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10/04/2024 | FRANCE | N°22PA01276

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 10 avril 2024, 22PA01276


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Kronos 360 a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits en pénalités, de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2015.



Par un jugement n° 1904456/

1-3 et n° 2015875/1-3 du 19 janvier 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Kronos 360 a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits en pénalités, de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1904456/1-3 et n° 2015875/1-3 du 19 janvier 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2022, la société Kronos 360, représentée par Me Frédéric Naïm, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904456 /1-3 et n° 2015875/1-3 du 19 janvier 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas soumise à la taxe sur les métaux précieux conformément à la loi fiscale et à la doctrine ;

- si son assujettissement à cette taxe doit être maintenu, elle est fondée à déduire cette taxe du bénéfice net établi en application de l'article 39 du code général des impôts pour le calcul de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2014 et 2015 ;

- les rehaussements afférents à la minoration des stocks ne sont pas justifiés dès lors que les montres en cause avaient été cédées au cours de l'exercice 2015, et que les erreurs commises lors des opérations d'inventaire ont été régularisées ;

- les charges sur exercices antérieurs sont justifiées ;

- la majoration pour manquement délibéré est injustifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Kronos 360, qui a pour activité l'achat et la revente de montres d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés portant sur les exercices clos de 2012 à 2015 et des rappels de taxe sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Au terme de la procédure de vérification, les rappels de taxe et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assortis des intérêts de retard et de majorations ont été mis en recouvrement respectivement le 15 mai 2018 et le 31 janvier 2019. Par la présente requête, la société Kronos 360 relève appel du jugement du 19 janvier 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe forfaitaire sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité :

S'agissant de la loi fiscale :

2. Aux termes d'une part de l'article 150 VI du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de l'Union européenne : / (...) 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité. (...) ". Les bijoux, au sens et pour l'application de ces dispositions, s'entendent des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure, y compris lorsqu'ils ne sont pas composés de métaux précieux.

3. Aux termes d'autre part de l'article 150 VJ du même code : " Sont exonérées de la taxe : (...) / 4° Les cessions ou les exportations des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI lorsque le prix de cession ou la valeur en douane n'excède pas 5 000 €. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 150 VK de ce code : " I. - La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due, sous leur responsabilité, par l'intermédiaire établi fiscalement en France participant à la transaction ou, en l'absence d'intermédiaire, par l'acquéreur lorsque celui-ci est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France ; dans les autres cas, elle est due par le vendeur ou l'exportateur. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification non contestés par la société requérante, que les acquisitions effectuées par la société Kronos 360 auprès de particuliers concernent des montres d'occasion fabriquées par des marques prestigieuses, achetées entre 6 000 et 75 000 euros, et destinées à être portées à titre de parure. Ces montres sont donc des bijoux au sens du 2° du I de l'article 150 VI du code général des impôts, quand bien même elles ne seraient pas composées de métaux précieux. Par la suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de la taxe litigieuse sur le terrain de la loi fiscale.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. La société se prévaut du paragraphe n° 120 de la doctrine référencée BOFIP-RPPM-PVBMC-20-10 du 23 avril 2013 qui indique que : " (...) la taxe forfaitaire est applicable sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels. Il s'ensuit notamment que : / - les cessions réalisées par des professionnels imposés à l'impôt sur le revenu selon les dispositions de droit commun ou à l'impôt sur les sociétés ne sont pas soumises à la taxe forfaitaire dès lors que le bien vendu est inscrit à l'actif de l'entreprise ; / - les cessions réalisées par des personnes morales quelle qu'en soit la forme, dont les produits ne peuvent être assujettis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, sont soumises à la taxe forfaitaire même si les biens vendus sont inscrits à l'actif de l'entreprise. Ces dispositions conduisent notamment à soumettre les associations à la taxe forfaitaire, dès lors que les profits ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés en application du 1 de l'article 206 du CGI ".

6. Ces énonciations, qui ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui vient d'être énoncée au point 3, traitent des cessions d'objets effectuées par des vendeurs professionnels. Or, il est constant que les taxes en litige concernent les acquisitions d'objets effectuées par la société requérante, qui en est redevable en application du I de l'article 150 VK du code général des impôts, et non ses propres ventes. La société ne peut donc se prévaloir de cette doctrine en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'incidence des rappels de taxe forfaitaire sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité :

7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice (...) ".

8. D'une part, il résulte des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que les entreprises ne peuvent pas comprendre dans les charges déductibles du bénéfice de l'exercice d'autres impôts que ceux qui ont été mis en recouvrement ou sont devenus exigibles avant la clôture de l'exercice. Il est constant que les rappels de taxe en litige ont été mis en recouvrement le 15 mai 2018. D'autre part, il résulte des dispositions du 5° du même article qu'une provision ne saurait être déduite du résultat de l'exercice si elle n'a pas été effectivement constatée dans les écritures comptables à la clôture de l'exercice. Le défaut de constitution d'une provision n'est ainsi pas susceptible de faire l'objet d'une correction demandée par voie de réclamation ou, après l'expiration du délai de réclamation, par voie de compensation à l'occasion d'un rehaussement. Par suite, la société n'est pas fondée à demander la déduction, par compensation, des charges constitués pour les exercices clos en 2014 et 2015 des rappels de taxe forfaitaire sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité.

