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10/04/2024 | FRANCE | N°23PA03676

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 23PA03676


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2122689/3-2 du 15 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 août 2021 du préfet de police, enjoint à ce préfet, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A... un titre de séjour " v

ie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2122689/3-2 du 15 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 août 2021 du préfet de police, enjoint à ce préfet, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A... un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2122689/3-2 du 15 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressé en première instance, tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de sa motivation, de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressé, ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 5 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 25 décembre 1963, est entré en France le 26 septembre 1998 selon ses déclarations et s'est vu pour la première fois délivrer un titre de séjour en 1999. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour obtenu pour la dernière fois sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 août 2021, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour. M. A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 15 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 26 août 2021 du préfet de police, a enjoint à ce dernier, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A... un titre de séjour " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé de l'annulation prononcée par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 423-23 dudit code, : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Les premiers juges ont annulé la décision contestée au motif, qu'en dépit des incarcérations et condamnations dont M. A... avait fait l'objet, celle-ci portait au droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait M. A..., le préfet de police a considéré que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public dès lors qu'il avait fait l'objet de sept condamnations par des tribunaux correctionnels, pour un quantum de peines d'emprisonnement ferme total de quinze mois, entre le 12 mars 2004 et le 14 février 2018, en répression de faits de vol, de dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui, de port prohibé d'arme de catégorie 6, de vol aggravé et port prohibé d'arme de catégorie 6, de violence par personne en état d'ivresse manifeste sans incapacité et menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet, de violence sur mineur de quinze ans, d'injure publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique. Il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté du 26 août 2021, les derniers faits ayant donné lieu à condamnation, commis le 21 mai 2017, remontaient ainsi à plus de quatre ans. Il ressort également des témoignages des parents, des deux sœurs et du frère de M. A..., tous devenus Français et qui ont tous attesté entretenir des relations familiales avec ce dernier que celui-ci, en situation régulière en France depuis le 28 mai 1999, n'a plus aucune famille dans son pays d'origine qu'il a quitté 23 ans avant la décision contestée. Par ailleurs, ce-dernier souffrant d'un syndrome " schizo-affectif ", les attestations de médecins -dont un psychiatre- d'un centre médico-psychologique situé dans le 18ème arrondissement de Paris, des 5 janvier et 10 septembre 2021 -corroborées par des attestations des 11 janvier et 9 septembre 2022 postérieures à la décision contestée- établissent que cette pathologie est médicalement prise en charge dans le cadre de consultations mensuelles et régulières, ; son état, justifiant qu'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % soit reconnu par la maison départementale des personnes handicapées, semble ainsi stabilisé. Dans ces conditions, si le comportement de M. A... a pu caractériser une menace à l'ordre public, alors même au demeurant qu'il s'est vu délivrer concomitamment aux faits délictueux invoqués par le préfet des titres de séjour jusqu'en 2020 sans pour autant qu'alors son comportement lui soit opposé, c'est à bon droit qu'eu égard à l'ancienneté de la présence en France de l'intéressé, aux liens familiaux qu'il y entretient, les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour du préfet de police avait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Le préfet de police n'est par conséquent pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 26 août 2021 pour ce motif et sa requête doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03676 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03676
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;23pa03676 ?
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