, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que le lieu d'exercice de son emploi de président-directeur général de la société, qui était une société française dont le siège et l'établissement social étaient en France, se situait dans un autre Etat. La circonstance qu'elle n'était pas en permanence physiquement présente sur le territoire français est à cet égard dépourvue de portée.

Sur la majoration de 10 % :

6. Aux termes du I de l'article 1758 A du code général des impôts : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue. / (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (...) ".

7. Il résulte de la proposition de rectification du 16 mai 2018 que l'administration fiscale a, en droit, cité les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts et, en fait, indiqué que les rappels en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016 entrainent l'application de la majoration de 10 %, laquelle, en vertu desdites dispositions, résulte des inexactitudes ou omissions déclaratives de Mme B... à l'origine des rappels d'impôts. Or l'administration fiscale avait préalablement constaté que l'intéressée n'avait pas déclaré l'intégralité de ses revenus de source française au titre de ces revenus des années 2015 et 2016. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à demander la décharge et le remboursement de la majoration de 10 % à laquelle elle a été assujettie au motif que cette majoration aurait été insuffisamment motivée en fait. Les doctrines administratives invoquées, d'ailleurs relatives à la procédure d'établissement des pénalités, ne font en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03303 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03303
Date de la décision : 15/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : DELEUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-15;22pa03303 ?
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