Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans portant la mention " retraité ".
Par un jugement n° 21056591 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Tihal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 21056591 du 30 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 18 janvier 2021 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision attaquée :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment familiale ;
- est entachée d'une erreur de droit, les stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comportant aucune réserve liée à la préservation de l'ordre public ;
- est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la menace qu'il représente pour l'ordre public, alors que les condamnations pénales dont il a fait l'objet sont anciennes, qu'il a " purgé sa peine " et qu'il bénéficie d'une " réhabilitation de plein droit ", conformément aux articles 133-13 et suivants du code pénal ;
- porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Par une ordonnance du 11 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénal ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 29 mai 1949, avait été admis à séjourner régulièrement en France à compter du 29 octobre 1985, avant d'être expulsé du territoire national par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 10 février 1994, ultérieurement abrogé par un arrêté du 16 novembre 2012. Revenu irrégulièrement sur le territoire national, selon ses déclarations, en mai 2007, puis, sous couvert d'un visa Schengen de type " C ", en décembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " retraité " sur le fondement des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Il relève régulièrement appel du jugement n° 21056591 du 30 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour.
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour estimer qu'eu égard à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, caractérisée par les condamnations pénales dont il a fait l'objet entre 1981 et 1993, M. A... ne pouvait prétendre à la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, et alors même qu'elle ne fait pas état de ses attaches familiales en France, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'une insuffisance de motivation.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de rejeter sa demande de délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ".
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le ressortissant algérien qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " retraité ". Ce certificat lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il ne donne pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle ".
5. D'une part, si les stipulations rappelées au point précédent définissent les conditions particulières que les ressortissants algériens doivent remplir pour pouvoir bénéficier d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ", elles ne privent cependant pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité au seul motif que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de droit.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment du bulletin n°2 de son casier judiciaire édité le 13 janvier 2021, que M. A... a été condamné par la cour d'assises de la Seine-et-Marne, le 12 mars 1981, à une peine d'emprisonnement de quatre ans, pour des faits d'homicide volontaire commis le 17 mai 1978, puis, par le tribunal correctionnel de Paris, le 24 avril 1987, à une peine de trois ans d'emprisonnement, assortie d'une interdiction définitive du territoire français, pour des faits d'infraction au règlement sur le commerce ou le transport de stupéfiants commis entre janvier et novembre 1986, et, enfin, à une nouvelle peine de trois ans d'emprisonnement, prononcée le 15 mars 1993 par le même tribunal et confirmée le 14 juin 1993 par la chambre des appels correctionnels de Paris, pour de nouvelles infractions à la législation sur les stupéfiants commises courant 1992 et pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction. Il ressort toutefois également du même bulletin que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune autre condamnation pénale depuis 1993 et que son interdiction définitive du territoire français a fait l'objet d'un relèvement total le 17 septembre 1992. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que si l'intéressé a fait l'objet, le 10 février 1994, d'un arrêté d'expulsion, le ministre de l'intérieur a décidé, au vu des " renseignements recueillis sur le comportement adopté par M. A... depuis l'intervention de cette mesure ", d'en prononcer l'abrogation, par arrêté du 16 novembre 2012. Dans ces conditions, malgré leur gravité, les faits commis par M. A... plus de vingt-huit ans avant l'édiction de la décision attaquée ne sont pas suffisants à caractériser la menace à l'ordre public que représenterait actuellement sa présence en France. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision du 18 janvier 2021 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " retraité " est entachée, sur ce point, d'une erreur d'appréciation.
7. Toutefois, le préfet de police fait valoir, pour la première fois en appel, que M. A... ne remplit pas toutes les conditions posées par les stipulations citées au point 4, dès lors qu'il ne justifie pas avoir établi, à la date de la décision attaquée, sa résidence habituelle hors de France. Ce faisant, il doit être regardé comme sollicitant la substitution de ce motif à l'unique motif qui fondait ladite décision.
8. Il ressort des pièces versées aux débats par M. A..., qui n'allègue pas être retourné en Algérie depuis sa dernière entrée sur le territoire national en décembre 2019 et se déclare en dernier lieu domicilié chez Mme C... D..., 121 Boulevard de Ménilmontant à Paris, que son avis d'imposition 2019 sur les revenus de l'année 2018 et un courrier de son organisme de retraite complémentaire daté du 30 avril 2019 font mention d'une adresse au 9, avenue Paul Signac à Montreuil. Par ailleurs, s'il produit également le formulaire " certificat de vie " que le centre de traitement " retraite à l'étranger " lui a réclamé, le 23 décembre 2020, qu'il lui soit retourné " complété et signé par l'autorité locale compétente de [son] pays de résidence ", sous peine de suspension du versement de sa retraite, ce document ne comporte toutefois aucune mention, ni signature, ni cachet émanant de ladite autorité locale. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas qu'il résidait habituellement hors de France à la date de la décision attaquée. Par suite, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif, il y a lieu de procéder à la substitution de motif qu'il demande, laquelle ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale.
9. En quatrième et dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
10. Si M. A... se prévaut de la présence en France de deux de ses filles, de nationalité française, et de ses deux petits-enfants, également de nationalité française, il ne conteste pas que son épouse et sa fille née le 11 septembre 2005 résident encore en Algérie, où il n'est donc pas dépourvu de toutes attaches familiales. Dans ces conditions, et alors que le certificat de résidence portant la mention " retraité " dont la délivrance lui a été refusée a pour seul effet de lui permettre, depuis l'Algérie où il serait censé avoir sa résidence habituelle, d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations rappelées au point précédent doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 18 janvier 2021. Dès lors, il y a lieu de rejeter sa requête, en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVICLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA05550