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23/04/2024 | FRANCE | N°22PA02710

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 23 avril 2024, 22PA02710


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté du 10 août 2000 prononçant son expulsion du territoire français et a refusé de l'assigner à résidence.



Par un jugement n° 2103160 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête

, enregistrée 13 juin 2022, M. C..., représenté par Me Benhamida, demande à la Cour :



1°) de l'admettre, à titre prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté du 10 août 2000 prononçant son expulsion du territoire français et a refusé de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2103160 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 13 juin 2022, M. C..., représenté par Me Benhamida, demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000 dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui a omis de répondre aux moyens soulevés à l'encontre du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion et tirés de l'incompétence de son signataire et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entaché d'irrégularité ;

- le jugement, qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation du refus de l'assigner à résidence, est entaché d'irrégularité ;

- il est entaché d'un défaut de motivation, d'erreurs de droit, d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 524-2 et L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'objet de sa demande d'abrogation en date du 20 juillet 2020 et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dès lors que son expulsion ne constitue plus une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et que sa présence en France ne représente plus une menace grave pour l'ordre public et eu égard aux changements survenus dans sa vie privée et familiale et aux garanties de réinsertion sociale ou professionnelle qu'il présente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant de l'assigner à résidence a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 février 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 2 avril 2024 à 14h00.

Par une décision du 8 août 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 modifié relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne du secrétariat général du ministère de l'intérieur ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 12 mai 1964 et entré en France en 1972, a fait l'objet d'un arrêté du 10 août 2000 par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné, sur le fondement des dispositions du b) de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable, son expulsion du territoire français au motif d'une nécessité impérieuse pour la sécurité publique. Par un courrier du 18 septembre 2018, l'intéressé a demandé au ministre de l'assigner à résidence, à titre probatoire et exceptionnel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un courrier du 20 juillet 2020, il a demandé au ministre de procéder au réexamen des motifs de l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000 en application des dispositions de l'article L. 524-2 du même code, alors applicable. Par une décision du 28 janvier 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté ces deux demandes. M. C... fait appel du jugement du 11 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision susvisée du 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. D'une part, il ressort du dossier de première instance qu'à la suite d'une ordonnance n° 2103161 du 3 mars 2021 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris suspendant l'exécution du refus ministériel d'assigner à résidence M. C... et enjoignant à l'autorité ministérielle de réexaminer sa demande d'assignation à résidence dans un délai d'un mois, le ministre de l'intérieur non seulement a réexaminé cette demande, mais encore, après réexamen et par un arrêté du 3 mai 2021, a décidé l'assignation à résidence de l'intéressé, à titre probatoire et exceptionnel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 731-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'est substitué à l'article L. 523-5 du même code. Dès lors que l'autorité ministérielle ne s'est ainsi pas bornée à réexaminer cette demande d'assignation à résidence, comme elle y était tenue par l'ordonnance de référé en date du 3 mars 2021, mais, après réexamen, a décidé de faire droit à la demande initiale de M. C..., sans préciser, dans l'arrêté du 3 mai 2021, ni dans le courrier du même jour adressé au conseil de celui-ci, que cette mesure d'assignation à résidence n'aurait été motivée que par le souci de se conformer à cette ordonnance de référé et d'organiser les conditions du séjour de l'intéressé pendant la durée de la première instance, les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du refus ministériel de l'assigner à résidence étaient devenues, de ce fait, sans objet. Le jugement attaqué, qui a statué sur ces conclusions, doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

4. D'autre part, il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus ministériel d'abroger l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... a soutenu que ce refus avait été signé par une autorité incompétente et qu'elle méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit également être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000 et il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur ces conclusions.

Sur la légalité de la décision refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, alors en vigueur : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". En vertu de l'article 9 de l'arrêté du 12 août 2013 susvisé, alors en vigueur, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques comprend la sous-direction des polices administratives qui " est chargée de proposer, préparer et mettre en œuvre les législations relatives : a) A l'éloignement des étrangers pour des motifs d'ordre public (...) ".

