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25/04/2024 | FRANCE | N°23PA04118

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 25 avril 2024, 23PA04118


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile.



Par un jugement n° 2207106 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 2207106 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

4°) d'enjoindre à l'OFII de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordé, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la rapporteure publique n'ayant pu être dispensée de prononcer des conclusions à l'audience sur son litige en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente, faute de justification d'une délégation de signature à cet effet régulièrement publiée ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision contestée trouve sa base légale dans les dispositions de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 551-16 du même code, sans priver l'intéressé d'aucune garantie ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant bangladais, né le 25 janvier 1998 et entré en France, selon ses déclarations, le 16 octobre 2021, a, le 28 octobre 2021, présenté une demande d'asile et accepté l'offre de prise en charge au titre du dispositif national d'accueil qui lui a été proposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le 24 février 2022, l'OFII lui a proposé une place d'hébergement dans un hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) situé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), mais l'intéressé ne s'est pas présenté à la structure de premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) de Créteil afin de se voir notifier cette proposition d'hébergement. Par un courrier du 11 mai 2022, l'Office l'a informé de son intention de mettre fin à ses conditions matérielles d'accueil, en lui laissant un délai de 15 jours afin de faire valoir ses observations. Par un courriel du 20 mai 2022, M. B... a présenté ses observations. Par une décision du 10 juin 2022, l'OFII a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait au motif qu'il a refusé la proposition d'hébergement qui lui a été faite. M. B... fait appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 10 juin 2022.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 28 novembre 2023 susvisée, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : / (...) 4° Entrée, séjour et éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions (...) ".

4. Les litiges relatifs aux décisions refusant, totalement ou partiellement, au demandeur d'asile le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou y mettant fin, totalement ou partiellement, qui ont un lien étroit avec les litiges relatifs à l'enregistrement des demandes d'asile et qui portent sur les conditions matérielles du séjour en France des demandeurs d'asile, relèvent des contentieux relatifs au séjour des étrangers au sens et pour l'application des dispositions précitées du 4° de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative. Ainsi, en application de ces dispositions et devant le tribunal administratif de Melun, la rapporteure publique a pu être dispensée de prononcer des conclusions sur le litige porté par M. B... devant ce tribunal. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, intervenu à la suite d'une audience qui n'a pas donné lieu au prononcé de conclusions, aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur la légalité de la décision attaquée :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente ". L'article L. 552-8 du même code dispose que : " L'Office français de l'immigration et de l'intégration propose au demandeur d'asile un lieu d'hébergement. / Cette proposition tient compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation des besoins et de la vulnérabilité prévue au chapitre II du titre II, ainsi que des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ". L'article L. 552-9 du même code précise que " Les décisions d'admission dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ainsi que les décisions de changement de lieu, sont prises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, après consultation du directeur du lieu d'hébergement, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et, le cas échéant, du schéma régional prévus à l'article L. 551-2 et en tenant compte de la situation du demandeur ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 551-15 du même code, alors applicable : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : / (...) 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 (...). / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ". Aux termes de l'article L. 551-16 du même code, alors applicable : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : / 1° Il quitte la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes (...) ".

7. En premier lieu, la décision contestée du 10 juin 2022 a été signée par Mme A... C..., directrice territoriale adjointe de Créteil, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par une décision du 10 septembre 2021 du directeur général de l'OFII, qui a été publiée sur le site internet de l'Office. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été signée par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, la décision contestée qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le directeur général de l'OFII, avant de prendre la décision en litige, a procédé à un examen particulier de sa situation.

10. En quatrième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 5 et 6 que dans le cas où les conditions matérielles d'accueil initialement proposées au demandeur d'asile ne comportent pas encore la désignation d'un lieu d'hébergement, dont l'attribution résulte d'une procédure et d'une décision particulières, le refus par le demandeur d'asile de la proposition d'hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme un motif justifiant qu'il soit mis fin à ces conditions relevant de l'article L. 551 16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été proposées.

11. En l'espèce, par la décision contestée, l'OFII, à la suite du refus de M. B... de la proposition d'hébergement faite par l'Office dans un HUDA situé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), a mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil de l'intéressé en se fondant sur les dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il résulte de ce qui précède, et ainsi que l'OFII le fait valoir en défense, que la décision contestée trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 551-15 du même code, l'Office ayant entendu refuser à M. B... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à raison de son refus de la proposition d'hébergement qui lui a été faite, dispositions qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 551-16, dès lors que l'Office dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces fondements et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie.

12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que M. B... a refusé la proposition d'hébergement faite par l'OFII dans un HUDA situé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), ne s'est pas présenté à la structure de premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) de Créteil afin de se voir notifier cette proposition d'hébergement et s'est borné à adresser à l'Office un courriel du 20 mai 2022 expliquant qu'il préférait se maintenir dans un autre lieu d'hébergement, avec d'autres compatriotes. Par ailleurs, si la décision contestée mentionne, de façon erronée, que l'intéressé n'a présenté aucune observation en réponse au courrier du 11 mai 2022 de l'OFII l'informant de son intention de mettre fin à ses conditions matérielles d'accueil, il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que l'intéressé a refusé d'être hébergé dans un HUDA situé à Villeneuve-Saint-Georges. Enfin, si le requérant allègue qu'il serait démuni d'hébergement et de ressources, il n'apporte, à l'appui de cette assertion, aucune précision, ni aucun élément, alors qu'il a refusé une offre d'hébergement en HUDA et qu'il a lui-même fait valoir qu'il souhaitait demeurer dans un autre lieu d'hébergement, avec des compatriotes. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04118
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SANGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23pa04118 ?
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