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02/04/2024 | FRANCE | N°23PA04615

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23PA04615


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2320733 du 6 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.



Proc

dure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2320733 du 6 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de M. C... en tant qu'elle est dirigée contre la décision de transfert.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge de première instance a retenu que l'arrêté en litige avait été pris en méconnaissance des articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;

- le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris est infondé, en l'absence d'établissement de l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Italie ;

- l'accord implicite donné par l'Italie à la demande de transfert ayant la même valeur qu'un accord exprès, M. C... n'est nullement empêché de déposer une première demande d'asile en Italie ;

- la circulaire du 5 décembre 2022 des autorités italiennes n'est pas de nature à établir que la demande d'asile de M. C... ne serait pas examinée en Italie ;

- M. C... ne fait état d'aucune situation de vulnérabilité particulière ;

- c'est également à tort que le premier juge lui a enjoint de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil ;

- aucun des moyens soulevés par M. C... dans ses écritures de première instance n'est fondé.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 3 juillet 1974, a sollicité le bénéfice de la protection internationale par une demande déposée le 30 mai 2023. Par un arrêté du 29 août 2023, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 6 octobre 2023 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Pour annuler l'arrêté du 29 août 2023 portant transfert de M. C... aux autorités italiennes, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que, par une circulaire en date du 5 décembre 2022, le ministre de l'intérieur italien a informé ses homologues membres de l'espace Schengen de la suspension temporaire, pour des raisons techniques, des reprises en charge de demandeurs d'asile vers l'Italie. Le premier juge a estimé qu'en l'absence de demande d'asile effectivement déposée par M. C... en Italie et compte tenu du risque élevé que les autorités de ce pays ne l'autorisent pas à solliciter une protection internationale, le requérant était fondé à soutenir qu'un transfert vers les autorités italiennes l'exposerait à un risque sérieux de ne pas voir sa demande d'asile traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et a considéré que le préfet de police avait méconnu les dispositions dérogatoires prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 en s'abstenant d'en faire application.

3. Aux termes du paragraphe 2, de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du

26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.

5. M. C... soutient, en termes généraux, que l'Italie connaît des défaillances systémiques dues au durcissement de sa politique migratoire en se référant, d'une part, à un rapport publié par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) le 10 juin 2021, d'autre part, à la lettre circulaire du 5 décembre 2022 émanant du ministère de l'intérieur italien aux termes de laquelle l'Italie sollicite la suspension temporaire des transferts à destination de son territoire pour des motifs techniques liés à la saturation des centres d'accueil et, enfin, à une décision du 26 avril 2023 du Conseil d'Etat des Pays-Bas retenant que les transferts vers l'Italie ne sont plus possibles en raison du manque de structures d'accueil.

6. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer qu'à la date de la décision contestée, la demande de suspension des transferts vers l'Italie était encore en vigueur. En outre, ni les considérations générales exposées par M. C... sur la politique migratoire décidée en Italie, ni l'extrait du rapport établi en 2021 par l'OSAR ne suffisent à fonder des doutes sérieux sur l'existence en Italie, à la date de l'arrêté attaqué, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. En outre, M. C... n'établit par aucun document, ni aucune précision, que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il serait personnellement exposé à un risque réel et avéré de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en cas de transfert aux autorités italiennes, quand bien même les autorités italiennes ont implicitement accepté la prise en charge de sa demande d'asile, au demeurant postérieurement à la lettre circulaire du 5 décembre 2022. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge de première instance a annulé son arrêté du 29 août 2023 au motif qu'il aurait méconnu les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par ce règlement.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris :

8. En premier lieu, par un arrêté du 23 août 2023 régulièrement publié, le préfet de police a donné délégation à Mme B... A..., attachée au bureau de l'accueil de la demande d'asile, à l'effet de signer tous arrêtés dans la limite de ses attributions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

10. En application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susmentionné, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

11. L'arrêté en litige vise les stipulations applicables, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté mentionne également les éléments de fait pertinents relatifs à la situation de M. C.... Il précise qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'une attestation de demande d'asile en procédure Dublin lui a été délivrée le 30 mai 2023. Il indique également qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, il relève que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il précise que ces dernières, qui doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile en application de l'article 13 du règlement Dublin III, ont été saisies d'une requête le 12 juin 2023 en application du même règlement UE n° 604/2013 et qu'elles ont donné leur accord implicite à sa prise en charge le 13 août 2023. Par suite, l'arrêté contesté, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre contre signature, le 30 mai 2023, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), en langue française que l'intéressé a déclaré comprendre, et en a accusé réception sans réserve. Il a également confirmé lors de l'entretien individuel que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les Etats membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'Etat membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 ".

15. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si M. C... entend se prévaloir des articles 9 et 29 cités au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles les autorités françaises transfèrent un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié, le 30 mai 2023, d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de police, en langue française qu'il a déclaré comprendre, au cours duquel il lui a été loisible de former toute observation qu'il jugeait pertinente relative à la procédure de demande d'asile. Cet entretien a été mené par un agent de la préfecture de police qui, en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Ni les dispositions mentionnées au point 16 ni aucun principe n'imposent, contrairement à ce que soutient M. C..., que figure sur le compte rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de cet agent. Le requérant ne saurait davantage utilement se plaindre de la circonstance que cet agent n'aurait pas reçu de délégation de signature du préfet de police. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

18. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n°604-2013 du 26 juin 2013 ainsi que le " droit constitutionnel d'asile " en le transférant en Italie.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 août 2023 décidant le transfert de M. C... aux autorités italiennes et a fait droit aux conclusions à fin d'injonction de M. C... ainsi qu'à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2320733 du 6 octobre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris, auxquelles le magistrat désigné par le président du tribunal a fait droit aux articles 2 à 4 de son jugement, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04615
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23pa04615 ?
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