6. Il résulte des dispositions précitées que M. D... A..., reconduit dans les fonctions de sous-directeur des polices administratives par un arrêté du Premier ministre, du ministre de l'intérieur et du ministre des outre-mer en date du 11 janvier 2021, publié au Journal officiel de la République française du 12 janvier 2021, disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer la décision contestée du 28 janvier 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'avant de refuser d'abroger l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000, le ministre de l'intérieur, dans le cadre de son réexamen quinquennal des motifs de cet arrêté en application des dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de M. C.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu les articles L. 632-3 et L. 632-4 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ". Aux termes de l'article L. 524-2 du même code, alors applicable et devenu l'article L. 632-6 : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ". Aux termes de l'article L. 524-3 de ce code, alors applicable et devenu l'article L. 632-5 : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : / 1° Pour la mise en œuvre de l'article L. 524-2 (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'entre 1989 et 2000, M. C... a fait l'objet de cinq condamnations par les juridictions répressives pour des faits délictueux commis entre 1988 et 1995. Il a ainsi été condamné le 31 janvier 1989 à une peine de cinq mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 1988, de vol, de destruction ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui et de contrefaçon ou falsification de chèque et usage, le 17 septembre 1990 à une peine de trois mois d'emprisonnement assortie d'une interdiction du territoire d'une durée de trois ans pour des faits, commis en 1989, de vol et d'entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, le 13 mars 1997 à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction définitive du territoire français, peine relevée le 24 novembre 1997, pour des faits, commis entre 1992 et 1995, de transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants (récidive), le 6 janvier 2000 à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits, commis entre 1991 et 1992, de recel d'objet provenant d'un vol, de contrefaçon ou falsification de chèque, d'usage de chèque contrefait ou falsifié, de recel d'objet provenant d'un vol et de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement et le 30 mars 2000 à une peine de dix mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 1992, de recel d'objet provenant d'un vol, de contrefaçon ou falsification de chèque et d'usage de chèque contrefait ou falsifié. A raison de ces faits multiples et d'une gravité certaine et croissante, M. C... a fait l'objet d'un arrêté du 10 août 2000 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions du b) de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable, et justifié par une nécessité impérieuse pour la sécurité publique.

10. Par ailleurs, après l'intervention de cette décision d'expulsion, M. C... a fait l'objet, de nouveau, de dix condamnations par les juridictions répressives pour des faits délictueux commis, pour la plupart, postérieurement à cette mesure d'éloignement, l'intéressé ayant persisté, sur une longue période, dans son comportement délinquant et récidiviste. Il a ainsi été condamné le 15 octobre 2004 à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2001, d'escroquerie, le 18 mai 2005 à une peine de deux ans d'emprisonnement pour des faits, commis en 1998 et 1999, d'escroquerie, d'émission de chèque par le titulaire d'un compte en violation d'une injonction bancaire, de recel de bien provenant d'un vol, de contrefaçon ou falsification de chèque, d'usage de chèque contrefait ou falsifié et de vol aggravé par deux circonstances (tentative), le 22 mai 2006 à une peine d'un an et deux mois d'emprisonnement pour des faits, commis entre 2001 et 2003, de recel de bien provenant d'un vol (récidive), de contrefaçon ou falsification de chèque et d'usage de chèque contrefait ou falsifié, le 20 septembre 2006 à une peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2001, d'abus de confiance et le 4 avril 2008 à une peine de trois mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2002, de recel de bien provenant d'un vol. Il a également été condamné le 4 mai 2010 à une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'une interdiction du territoire d'une durée de trois ans pour des faits, commis en 2008, d'obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation (tentative) et d'entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, le 4 mai 2010 à une peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits, commis en 2004, de recel de bien provenant d'un vol, de contrefaçon ou falsification de chèque, d'usage de chèque contrefait ou falsifié et d'escroquerie, le 14 juin 2012 à une peine de trois mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2011, de conduite d'un véhicule sans permis, de refus par le conducteur d'un véhicule de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste et de refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée de crime ou délit, le 18 janvier 2013 à une peine de trois mois d'emprisonnement pour des faits, commis en 2010, de recel de bien provenant d'un vol (récidive) et le 30 juin 2015 à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits, commis en 2009 et 2010, d'escroquerie et de recel de bien provenant d'un vol en récidive.

