Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.
Par un jugement n° 2104572 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2022, M. D... B..., représenté par Me Rosin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2104572 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, avec autorisation de travail, pendant le délai de réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 750 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par l'avis émis le 11 septembre 2018 par la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreurs de fait, le préfet ayant considéré à tort qu'à la date de son édiction, il n'exerçait pas d'activité salariée et ne justifiait pas de conditions d'existence pérennes ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne les décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit en défense.
Par une ordonnance du 15 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023.
Par une décision du 9 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 22 décembre 1981 et déclarant être entré en France en 2002, a sollicité, le 20 janvier 2015, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêt n° 16VE03687 du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé l'annulation de l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande, motif pris du défaut de consultation préalable de la commission du titre de séjour, et fait injonction au même préfet de procéder au réexamen de ladite demande. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2020 par le préfet de la Seine-Saint-Denis a de nouveau refusé son admission exceptionnelle au séjour.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'édiction de l'arrêté en litige et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".
3. En premier lieu, il ressort de l'avis émis le 11 septembre 2018 par la commission du titre de séjour de la Seine-Saint-Denis que celle-ci s'est prononcée en faveur de la délivrance d'une " CST travail " à M. B..., sous réserve qu'il fournisse " dans les 3 mois, les CERFA travail en 4 exemplaires dûment remplis par l'employeur ainsi que les pièces afférentes à l'emploi ". S'il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est approprié cette condition tenant à la production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative, laquelle est au demeurant requise pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", il ne se déduit cependant ni de cet élément, ni d'aucune autre pièce du dossier, qu'il se serait estimé tenu de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B... au seul motif que la réserve formulée par la commission précitée n'avait pas été levée dans les conditions posées par son avis. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait estimé lié par l'avis de la commission du titre de séjour et qu'il aurait ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.
4. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que la décision contestée est entachée d'erreurs de fait, dès lors qu'elle se fonde à tort sur la circonstance qu'il aurait déclaré ne pas exercer d'activité salariée et sur le constat qu'il ne justifierait pas de conditions d'existence pérennes afin de subvenir à ses besoins. Toutefois, et d'une part, s'il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que l'intéressé aurait effectivement déclaré, dans le cadre de l'instruction de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, n'exercer aucune activité salariée, l'inexactitude matérielle de la décision attaquée sur ce point n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris une décision différente s'il avait tenu compte des activités salariées de plongeur puis de pizzaïolo exercées par M. B... depuis le 1er février 2019 pour le compte de la société Resdida, d'abord sous l'identité d'emprunt de " M. A... C... ", puis sous sa véritable identité à compter du 17 juin 2020. D'autre part, en se bornant à produire l'accusé de réception de la déclaration préalable à l'embauche que la société Resdida a adressée à l'URSSAF d'Ile-de-France le 17 juin 2020 et le contrat à durée déterminé et à temps complet correspondant conclu le même jour, M. B... ne justifie, ni même n'allègue avoir informé en temps utile l'autorité préfectorale de ce changement de sa situation professionnelle. Dès lors, il ne peut utilement faire grief au préfet de la Seine-Saint-Denis d'avoir fondé sur des faits matériellement inexacts l'appréciation qu'il a portée sur la pérennité de ses conditions d'existence.
5. En troisième lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions citées au point 2 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner notamment si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, telle que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., dont la présence habituelle sur le territoire français est établie à compter de l'année 2002, est célibataire et sans charge de famille en France, et qu'il conserve des attaches familiales au Mali, où résident notamment ses deux sœurs et son frère. Si l'intéressé soutient n'entretenir aucun lien avec ses proches restés dans son pays d'origine, où il prétend, mais sans en justifier, n'être jamais retourné depuis son départ, il ne démontre cependant aucune intégration particulière dans la société française en se bornant à faire état des emplois faiblement qualifiés qu'il a exercés, parfois irrégulièrement ou sous des noms d'emprunt, dans le secteur de la restauration. Dans ces conditions, la circonstance qu'il bénéficie depuis juin 2020 du soutien de la société Resdida dans ses démarches de régularisation, en vue de lui permettre la poursuite de l'exercice de son activité de pizzaïolo dans l'établissement de cette chaîne de pizzerias situé à Boulogne-Billancourt, ne suffit pas à établir qu'il justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir un droit au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le refus de séjour opposé à M. B... ne porte pas, eu égard aux objectifs qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations rappelées au point précédent doit être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, eu égard aux éléments exposés au point 6, et alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas opposé à l'intéressé la circonstance que son comportement serait constitutif d'une menace à l'ordre public, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :
10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire seraient entachées, par voie d'exception, par l'illégalité alléguée de la décision portant refus de séjour, ni qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Si M. B... demande l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il fixe le pays à destination duquel il sera éloigné, il n'articule toutefois aucun moyen de légalité à l'appui de ces conclusions.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 26 juin 2020. Dès lors, il y a lieu de rejeter sa requête, en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVICLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA04836