Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2204543 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Hug, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204543 du 27 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2021 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 5 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes délais et conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la décision attaquée :
- est entachée d'un défaut de motivation en droit et d'une insuffisance de motivation en fait ;
- ne procède pas d'examen sérieux de sa situation particulière ;
- n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- est entachée d'une erreur de droit, en ce qu'elle ne se fonde que sur une menace " simple " à l'ordre public ;
- est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la menace qu'il représenterait pour l'ordre public ;
- porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Par une décision du 28 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marjanovic,
- et les observations de Me Pluchet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 1er mars 1993 et déclarant être entré en France en 2002, à l'âge de neuf ans, s'est vu délivrer, à sa majorité, un titre de séjour sur le fondement des anciennes dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui reprises à l'article L. 423-21 du même code. Par arrêté du 24 décembre 2021, le préfet de police lui a refusé le renouvellement de ce titre, au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. D'une part, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié, en précisant qu'il statue sur la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en faisant mention de la présence sur le territoire français de son enfant. Dès lors, la circonstance qu'il ne vise pas expressément la convention internationale relative aux droits de l'enfant, laquelle ne constitue pas son fondement légal, est, contrairement à ce que soutient M. A..., sans incidence sur la régularité de sa motivation en droit.
4. D'autre part, l'arrêté contesté expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A... sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour, et mentionne notamment l'année de son entrée sur le territoire national, la présence en France de son enfant, de ses parents et de ses frère et sœur, ainsi que la nature des faits pour lesquels il a été condamné les 3 mars 2017, 16 octobre 2019 et 12 mai 2021 à des peines pénales dont les quanta sont précisés. Par suite, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il serait insuffisamment motivé en fait.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et de ce qui est dit ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet de police a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, en tenant compte, notamment et nécessairement, de la présence en France de son enfant, dont il est fait mention dans la décision attaquée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ". Aux termes de l'article L. 423-21 de ce code : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ". Enfin, l'article L. 432-1 du même code dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, contrairement à ce que soutient M. A..., le refus de renouvellement d'un titre de séjour délivré au titre de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas subordonné à la caractérisation d'une menace à l'ordre public de la nature de celles qui sont respectivement requises par les articles L. 631-1, L. 631-2 et L. 631-3 du même code pour justifier une mesure d'expulsion. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de caractériser une menace à l'ordre public d'une particulière gravité, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur de droit.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 16 octobre 2019, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle commis le 7 août 2018 par une personne en état d'ivresse manifeste, avec inscription de l'intéressé au ficher judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. Compte tenu de la nature des faits concernés, dont M. A... ne peut sérieusement minimiser la gravité en alléguant qu'ils ne correspondaient qu'à une " bousculade " de sa victime " durant quelques secondes dans l'escalator du métro ", ni utilement faire valoir qu'ils n'auraient donné lieu à condamnation pénale que du fait de son absence à l'audience publique devant la juridiction d'appel, le préfet de police était fondé, eu égard à leur caractère récent et malgré leur caractère isolé, à considérer que la présence en France de l'intéressé représentait, à la date de la décision attaquée et pour l'application des dispositions rappelées au point 6, une menace à l'ordre public.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. M. A... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire national, où il est entré en 2002, à l'âge de neuf ans, et de la présence en France de sa mère, qui y séjourne régulièrement sous couvert d'une carte de résident valable dix ans, et de celle de son père et de ses frère et sœur, qui sont tous trois de nationalité française, comme sa fille née le 4 juillet 2014. Il fait en outre valoir être intégré professionnellement et socialement dans la société française et n'avoir plus de liens avec le Sénégal, où il ne serait retourné qu'une seule fois, pour de courtes vacances en 2009, depuis son arrivée en France. Toutefois, le refus de séjour en litige, qui n'a pas été assorti d'une mesure d'éloignement dès lors que M. A... est au nombre des étrangers qui, en vertu des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire, n'a pas par lui-même pour effet de séparer M. A... de ses parents et frère et sœur qui vivent à Paris, ni de sa fille, qui vit au demeurant en Guadeloupe, sous la garde de sa mère. Si ce refus le prive de la possibilité d'exercer une activité salariée, M. A... ne justifie cependant pas d'une réelle intégration professionnelle antérieure en France, ni d'une contribution financière significative à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, tenant notamment à la protection de l'ordre public. Pour les mêmes motifs, elle ne porte pas davantage atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A..., ni n'est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de ce dernier. Il s'ensuit que le moyen d'erreur manifeste d'appréciation et ceux tirés de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 24 décembre 2021. Dès lors, il y a lieu de rejeter sa requête, en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVICLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA00170