S'agissant de la minoration des stocks :

9. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que, pour l'exercice clos en 2015, le vérificateur a comparé le stock final comptabilisé avec le stock final qu'il a reconstitué à partir du stock initial, des achats et des ventes de l'exercice. Il a ainsi constaté une omission de 134 345 euros, ramenée en dernier lieu à 112 505 euros.

11. S'agissant de l'opération n° 13 concernant une montre Rolex Daytona référence 116520 placée en dépôt vente, la société indique, pour justifier son absence de comptabilisation dans les stocks, l'avoir vendue le 30 octobre 2015. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des pièces qu'elle a produites, composées d'une attestation de vente à la société pour un montant de 8 000 euros datée du 2 novembre 2015, d'une facture de vente datée du 30 octobre 2015 pour une montre Rolex Dayton référence 16520 pour un montant de 1 500 euros et d'une attestation non signée par son acquéreur établie le 27 novembre 2018 confirmant cet achat, qu'il s'agirait de la même montre compte tenu de l'écart de prix constaté et alors par ailleurs que le numéro de référence diffère. Si la société explique la différence de prix par l'état de la montre qui n'avait pas été constaté au moment de l'acquisition, il résulte de l'instruction que cette montre était placée en dépôt vente, la facture d'achat pour revente étant d'ailleurs postérieure à sa revente effective au prix de 1 500 euros, et qu'elle comportait des défauts visibles, le verre étant fissuré, ou identifiables, comme le défaut d'étanchéité, pour un vendeur professionnel. Dans ces conditions et à supposer même que le numéro de référence de la montre figurant sur la facture du 30 octobre 2015 et l'attestation du 27 novembre 2018 soit une erreur de plume, la société n'établit pas que la montre manquante à l'inventaire est bien celle vendue le 30 octobre 2015. S'agissant des autres opérations, la société Kronos 360 fait valoir que les inventaires de stocks pour 2015 ont pris du retard et ont été réalisés courant 2016, que les montres manquantes correspondent soit à des montres vendues en début d'année 2016 soit à des montres qui n'étaient pas présentes physiquement dans ses locaux et que les erreurs de comptabilisation qui en ont résulté ont été régularisées pour l'exercice 2016. Toutefois et à supposer même qu'il s'agisse de simples erreurs, la société Kronos 360 ne justifie pas avoir procédé à la régularisation de ses déclarations pour l'exercice 2015. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration a procédé à tort à des rehaussements consécutifs à une minoration de stocks pour l'exercice 2015.

S'agissant des charges sur exercices antérieurs :

12. Il résulte de l'instruction que la société a comptabilisé trois écritures au débit du compte 672 " charges sur exercices antérieurs " au titre de l'exercice 2015 pour des montants respectifs de 17 800 euros, 10 000 euros et 9 000 euros. En ce qui concerne la charge comptabilisée pour une somme de 17 800 euros, si la société soutient qu'il s'agit d'un achat de montres réalisé le 31 janvier 2015, il résulte de l'instruction que l'acte de cession daté du même jour n'est pas signé, la société ayant seulement produit un acte visé le 3 décembre 2018 par une personne qu'elle présente comme l'acquéreur mais qui ne comporte aucun nom, que l'achat n'a pas été inscrit dans le livre de police et que la société n'a produit aucune preuve du paiement de cette somme au vendeur. S'agissant des deux autres opérations, la société allègue qu'il s'agit de pertes sur créances irrécouvrables pour des montres vendues et qui n'ont pas été réglées, toutefois, elle ne produit aucun élément justificatif pour la montre de 9 000 euros et se borne à produire, pour la montre de 10 000 euros, un simple courrier de relance daté du 21 avril 2016. La société n'établissant pas ainsi le caractère irrécouvrable de ces créances, elle n'est pas fondée à demander l'annulation des rehaussements y afférents.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Kronos 360 n'est pas fondée à demander la décharge en droits des impositions en litige.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

15. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré à la rectification portant sur la minoration de stocks, l'administration fait valoir que la société requérante a omis de comptabiliser une partie significative de ses stocks, pour 18% de sa valeur et une vingtaine de montres sur les 169 biens que comprenait l'inventaire, et que, de par son activité, la société ne pouvait ignorer les règles élémentaires de comptabilisation des stocks. La société ne conteste pas ces chiffres. Si elle soutient qu'une partie des omissions a été corrigée, elle ne l'établit pas. Dans ces circonstances, l'administration établit que la société requérante a sciemment éludé l'impôt. C'est dès lors à bon droit que l'administration a assorti une partie des rectifications de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kronos 360 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Kronos 360 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Kronos 360 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

E. TOPINL'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0127602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01276
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;22pa01276 ?
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