11. Enfin, M. C... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 1972 et de la présence sur le territoire de son père, de sa belle-mère et de ses trois frères, de nationalité française, ainsi que de ses trois enfants majeurs, nés en 1989, 1991 et 2000, issus d'une première union et également de nationalité française, et fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française dont il a eu un enfant né en 2003 et que les faits qu'il a commis sont anciens et ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient la persistance d'une menace pour l'ordre public. Toutefois, alors que M. C... s'est inscrit sur une longue période, entre 1988 et 2011, dans un parcours de délinquant, qui lui a valu, notamment, quinze condamnations par les juridictions répressives à des peines atteignant un quantum total de 11 ans et neuf mois d'emprisonnement ainsi que trois peines complémentaires d'interdiction du territoire français, l'intéressé, qui persiste à minimiser les faits qui lui sont reprochés, ne présente aucun gage sérieux et avéré de distanciation ou de remise en question par rapport à ces faits. De même, l'intéressé, qui n'a exécuté ni l'arrêté d'expulsion du 10 août 2000 et s'est même opposé à son exécution le 28 mars 2008 en refusant d'embarquer, ni les deux peines d'interdiction temporaire du territoire prononcées à son encontre en 1990 et 2010, s'est ainsi sciemment maintenu en situation irrégulière sur le territoire pendant plus de vingt ans. De plus, s'il produit une attestation établie le 10 février 2021 par son père et sa belle-mère, au demeurant très peu circonstanciée, il ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec eux, ni, par la seule production des copies des cartes nationales d'identité de ses trois frères et de ses trois enfants majeurs, de l'effectivité des liens qu'il aurait conservés avec ces derniers. En outre, il ne justifie pas davantage par les quelques pièces produites, notamment des attestations établies par des proches au mois de janvier 2017, tout aussi peu circonstanciées, et des photographies non datées, de l'ancienneté de la vie maritale dont il se prévaut avec une ressortissante française dont il n'a reconnu l'enfant né en 2003 qu'en 2012. Si, par ailleurs, le requérant établit vivre avec sa compagne et leur enfant depuis au plus tôt l'année 2015, il ne démontre pas, par les quelques documents d'ordre médical produits, que sa présence auprès de celle-ci revêtirait un caractère indispensable. De même, s'il invoque les difficultés psychologiques rencontrées par son jeune fils, qui a été exclu à deux reprises du collège et pris en charge auprès d'une structure spécialisée depuis lors, il n'est pas davantage démontré que celles-ci résulteraient essentiellement et sans autre cause de la situation administrative de M. C.... Enfin, en se bornant à produire une promesse d'embauche en qualité de " préparateur " dans un garage automobile, tantôt à Toulouse, tantôt à Aucamville, le requérant, qui ne fait état d'aucune activité professionnelle durant son séjour en France, ne présente ainsi aucune garantie sérieuse de réinsertion et de non réitération.

12. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature, de la répétition et de la gravité des faits délictuels commis par M. C... sur une longue période et en l'absence de garanties suffisamment sérieuses et avérées de distanciation, de non réitération et de réinsertion, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, estimer que sa présence en France constituait, à la date à laquelle il s'est prononcé, soit le 28 janvier 2021, une menace persistante pour l'ordre public de nature à justifier le maintien des effets de la mesure d'expulsion qui avait été prise à son endroit.

13. En quatrième lieu, si la décision indique, de façon erronée, que M. C... ne justifie pas " exercer l'autorité parentale sur son enfant mineur (...) et participer à son entretien et à son éducation ", alors que l'intéressé démontre vivre avec sa compagne et leur enfant depuis au plus tôt l'année 2015 et que l'intéressé a signé avec celle-ci une déclaration conjointe d'exercice en commun de l'autorité parentale sur leur enfant né en 2003, enregistrée le 25 juillet 2017 par le greffe du tribunal de grande instance de Toulouse, il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision en se fondant sur l'ensemble des autres motifs de cette décision et, notamment, ceux tenant à la nature, la répétition et la gravité des faits délictuels commis par l'intéressé sur une longue période et à l'absence de gages sérieux de réinsertion sociale et professionnelle.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 à 12 et alors que M. C... ne justifie vivre avec sa compagne et leur enfant depuis au plus tôt l'année 2015, qu'il ne démontre pas que sa présence auprès de celle-ci revêtirait un caractère indispensable et que son enfant a été pris en charge auprès d'un institut thérapeutique éducatif et pédagogique, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et, en tout état de cause, celui-ci tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 28 janvier 2021 du ministre de l'intérieur refusant d'abroger l'arrêté du 10 août 2000 prononçant son expulsion du territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. C... aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

18. L'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. C... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2103160 du 11 avril 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 28 janvier 2021 du ministre de l'intérieur refusant de l'assigner à résidence.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

Le président,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02710 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02710
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;22pa02710 ?
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