La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2024 | FRANCE | N°22PA00149

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 mars 2024, 22PA00149


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 34 914,13 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu'il estime avoir subi en raison de la privation de traitement et d'affectation sur la période du 3 mai 2018 au 13 juin 2019 inclus.



Par un jugement n° 1913124 du 12 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Pa

r une requête, enregistrée le 11 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Jamais, demande à la Cour :



1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 34 914,13 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu'il estime avoir subi en raison de la privation de traitement et d'affectation sur la période du 3 mai 2018 au 13 juin 2019 inclus.

Par un jugement n° 1913124 du 12 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Jamais, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913124 du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 29 914,13 euros, à titre d'indemnisation de son préjudice matériel, et de 5 000 euros, à titre d'indemnisation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les motifs du jugement attaqué sont entachés d'erreur de droit et de dénaturation des pièces soumises à l'apréciation du tribunal ;

- en s'abstenant de lui proposer une nouvelle affectation ou un reclassement compatible avec les restrictions imposées par son contrôle judiciaire, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- en le privant de traitement pour une absence de service fait qui ne lui est pas exclusivement imputable, l'administration a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- en l'absence de condamnation pénale prononcée à son encontre, la privation de traitement subie du 3 mai 2018 au 13 juin 2019 constitue un préjudice anormal et spécial de nature à lui ouvrir droit à indemnisation sur le terrain de la rupture du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

- son préjudice matériel s'élève à 29 914,13 euros ;

- il a subi un état de stress permament et des troubles conséquents dans ses conditions d'existence, justifiant l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les indemnités susceptibles d'être allouées à M. B... soient ramenées à de plus justes proportions.

Il fait valoir, à titre principal, que M. B... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat et, à titre subsidiaire, que les indemnités qu'il sollicite sont surévaluées, en ce qu'elles ne tiennent compte ni du délai raisonnable dont disposait l'administration pour régulariser sa situation, ni de la circonstance qu'il a attendu près de onze mois pour se manifester auprès de l'autorité administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic ;

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 mai 2018, le préfet de police a informé M. B..., gardien de la paix titulaire, affecté à la circonscription de sécurité de proximité du 17ème arrondissement de la direction territoriale de la sécurité de proximité de Paris, qu'il était privé de traitement à compter du 3 mai 2018, date à laquelle la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a confirmé son placement sous contrôle judiciaire pour des faits reprochés de trafic d'influence passif et de corruption passive et lui a fait interdiction d'exercer l'activité professionnelle de fonctionnaire de police. Estimant avoir été illégalement privé de traitement entre le 3 mai 2018 et le 13 juin 2019, date à laquelle il a reçu notification de l'arrêté du 12 mai 2019 par lequel le préfet de police l'a informé de la suspension de ses fonctions, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant global de 34 914,13 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis. Il relève régulièrement appel du jugement du 12 novembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit et de dénaturation des pièces soumises à l'appréciation du tribunal.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

3. Si tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, il en va différemment en cas d'interdiction lui étant faite d'exercer ses fonctions résultant d'un contrôle judiciaire, laquelle n'impose pas à l'administration, en l'absence de demande en ce sens de l'intéressé, de rechercher à l'affecter dans un autre emploi compatible avec cette interdiction. Dans cette hypothèse, en l'absence de service fait et indépendamment de toute action disciplinaire, l'administration peut légalement interrompre le versement de son traitement. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'absence de service fait consécutive à l'" interdiction d'exercer l'activité professionnelle de fonctionnaire de police " prononcée à son encontre, le 3 mai 2018, par la cour d'appel de Paris, ne lui serait pas exclusivement imputable, ni que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant, après le prononcé de cette interdiction, de lui proposer une nouvelle affectation ou un reclassement compatible avec elle.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

4. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.

5. La charge supportée par M. B... du fait de l'interruption, pour les raisons exposées ci-dessus, de son traitement du 3 mai 2018 au 13 juin 2019 ne présente pas le caratère d'un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat sur le terrain de la rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22PA00149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00149
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : JAMAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;22pa00149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award