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02/04/2024 | FRANCE | N°23PA05176

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 avril 2024, 23PA05176


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 1er février 2022 qui a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.



Par un jugement n° 2212546 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-

Saint-Denis en date du 1er février 2022, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 1er février 2022 qui a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.

Par un jugement n° 2212546 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 1er février 2022, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, sous le n° 23PA05176,

le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A... ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil dans son intégralité.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux pour irrégularité de la composition de la commission du titre de séjour, l'arrêté désignant les membres de la commission étant produit en pièce jointe à la présente requête d'appel ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, sous le n° 23PA05177, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions du sursis à exécution du jugement prévu par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 20 février 1978, séjourne sur le territoire français depuis le 30 novembre 2008. Il a été titulaire d'une carte de séjour temporaire puis de cartes de séjour pluriannuelles portant la mention " vie privée et familiale " depuis le 10 juin 2015. Par arrêté du 1er février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre, au motif de la menace sur l'ordre public que fait peser son comportement, et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation dudit arrêté. Par un jugement du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 1er février 2022, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. Par les requêtes susvisées, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande respectivement l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A..., et le sursis à exécution du même jugement.

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête 23PA05177 :

3. Le présent arrêt statuant sur la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête à fin de sursis à exécution dudit jugement sont devenues sans objet.

Sur la requête 23PA05176 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".

5. Les premiers juges ont estimé qu'il appartenait au préfet de la Seine-Saint-Denis d'établir que, contrairement à ce que soutenait M. A..., la commission du titre de séjour ayant rendu un avis sur la situation de l'intéressé le 14 octobre 2021, était régulièrement composée. Le préfet n'ayant pas produit de mémoire en défense, le Tribunal a jugé qu'il y avait lieu, en l'état des pièces du dossier, de tenir pour établi le vice de procédure allégué. Toutefois, dans la présente requête d'appel le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit l'arrêté du 15 juillet 2021 portant désignation des membres de ladite commission, duquel il résulte qu'elle est régulièrement composée. Le préfet est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux pour vice de procédure tenant à la composition irrégulière de la commission du titre de séjour.

Sur les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel :

En ce qui concerne le refus de séjour :

6. En premier lieu, le préfet produit la convocation de l'intéressé devant la commission du titre de séjour, revenue avec la mention " NPAI " alors qu'il n'avait pas mentionné de changement d'adresse. Le moyen tiré du vice de procédure du fait de l'absence de convocation régulière devant la commission du titre de séjour doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, le préfet produisant également l'avis de la commission du titre de séjour du 14 octobre 2021, le moyen tiré de l'inexistence dudit avis manque en fait.

8. En troisième lieu, l'arrêté litigieux énonce les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

9. En quatrième lieu, il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé, en particulier s'agissant de l'intérêt supérieur de ses deux enfants qui sont explicitement mentionnés.

10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales par le tribunal correctionnel de Bobigny, notamment le 17 septembre 2020 à un an d'emprisonnement pour violences aggravées de deux circonstances suivies d'incapacité supérieure à huit jours (récidive),violences aggravées de deux circonstances suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours (récidive), violences sur personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité (récidive), le 14 juin 2019 à 10 mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans avec exécution provisoire pour violences aggravées par trois circonstances suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, violences par une personne étant ou ayant été concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, le 14 février 2018 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour rébellion conduite d'un véhicule sans permis (récidive), récidive de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, le 3 décembre 2015 à 500 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis, conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. En outre, l'intéressé est connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour d'autres faits. En tout état de cause, compte tenu de la gravité et de la nature des seuls faits pour lesquels l'intéressé a fait l'objet de condamnations pénales, et de leur caractère réitéré, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur d'appréciation en estimant que son comportement constitue une menace pour l'ordre public.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

12. Si l'intimé se prévaut de sa vie familiale et notamment de l'intérêt supérieur de ses deux enfants, il n'habite pas avec ces derniers et s'il justifie verser une pension alimentaire pour leur entretien, il n'établit pas contribuer à leur éducation, alors au demeurant qu'il s'est rendu coupable de violences à l'égard de sa compagne. Par ailleurs, il ne justifie pas d'une insertion significative dans la société française en dépit du fait qu'il ait travaillé au cours de certaines périodes, alors au contraire que, comme il a été dit au point précédent, son comportement récurrent constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de celle de refus de séjour.

14. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne des droits de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 12.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation des articles 1 à 3 du jugement attaqué et le rejet de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil dans son intégralité.

DECIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête 23PA05177.

Article 2 : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2212546 du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée dans son intégralité.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA05176 ; 23PA05177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05176
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23pa05176 ?
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