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19/03/2024 | FRANCE | N°22PA02167

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 19 mars 2024, 22PA02167


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :



1°) d'annuler la décision du 22 février 2019 par laquelle le maire de la commune de Romainville l'a informé du non-renouvellement de son contrat à compter du 31 mars 2019, ainsi que la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire, sur sa demande de réintégration, reçue à la mairie le 12 juillet 2019 ;



2°) d'enjoindre à la commune de Romainvill

e de procéder à sa réintégration à compter du 1er avril 2019.



Par un jugement n° 1910275 du 9 mars 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) d'annuler la décision du 22 février 2019 par laquelle le maire de la commune de Romainville l'a informé du non-renouvellement de son contrat à compter du 31 mars 2019, ainsi que la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire, sur sa demande de réintégration, reçue à la mairie le 12 juillet 2019 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Romainville de procéder à sa réintégration à compter du 1er avril 2019.

Par un jugement n° 1910275 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022, M. B..., représenté par Me Boussoum, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 9 mars 2022 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du maire de la commune de Romainville du 22 février 2019, ainsi que la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire, sur sa demande de réintégration, mentionnées ci-dessus ;

3°) d'enjoindre à la commune de Romainville de procéder à sa réintégration à compter du 1er avril 2019.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu son office en s'abstenant de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article R. 611-10 du code de justice administrative pour ordonner la production des pièces permettant d'établir qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 3-4 de la loi ;

- son jugement n'est pas motivé sur ce point ;

- la décision du 22 février 2019 et la décision rejetant son recours gracieux ne sont pas motivées, et méconnaissent ainsi l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente en l'espèce un caractère abusif ;

- il devait, selon l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984, qui doit être interprété à la lumière de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, et compte tenu de la nature des fonctions exercées, du type d'organisme employeur ainsi que de la durée cumulée de ses contrats, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2017, date à laquelle il cumulait six années de service effectif, et à laquelle son contrat a été illégalement renouvelé sous la forme d'un contrat à durée déterminée ;

- la décision de non-renouvellement attaquée n'a pas été prise dans l'intérêt du service, étant donné qu'il a été remplacé par un autre agent contractuel à compter du 3 juin 2019 ; ainsi, elle est entachée d'erreur de droit et de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2023, la commune de Romainville représentée par Me Treca, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

Par un mémoire en réplique, enregistré le 7 décembre 2023, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que la commune aurait dû organiser un entretien préalable et lui verser une indemnité de licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Lejars-Riccardi, pour M. B...,

- et les observations de Me Horeau, pour la commune de Romainville.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par contrat le 1er octobre 2011 par la commune de Romainville en qualité d'adjoint technique territorial contractuel. Son contrat a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 31 mars 2019. Par un courrier en date du 22 février 2019, la commune de Romainville l'a informé du non-renouvellement de son contrat à compter du 31 mars 2019. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision, ainsi que la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire, sur sa demande de réintégration, reçue à la mairie le 12 juillet 2019. Il fait appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le rapporteur peut, en vertu de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, demander aux parties, pour qu'ils soient joints à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constitue une simple faculté pour le juge. En l'espèce, il ne ressort pas du dossier de première instance que les premiers juges n'auraient pas été suffisamment éclairés par les éléments et pièces versés au dossier par les parties, et que le rapporteur aurait, ainsi que M. B... le soutient, dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " Le tribunal administratif a expressément répondu à l'ensemble des conclusions et des moyens présentés par M. B.... Le bienfondé des réponses qu'il y a apportées, est sans incidence sur la régularité de son jugement, qui est suffisamment motivé.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. " Aux termes de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version en vigueur à compter du 14 mars 2012 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. (...) / Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi d'un fonctionnaire n'a pu aboutir. ". En vertu de l'article 3-3 de cette loi, alors en vigueur, par dérogation au même principe, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, ou encore pour certains emplois de secrétaire de mairie, certains emplois à temps non complet et certains emplois liés à la création, au changement de périmètre ou à la suppression d'un service public. Aux termes des septième et huitième alinéas du même article : " Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. " Enfin, aux termes de l'article 3-4 de la même loi, alors en vigueur : " (...) II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée (...) ".

5. Si M. B... fait valoir qu'il a été recruté par plusieurs contrats pendant une durée totale de sept ans et demi, à partir du 1er octobre 2011, il ressort des pièces du dossier qu'aucun de ces contrats n'a été conclu sur le fondement de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, et que le dernier d'entre eux a été signé le 26 février 2018 sur le fondement de l'article 3-2 de cette loi. Ainsi, M. B... n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 3-4 de la même loi, qu'il n'est donc pas fondé à invoquer.

6. En deuxième lieu, en l'absence de tout texte instaurant un droit au renouvellement des contrats à durée déterminée ou à leur transformation en contrat à durée indéterminée, la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause ne donnaient à eux seuls à M. B... aucun droit au renouvellement de son dernier contrat.

7. En troisième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposent, à peine d'illégalité, que les décisions portant refus de renouvellement de contrat soient motivées, ou qu'elles soient précédées d'un entretien préalable, dès lors qu'elles ne revêtent pas un caractère disciplinaire. Les moyens que M. B... tire de l'absence de motivation de la décision du 22 février 2019, l'informant du non-renouvellement de son contrat et de la décision implicite rejetant sa demande de réintégration, ainsi que de l'absence d'entretien préalable, ne peuvent donc qu'être écartés. Il en va de même, à supposer qu'il ait entendu en faire état, de la circonstance qu'il n'a pas reçu d'indemnité de licenciement.

8. En quatrième lieu, si M. B... soutient qu'il aurait été remplacé à compter du 1er juin 2019 par un nouvel agent contractuel qui aurait exercé ses anciennes fonctions, il est constant que ce remplacement est intervenu deux mois après le terme de son contrat. De plus, la fiche de poste de ce nouvel agent, l'attestation d'une employée du service et les diverses autres pièces produites par M. B... sont insuffisantes pour établir que cet agent aurait repris son emploi de " contrôleur de terrain ", alors qu'il a été recruté sur un poste d'" inspecteur du nettoyage ". Le moyen tiré d'une erreur de droit pour ce motif doit donc en tout état de cause être écarté.

9. En dernier lieu, si M. B... soutient, sans produire aucune pièce de nature à l'établir, que l'agent qui a été recruté sur un poste d'inspecteur du nettoyage à compter du 1er juin 2019 serait le demi-frère de la responsable du service " personnel entretien communal " dans lequel il travaillait, il n'est en tout état de cause, ainsi qu'il vient d'être dit, pas établi que ce nouvel agent l'aurait remplacé dans ses fonctions. Le moyen qu'il tire d'un détournement de pouvoir ne peut donc qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de la commune de Romainville, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Romainville sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Romainville, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Romainville.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA02167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02167
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET WOOG & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22pa02167 ?
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