Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2207287 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 novembre 2023, le 8 décembre 2023 et le 10 avril 2024, M. A..., représenté par la Selarl Aequae, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer sans délai un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en estimant qu'il ne justifiait pas, par les pièces produites, du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une insuffisance de motivation ;
- en considérant qu'il n'apportait aucun élément relatif au traitement qui lui aurait été prescrit en France à la date de l'arrêté attaqué, ni au cours de l'année 2021, sans faire usage de son pouvoir d'instruction et en dénaturant les pièces du dossier, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ;
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, dès lors, notamment, qu'il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, demande de changement de statut qui n'a pas été examinée par l'autorité préfectorale ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé sur les dispositions, en vigueur avant le 1er janvier 2017, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non au regard des dispositions en vigueur de l'article L. 425-9 du même code ;
- elle méconnaît les dispositions de cet article L. 425-9 dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux jugements des 10 octobre 2017 et 20 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer cette mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des pièces et des observations enregistrées le 19 février 2024 et le 11 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me de Grazia, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant indien, né le 25 septembre 1988 et entré en France, selon ses déclarations, en 2012, s'est vu délivrer, en dernier lieu, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé, valable du 24 février 2021 au 23 février 2022. Par un arrêté du 13 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Par l'arrêté attaqué du 13 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée, le 5 janvier 2022, par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, par l'intermédiaire de son conseil et par un courrier du 23 mars 2022 réceptionné par les services de la préfecture le 25 mars 2022, M. A... a expressément indiqué qu'il demandait un changement de statut en sollicitant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, à raison, notamment, de l'ancienneté de son séjour en France et de l'insertion sociale et professionnelle dont il entendait se prévaloir. Si, en défense, le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir qu'il n'a pas été destinataire de ce courrier, la preuve de dépôt de la lettre recommandée produite par le requérant, mentionnant ses nom et prénom ainsi qu'une date d'envoi le 24 mars 2022, et l'avis de réception de cette lettre revêtu d'un cachet de réception des services de la préfecture le 25 mars 2022 suivant, revêtent, à cet égard, un caractère suffisamment probant alors qu'aucun autre élément du dossier ne permet de démontrer que cette preuve de dépôt et cet avis de réception ne se rapporteraient pas à ce courrier. En particulier, la seule mention " remise en main propre " figurant sur ce courrier, rédigé par le conseil du requérant, qui indique, sans être contesté sur ce point, qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle, ne saurait suffire à établir que le courrier du 23 mars 2022 n'aurait pas effectivement été adressé par voie postale à la préfecture.
4. Par ailleurs, eu égard aux termes de ce courrier, l'intéressé doit être regardé comme ayant entendu modifier le fondement de sa demande de titre de séjour en sollicitant un changement de statut. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas examiné cette demande de changement de statut de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché son arrêté du 13 avril 2022, d'un défaut d'examen de cette demande.
5. Il suit de là que le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour et, par voie de conséquence, de celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité et de légalité de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, ce dernier n'implique pas nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... au regard de ces dispositions dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2207287 du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 13 avril 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04652