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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA04618

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 26 avril 2024, 23PA04618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2211014 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



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Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Morel, demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2211014 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Morel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " recherche d'emploi " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors que l'arrêté du 28 décembre 2021 ne lui a pas été régulièrement notifié, faute pour les services préfectoraux d'avoir mentionné, sur le pli qui lui a été adressé, le nom de son hébergeant ;

Sur les moyens communs à toutes les décisions :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il a transmis les pièces demandées en vue de compléter son dossier, ce dont les services préfectoraux ont accusé réception ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la mesure d'éloignement le contraindra à quitter le territoire en cours d'année scolaire ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- l'ordonnance n° 23PA04619 du 29 novembre 2023, par laquelle le juge des référés de la Cour a suspendu l'exécution de l'arrêté du 28 décembre 2021.

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- et les observations de Me Morel, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 20 décembre 1997, est entré en France le 21 septembre 2017, sous couvert d'un visa long séjour " étudiant ". Il a bénéficié, entre 2017 et 2020 de titres de séjour en cette qualité dont le dernier était valable du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020. Le 7 septembre 2020, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 décembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par une ordonnance du 26 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'exécution de l'arrêté du

28 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis. M. A... relève appel du jugement du

5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, dont l'exécution a été suspendue par une ordonnance n° 23PA04619 du 29 novembre 2023 du juge des référés de la Cour.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ".

3. Pour rejeter la demande de M. A... en raison de sa tardiveté, le tribunal administratif de Montreuil a relevé que le pli envoyé à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception le 29 décembre 2021 contenant l'arrêté en litige, lequel comportait la mention des voies et délais de recours, a été retourné aux services préfectoraux le 3 janvier 2022 avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", de sorte cet arrêté devait être regardé comme régulièrement notifié au 30 décembre 2021, et que la requête de l'intéressé avait été enregistrée au greffe du tribunal le 8 juillet 2022, soit au-delà du délai de recours contentieux de trente jours fixé à l'article R. 776-2 du code de justice administrative.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de son dossier administratif dont il a obtenu communication le 12 octobre 2023, que M. A..., lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour, avait régulièrement informé les services préfectoraux de ce qu'il était hébergé chez un particulier et avait produit à cet égard une attestation sur l'honneur de son hébergeant ainsi que les documents justificatifs relatifs à celui-ci. Dès lors, il appartenait au préfet, dûment informé, de mentionner, sur le pli adressé à M. A..., le nom de son hébergeant, ce qu'il s'est abstenu de faire. Dans ces conditions, l'arrêté du 28 décembre 2021 ne saurait être regardé comme ayant été régulièrement notifié à l'intéressé, de sorte que le délai de recours contentieux de trente jours dont disposait M. A... n'a pu commencer à courir à compter de cette notification infructueuse, mais a commencé à courir à compter du 15 avril 2022, date à laquelle la décision lui a été communiquée par courrier électroniques.

5. Aux termes de l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) 3°) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; (...) ". Aux termes de l'article 23 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision en litige doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la date du 15 avril 2022. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, dans le délai d'appel de trente jours courant à compter de la notification de l'arrêté du 28 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis, présenté le 26 avril 2022 une demande d'aide juridictionnelle qui, par application des dispositions précitées, a interrompu le délai de recours contentieux. Conformément au principe rappelé au point précédent, le délai de recours contentieux de trente jours n'a recommencé à courir, dans son intégralité, qu'à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, à supposer même que la décision du bureau d'aide juridictionnelle ait été notifiée à l'intéressé le 1er juin 2022 ainsi qu'il en ressort de la mention apposée sur celle-ci, le recours de M. A..., enregistré le 8 juillet 2022, n'était, en tout état de cause, pas tardif. Par suite, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil, qui n'était pas tardive, était recevable.

8. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 5 octobre 2023 doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 décembre 2021 :

9. Pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la

Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la seule circonstance que l'intéressé n'avait pas répondu à la demande de communication de pièces en vue de compléter son dossier, qui lui avait été adressée par courriel le 7 décembre 2021.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a communiqué l'ensemble des pièces qui lui étaient demandées, par retour de courrier électronique, le 8 décembre 2021 à 00h11, soit dans le délai de quinze jours qui lui était imparti, ce dont les services préfectoraux ont accusé réception le jour même à 9h17. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et du défaut d'examen de la situation de M. A... doivent être accueillis.

11. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant que M. A... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 décembre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis ou le préfet territorialement compétent, d'une part, réexamine la situation de M. A... et se prononce à nouveau sur sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, d'autre part, lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2211014 du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 décembre 2021, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La présidente,

S. BRUSTONL'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04618 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04618
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa04618 ?
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