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19/03/2024 | FRANCE | N°23PA03334

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 19 mars 2024, 23PA03334


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé une interdiction de retour d'une durée d'un an et le pays à destination duquel il sera éloigné.



Par un jugement n° 2312118/1-1 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé une interdiction de retour d'une durée d'un an et le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2312118/1-1 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 9 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Belaïdi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2312118/1-1 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant statué alors que M. A..., bien qu'ayant fait une demande d'aide juridictionnelle provisoire qu'ils lui ont accordée, n'était pas représenté ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 1er janvier 1988, a présenté une demande de protection internationale qui a été rejetée par une décision du 30 avril 2019 du directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L'intéressé a saisi la cour nationale du droit d'asile d'un recours contre cette décision, lequel a été rejeté le 8 février 2021. Par un arrêté du 24 mai 2023, le préfet de police a obligé M. A... à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et une interdiction de retour d'un an. Par un jugement, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. La loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit, en son article 2, que les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle et, en son article 25, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat choisi par lui ou, à défaut, désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats. Il résulte des articles 76 et 77 du décret susvisé du 19 décembre 1991 que si la personne qui demande l'aide juridictionnelle ne produit pas de document attestant l'acception d'un avocat choisi par lui, l'avocat peut être désigné sur-le-champ par le représentant de la profession qui siège au bureau d'aide juridictionnelle, à condition qu'il ait reçu délégation du bâtonnier à cet effet.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé devant le tribunal administratif une demande d'aide juridictionnelle. Il appartenait alors au tribunal de lui assurer le bénéfice effectif du droit à l'assistance d'un avocat. Or, tout en lui accordant l'aide juridictionnelle provisoire, le juge délégué a néanmoins statué alors que M. A... n'était pas représenté. Il a ainsi privé l'intéressé du bénéfice effectif du droit qu'il tirait de la loi du 10 juillet 1991, entachant du même fait d'irrégularité son jugement.

4. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A....

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les conclusions présentées en application des dispositions desarticles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2312118/1-1 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il soit à nouveau statué.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Me Belaïdi et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEU

La présidente,

J. BONIFACJ La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03334
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BELAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23pa03334 ?
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