Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :
- sous le n° 2102940, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;
- sous le n° 2103119, d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son assignation à résidence.
Par un jugement nos 2102940-2103119 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés des 6 novembre 2020 et 18 décembre 2020 du ministre de l'intérieur et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Oloumi, avocat de M. B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision d'expulsion et, par voie de conséquence, celle d'assignation à résidence pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-3 alors que les éléments produits permettent de considérer que le comportement de M. B... est lié à des activités à caractère terroriste ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par M. B..., il s'en réfère à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, M. B..., représenté par Me Oloumi, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 500 euros à lui verser ou, en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à son conseil.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision d'expulsion au motif que le ministre de l'intérieur a méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a également méconnu les dispositions de l'article L. 522-1 de ce code.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, né le 1er octobre 1999 et entré en France le 29 décembre 2003, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en application du principe de l'unité de famille, son père ayant été reconnu réfugié le 25 juin 2004. Par une décision du 23 mai 2019, devenue définitive faute d'avoir été contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié de M. B... sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu le 1° de l'article L. 511-7 du même code. Par un arrêté du 6 novembre 2020, le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 de ce code, alors applicable et devenu l'article L. 631-3, et en urgence absolue. Par un arrêté du 18 décembre 2020, le ministre a ordonné son assignation à résidence. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait appel du jugement du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés des 6 novembre 2020 et 18 décembre 2020 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code, alors applicable et devenu l'article L. 631-3 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ". Aucun texte, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur et versées au débat contradictoire, dès lors que les faits qu'elles relatent de façon suffisamment précise ne sont pas sérieusement contestés par le requérant, soient susceptibles d'être prises en considération par le juge administratif.
3. Pour annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 prononçant l'expulsion de M. B... du territoire français et, par voie de conséquence, l'arrêté du 18 décembre 2020 ordonnant son assignation à résidence, le tribunal administratif a estimé que les éléments fournis par le ministre de l'intérieur, notamment une note des services de renseignement, étaient insuffisamment précis et probants pour établir que le comportement de l'intéressé était lié à des activités à caractère terroriste au sens et pour l'application des dispositions précitées.
4. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note des services de renseignement produite en première instance et de celle versée en appel par le ministre de l'intérieur ainsi que des motifs de la décision du 23 mai 2019 du directeur général de l'OFPRA ayant, après un entretien du 27 mars 2019, mis fin au statut de réfugié de l'intéressé, et il n'est pas sérieusement contesté que, le 17 juin 2015, M. B... s'est rendu à l'aéroport de Bruxelles, avec un ami d'enfance, afin d'acheter des billets à destination de la Turquie dans le but de se rendre en Syrie pour rejoindre la katiba D... A..., lui-même originaire de Nice, connu pour son prosélytisme en faveur du jihad armé par la réalisation de vidéos de propagande ayant eu un fort impact sur les jeunes et dont le groupe armé a été affilié notamment au Front al-Nosra. Sur ce point, si M. B... a fait valoir qu'à cette date, il était âgé de 15 ans et n'était qu'un adolescent, il ne saurait être sérieusement contesté que les conditions dans lesquelles ce projet de départ a été préparé et mis à exécution révèlent l'adhésion de l'intéressé à l'idéologie jihadiste et sa volonté d'aller combattre en Syrie. A cet égard, il a admis, lors de l'entretien devant l'OFPRA, avoir été en contact via les réseaux sociaux avec des jeunes de son quartier partis combattre en Syrie, avoir visionné des images et vidéos mettant en scène ses camarades, armes à la main et pratiquant des entraînements de lutte au corps à corps, avoir eu conscience de leurs motivations religieuses ou idéologiques et avoir été en phase avec ces dernières au point de motiver son propre projet de départ. Ainsi, il ne pouvait ignorer les activités de ses camarades en Syrie et sa tentative de départ pour ce pays a manifestement été animée par une volonté de rejoindre ses anciens camarades de quartier au sein du groupe armé D... A.... De même, il a également admis qu'il devait être pris en charge, avec son ami d'enfance, à leur arrivée en Turquie par un passeur censé les aider à traverser la frontière turco-syrienne et à rejoindre leur groupe d'amis sur place et qu'il connaissait à la fois le tarif de ce passeur ainsi que les risques liés à leur voyage en prévoyant d'attendre leur arrivée sur le territoire turc pour prendre contact avec leurs compagnons présents en Syrie pour ne pas attirer l'attention des services de renseignement français. Enfin, seule la circonstance qu'il s'est heurté à un refus de l'employé de la compagnie aérienne Turkish Airlines de lui vendre des billets d'avion l'a contraint à retourner en France.
5. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, outre cette tentative avortée de départ en Syrie au mois de juin 2015, M. B... a été membre à partir du mois de juin 2018 d'un groupe de discussion " WhatsApp " dont la principale activité a été de diffuser des documents de propagande de Daesh. De plus, l'intéressé a indiqué, au mois d'octobre 2019, être régulièrement en contact avec un ressortissant franco-tunisien parti en zone syro-irakienne entre les mois de novembre 2013 et juin 2014 afin d'y mener le jihad au sein du groupe armé D... A..., cet individu ayant été incarcéré à son retour en France, ayant fréquenté au cours de sa détention de nombreux individus condamnés pour des faits d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et ayant admis être toujours en contact avec son frère, membre également de la katiba D... A.... Enfin, M. B... a continué d'être en relation avec des individus évoluant dans la mouvance radicale niçoise, notamment avec un individu très actif sur les réseaux sociaux où il anime des comptes d'obédience salafiste ainsi qu'avec son ami d'enfance avec lequel il a tenté de rejoindre la Syrie. De tels éléments, qui permettent d'attester que M. B... a continué d'être en relation avec plusieurs individus présentant la caractéristique commune d'appartenir à la mouvance islamiste radicale, révèle un comportement délibéré et une proximité intellectuelle avec les personnes concernées.
6. Enfin, si M. B... a contesté en des termes très généraux les éléments rappelés au point 5, il ressort des motifs de la décision du 23 mai 2019 du directeur général de l'OFPRA que l'intéressé n'a pas été à même de livrer des déclarations suffisamment précises, personnalisées et crédibles quant à une distanciation réelle et durable avec l'idéologie djihadiste. En particulier, s'il a prétendu devant l'Office avoir bénéficié du soutien de son père et de son frère pour prendre de la distance avec cet engagement, il n'a pas été en mesure de préciser les échanges qu'il aurait eus avec eux et il ressort des pièces du dossier, notamment de la note des services de renseignement produite en appel par le ministre de l'intérieur, que ces derniers sont eux-mêmes connus de ces services, le père pour son soutien à l'Emirat du Caucase, organisation terroriste islamiste dont une partie a prêté allégeance à Daesh, et pour avoir incité des jeunes à rejoindre la Syrie pour y combattre et s'être félicité du départ de certains d'entre eux sur le théâtre de combat syrien, son frère pour avoir partagé en 2014 via le réseau social " Facebook " des publications en lien avec la mouvance islamique radicale, appelant à rejoindre la région du Sham, avec le djihadiste combattant Bilal A..., fils D... A.... De même, le profil " Facebook " de ce frère a fait apparaître son appartenance à la mouvance islamiste radicale au travers notamment de photographies d'armes de poing, de tigres porteurs de turban taliban et de l'étendard noir et blanc de la profession de foi utilisé par les mouvements djihadistes. De plus, si M. B... a indiqué devant l'OFPRA avoir noué une relation avec un habitant de son quartier qui aurait contribué à déconstruire sa vision radicale de l'islam, il n'a pas été en capacité d'apporter des éléments concrets et précis sur le contenu de ses échanges avec cet individu, ni sur les arguments qui l'auraient convaincu. En outre, s'il a également fait valoir qu'il a effectué des recherches sur internet pour obtenir des pistes de réflexion et se distancier de l'islam radical, il n'a fourni à cet égard aucune précision concrète et crédible sur ces recherches ou cette démarche. Par ailleurs, alors qu'il n'a pu, devant l'OFPRA, apporter aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait cherché à s'extraire du milieu dans lequel il évoluait et qui a été le terreau de sa radicalisation, l'Office a expressément relevé que l'ensemble de ses propos, lors de l'entretien, révèle que l'intéressé est toujours en lien avec des jeunes de son quartier revenus de Syrie, qu'il s'informe de leur situation et qu'il continue de fréquenter certains d'entre eux. Enfin, pas plus en appel qu'en première instance, M. B... n'a apporté aucune précision, ni aucun élément, notamment aucun témoignage de parents ou de proches, susceptible d'infirmer les éléments sur lesquels s'est fondé le ministre de l'intérieur pour prendre la décision d'expulsion contestée ou de démontrer qu'il aurait renoncé à ses convictions pro-djihadistes.
7. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'adhésion de M. B... à la cause djihadiste, des relations qu'il a entretenues avec des personnes proches ou membres de la mouvance islamiste radicale, de sa volonté manifeste de dissimulation de ses convictions réelles ainsi que de son profil, jeune et influençable, le ministre de l'intérieur, en estimant, par son arrêté du 6 novembre 2020, que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public et que son comportement était lié à des activités terroristes et, en conséquence, en prononçant son expulsion du territoire français, n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 521-1 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés des 6 novembre 2020 et 18 décembre 2020 au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 6 novembre 2020 :
10. Aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 632-1 du même code : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : / a) Du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; / c) D'un conseiller de tribunal administratif ".
11. Compte tenu, d'une part, du contexte de menace terroriste particulièrement élevée prévalant à la date de la décision contestée, caractérisé, en particulier, par les attentats terroristes perpétrés à proximité des anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris le 25 septembre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 et à Nice le 29 octobre 2020 par de jeunes individus empreints de l'idéologie djihadiste et, d'autre part, des motifs énoncés aux points 4 à 7, notamment de l'adhésion de M. B... aux thèses pro-djihadistes, de sa tentative de rejoindre la Syrie en 2015 afin d'y combattre, du maintien de relations actives avec des membres de la mouvance islamiste radicale, notamment à Nice, par les réseaux sociaux ou ses fréquentations, de sa volonté manifeste de dissimulation de ses convictions réelles ainsi que de son profil de jeune homme influençable, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il y avait urgence absolue à l'expulser. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé des garanties de procédure prévues à l'article L. 522-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 18 décembre 2020 :
12. Aux termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1. Les dispositions de l'article L. 624-4 sont applicables (...) ". Aux termes de cet article L. 561-1 : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. / Par exception : / (...) b) Dans les cas prévus aux articles L. 523-3 à L. 523-5 (...), la durée maximale de six mois ne s'applique pas (...). / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...). / L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Lorsque l'étranger est assigné à résidence (...) au titre d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3 à L. 523-5 ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures (...) ". Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
13. Par l'arrêté contesté du 18 décembre 2020, le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions précitées, a astreint M. B... à résider dans les limites de la commune de Nice, l'a obligé à se présenter trois fois par jour, à 9h30, 14h00 et 17h30, à la Caserne Auvare à Nice, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches, les jours fériés et chômés, lui a imposé de demeurer tous les jours, de 21h00 à 7h00, dans les locaux où il réside à Nice et lui a interdit de se déplacer hors de son lieu d'assignation à résidence sans avoir obtenu préalablement l'autorisation écrite du préfet des Alpes-Maritimes.
14. En premier lieu, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent cette mesure d'assignation à résidence, est, par suite, suffisamment motivé.
15. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. B... avant d'ordonner son assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision en litige doit être écarté.
16. En troisième lieu, si M. B... entend exciper, par les mêmes moyens, de l'illégalité de l'arrêté d'expulsion en date du 6 novembre 2020 à l'encontre de la mesure d'assignation à résidence en litige, il y a lieu d'écarter cette exception par les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 11.
17. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille et qui n'exerce aucune activité professionnelle, a été assigné à résidence au domicile de sa mère. En outre, alors qu'il est autorisé à quitter librement son domicile en journée entre 7h00 et 21h00, il n'est pas contesté qu'il peut recevoir la visite des autres membres de sa famille ou de ses proches ou leur rendre visite. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'assignation à résidence contestée, nécessaire à la défense de l'ordre public, n'a pas porté, eu égard notamment à la nature du comportement qui lui est reproché, une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. En dernier lieu, si M. B... entend contester les modalités de l'assignation à résidence dont il a fait l'objet en faisant valoir, notamment, que la fréquence des présentations aux forces de l'ordre fixées par l'arrêté du 18 décembre 2020 l'empêcherait de suivre ses cours à l'université, l'intéressé, par la seule production d'un certificat de scolarité pour l'année 2019-2020 et d'un emploi du temps non daté et sans mention d'une année universitaire, n'établit pas qu'il suivait des cours à la faculté des sciences de Nice, ni même qu'il y était inscrit pour l'année universitaire 2020-2021. Par suite et eu égard à la nature du comportement reproché à l'intéressé ainsi qu'à la nécessité des modalités de contrôle prescrites pour la préservation de l'ordre public, ni cette fréquence, ni les autres modalités ne peuvent être regardées comme ayant porté une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés des 6 novembre 2020 et 18 décembre 2020 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... au titre des frais liés à la présente instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement nos 2102940-2103119 du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C....
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02295