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02/04/2024 | FRANCE | N°24PA00341

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 avril 2024, 24PA00341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.



Par un jugement n° 2301280/2-2 et 2303469/2-1 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et a enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. B... dans le délai d'un mois à compter de

la notification du jugement.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence.

Par un jugement n° 2301280/2-2 et 2303469/2-1 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et a enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;

Il soutient que c'est sans méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'il a pris l'arrêté en litige.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, né le 4 mai 1979 à Guelma (Algérie), qui a déclaré être entré en France le 6 juin 2008, muni d'un visa C, a, le 6 décembre 2021, sollicité un certificat de résidence en tant que parent d'enfant français. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande. Le préfet de police fait appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Sur la requête du préfet de police :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". " Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

4. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. B..., le préfet de police a estimé que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

5. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le tribunal administratif a estimé que M. B... était entré en France le 6 juin 2008 sous couvert d'un visa de type C et y avait résidé habituellement à partir de cette date, soit pratiquement pendant quinze ans. Il a également relevé que M. B... vit avec sa concubine, de nationalité française, depuis au moins la naissance de leur enfant, le 1er avril 2020, et qu'ils partagent les dépenses du foyer. Le tribunal a en outre relevé que M. B... justifie avoir réalisé certains achats pour son enfant, et être venu le chercher dans les locaux de l'établissement d'accueil qu'il fréquente. Il s'est enfin attaché à la circonstance que M. B... avait travaillé pendant pratiquement trois ans comme employé polyvalent dans la restauration rapide. Le tribunal a estimé que, dans ces conditions, l'arrêté du préfet de police, avait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'ainsi que le préfet de police le soutient, sans être contesté, M. B... s'est rendu coupable en 2018 et durant le premier semestre de 2019, soit relativement peu de temps avant l'édiction de l'arrêté en litige, de faits d'usage de faux document administratif, d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en bande organisée et de recel en bande organisée de bien provenant d'un délit, et qu'il a été condamné pour ces faits le 18 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Paris à dix-huit mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis. Compte tenu de la menace que la présence de M. B... en France représente donc pour l'ordre public et de sa gravité, le préfet de police est fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, qui n'est pas assortie d'une obligation de quitter le territoire français, ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en violation des stipulations citées ci-dessus, et que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur ce motif pour annuler son arrêté.

7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

8. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, même s'il ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il est suffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. B....

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Contrairement à ce que soutient M. B..., ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qu'elle tient des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités ci-dessus, de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, le moyen que M. B... tire d'une violation de ces stipulations, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 février 2023.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301280/2-2 et 2303469/2-1 du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA00341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00341
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;24pa00341 ?
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