Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 23 juin 2023, par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination .
Par un jugement n° 2315793/8 du 8 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 octobre 2023 et le 13 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Caoudal, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 8 août 2023 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 23 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois suivant la décision à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... sont infondés.
Par une décision du 2 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1.M. A..., ressortissant congolais, a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 8 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France au mois de février 2021, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office de protection des réfugiés et apatrides du 8 août 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 avril 2023, au motif qu'il bénéficie déjà de la protection subsidiaire en Grèce. M. A... justifie d'une relation avec une compatriote, qui bénéficie du statut de réfugié en France, avec laquelle il a un enfant, né le 5 février 2022, qui a lui-même obtenu le statut de réfugié. Si le couple ne vit pas ensemble, cette circonstance est due aux conditions d'hébergement de sa compagne au sein du centre maternel qui l'accueille, le requérant étant quant à lui hébergé chez sa sœur. Si les tickets de caisse de supermarché ne permettent pas d'établir à eux seuls que le requérant subvient à l'éducation et l'entretien de son enfant, il ressort des pièces du dossier que les deux parents ont saisi au mois de juin 2023 le juge aux affaires familiales afin de voir fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ce qui témoigne de la volonté du requérant de contribuer à l'éducation et à l'entretien de son fils. Dans les circonstances particulières de l'espèce, alors que sa compagne et son fils bénéficient du statut de réfugié, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à demander, pour ce motif, son annulation.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
6. Le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la situation de M. A... dans le délai de deux mois et lui délivre, dans l'attente de ce réexamen et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Caoudal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2315793/8 du 8 août 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 23 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Caoudal une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Caoudal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à Me Caoudal.
Une copie sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04498