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02/04/2024 | FRANCE | N°23PA04367

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 avril 2024, 23PA04367


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et l'a signal

e aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet de po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et l'a signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2303037/8 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 28 novembre 2022 en tant qu'il interdit à Mme A... de retourner sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, a enjoint au préfet de police de faire procéder, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, à la suppression, du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 18 octobre 2023 et 5 février 2024, Mme A..., représentée par Me Saracino, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler les décisions mentionnées ci-dessus de refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4 °) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de sa motivation ;

S'agissant de l'arrêté pris dans son ensemble, il est entaché d'insuffisance de motivation ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 2 de l'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... sont infondés.

Par une décision du 11 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- et les observations de Me Saracino pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 7 octobre 1992 et entrée en France en 2015 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour des motif médicaux. Par un arrêté du 28 novembre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et l'a signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il interdit à Mme A... de retourner sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, a enjoint au préfet de police de faire procéder, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement, à la suppression, par les services compétents, du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement du 19 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont répondu de façon suffisamment circonstanciée à l'ensemble des moyens présentés par Madame A.... Le moyen tiré de l'irrégularité de jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

3. L'arrêté attaqué indique les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, tant en ce qui concerne la décision de refus de séjour que celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes des deux premiers alinéas de L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 et R. 425-13 du même code et précisées par un arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour, le préfet de police a estimé, en suivant l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux des 11 février 2022 et 9 mai 2023 que Mme A... souffre d'un état de stress post-traumatique et d'une dépression sévère avec des symptômes psychotiques et qu'elle bénéficie à ce titre d'un traitement médical à base de Xanax, Effexor, Xeroquel et Noctamide. Si elle allègue qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, elle s'est bornée à produire en première instance des certificats médicaux des 11 février 2022, 22 mars et 9 mai 2023, tous établis par le même psychiatre au sein de l'hôpital Hôtel Dieu, et indiquant que la combinaison des médicaments indiqués ci-dessus n'existe pas dans son pays d'origine, qu'il ressortait des échanges avec des médecins sénégalais qu'une seule pharmacie à Dakar disposerait de la " Quetiapine ", et que le changement d'une de ses molécules pourrait engager rapidement son pronostic vital, sans autre précision ou justification. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, ces certificats sont insuffisants pour infirmer l'avis de l'OFII et établir le défaut de traitement médical approprié dans le pays d'origine de la requérante. En outre, cette dernière ne produit aucune nouvelle pièce médicale en appel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Mme A... se prévaut de ce qu'elle vit en France depuis 2015 où résident également ses deux cousins, de nationalité française, qu'elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en coiffure et a exercé une activité professionnelle en tant que coiffeuse, qu'elle bénéficie d'un traitement médical important et que si ces deux enfants mineurs résident dans son pays d'origine, elle n'a pas conservé de liens avec eux en raison des violences qui lui ont été infligées par sa belle-famille, auprès de laquelle ils se trouvent. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... réside habituellement en France depuis l'année 2016 et a obtenu un CAP coiffure au mois de juin 2020, elle a résidé dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et n'a exercé une activité professionnelle, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée prolongé par avenant, que du 29 novembre 2021 au 30 juin 2022. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France et que ses deux enfants mineurs résident dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en dépit de la présence en France de ses cousins français, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., le préfet de police n'a, en tout état de cause, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, l'obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes des stipulations du paragraphe 2 de l'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

11. La requérante soutient que sa sécurité et sa vie seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine dès lors, d'une part, qu'elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et d'autre part, qu'elle a été victime d'un mariage forcé, dans le cadre duquel elle a subi de nombreuses violences, contracté avec un homme politique d'opposition influent au Sénégal. Toutefois, les seuls documents relatifs à son mariage avec cette personne et les éléments d'information d'ordre général concernant ce dernier ou les attestations établies par des tiers en France sur la base des déclarations de Mme A... ne sont pas de nature à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée, alors d'ailleurs que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile n'ont pas retenu l'existence de ces risques. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 2 de l'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne doit être écarté.

12. En second lieu, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à établir que la décision fixant son pays de renvoi serait de nature à porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des articles L761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04367
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SARACINO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23pa04367 ?
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