Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2204037 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Kwemo, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
3°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 22 mars 2022 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, à défaut, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à présenter des observations écrites ou orales.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 15 novembre 1977, entré en France le 24 septembre 2019, a sollicité le 8 novembre 2000 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 22 mars 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 13 octobre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Dès lors, les conclusions susvisées sont devenues dépourvues d'objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
5. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser de délivrer un titre de séjour au requérant sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, la préfète du Val-de-Marne s'est notamment fondée sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 janvier 2022, versé au dossier de première instance, sans s'estimer liée par lui, aux termes duquel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Le requérant fait valoir qu'il souffre de diverses pathologies dont une dyschésie, une pathologie orthopédique et des problèmes cardiaques et produit de très nombreux ordonnances et compte-rendus d'examens médicaux. Toutefois, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, ces documents, et notamment la production de certificats médicaux non circonstanciés, ne suffisent pas à établir que M. B... ne pourrait effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état de santé. Dès lors, les pièces produites par le requérant ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
7. M. B... ne peut utilement invoquer les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant refus de séjour qui, par elle-même, ne fixe aucun pays de destination. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2019 chez son frère qui le soutient financièrement et qu'il entretient des liens étroits avec sa sœur et deux de ses frères français et résidents sur le territoire. Toutefois, il est célibataire, sans charge de famille sur le territoire français et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident en particulier son épouse et les quatre enfants mineurs issus de leur union. Dès lors, compte tenu de la durée de sa présence en France et de sa situation personnelle et familiale, la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, le requérant soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français avec ou sans délai de départ volontaire et d'une interdiction de retour. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne la décision prise sur sa demande, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, sur l'octroi ou non d'un délai de départ volontaire, sur la fixation du pays de destination et sur l'interdiction de retour, lesquels sont pris concomitamment et en conséquence du refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, dans la mesure où le requérant a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de certificat de résidence et dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la délivrance d'un certificat de résidence lui est refusée, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
12. En dernier lieu, compte-tenu de ce qui a été dit au point 9, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04670