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05/03/2024 | FRANCE | N°22PA03539

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 05 mars 2024, 22PA03539


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite née le 1er juin 2019 par laquelle la directrice de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'établissement à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'illégalité fautive entachant le refus d'octroi de la protection fonctionnelle et une so

mme de 30 000 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral dont elle es...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... née C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite née le 1er juin 2019 par laquelle la directrice de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'établissement à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'illégalité fautive entachant le refus d'octroi de la protection fonctionnelle et une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, d'enjoindre à l'établissement de la rétablir dans ses fonctions de cheffe du service d'éducation spécialisée et de soins à domicile, de lui accorder la protection fonctionnelle, d'ouvrir une enquête interne afin d'auditionner tous les agents du service et de sanctionner les auteurs des faits de harcèlement moral et enfin de mettre à la charge de l'établissement une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1906790 du 2 juin 2022 , le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de la directrice de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" du 1er juin 2019, a enjoint à l'établissement d'accorder à Mme B... le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'établissement à verser à Mme B... une somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019, les intérêts échus à la date du 1er avril 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, a mis à la charge de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, l'établissement public médico-social "Fondation Hardy", représenté par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B... ;

2°) de rejeter dans son intégralité la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Melun

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er juin 2019 sont irrecevables car tardives s'agissant d'une décision confirmative ;

- les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour n°20PA01299 du 30 décembre 2021 ;

- le harcèlement moral n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Lefèvre, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande que le jugement soit réformé en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Elle demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" sont infondés ;

- eu égard au harcèlement moral subi, elle est fondée à demander la majoration de la condamnation indemnitaire de l'établissement public médico-social fondation Hardy.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 8 janvier 2024, l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2024, Mme B... maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Neven pour l'établissement public médico-social "Fondation Hardy".

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était cadre socio-éducatif titulaire auprès du service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de l'établissement public médico-social (EPMS) "Fondation Hardy" jusqu'au 11 décembre 2015. Elle a ensuite été placée en disponibilité pour convenances personnelles puis a demandé, par lettre du 21 janvier 2016, sa réintégration anticipée sur son ancien poste. Par décision du 4 février 2016, le directeur de l'EPMS "Fondation Hardy" a décidé la réintégration de l'intéressée au sein du service " SAJM pro " à compter du 11 février 2016. Le 15 février 2016, alors qu'elle participait à une réunion de cadres de l'établissement animée par le responsable de pôle, adjoint du directeur, Mme B... a été victime d'un malaise à la suite duquel elle a été hospitalisée jusqu'au 16 février 2016, puis placée en arrêt de travail jusqu'au 28 février 2016. Cet arrêt de travail a été prolongé de manière continue jusqu'au 31 octobre 2021 au moins. Par décision du 29 décembre 2017, la directrice de l'EPMS a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du malaise dont a été victime Mme B... le 15 février 2016 ainsi que de l'ensemble des arrêts de travail qui ont suivi.

2. Mme B... a présenté une première demande devant le tribunal administratif de Melun qui par jugement du 17 mars 2020 lui a donné partiellement satisfaction. Elle a relevé appel de ce jugement en tant que le Tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 décembre 2017 par laquelle la directrice de l'EPMS a refusé de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016. L'EPMS Fondation Hardy, pour sa part, a présenté des conclusions incidentes tendant à l'annulation du jugement précité en tant que le tribunal a annulé la décision du 29 décembre 2017 par laquelle la directrice de l'établissement a refusé de reconnaître imputables au service l'accident survenu à Mme B... le 15 février 2016 ainsi que l'arrêt de travail du 16 février 2016 au 28 février 2016. Par un arrêt n° 20PA01299 du 30 décembre 2021 devenu définitif la Cour a rejeté l'appel de Mme B... et a fait droit à l'appel incident de l'EPMS "Fondation Hardy".

3. Mme B... a présenté une seconde demande devant le tribunal administratif de Melun qui par jugement du 2 juin 2022 lui a donné partiellement satisfaction. Le tribunal a, en effet, annulé la décision de la directrice de l'EPMS "Fondation Hardy" du 1er juin 2019, a enjoint à l'établissement d'accorder à Mme B... le bénéfice de la protection fonctionnelle, l'a condamné à lui verser une somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal, a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la requérante. L'EPMS "Fondation Hardy" relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme B... alors que cette dernière par la voie de l'appel incident demande la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions de la requête de l'établissement public médico-social fondation Hardy et sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Mme B... soutient qu'elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral qui sont à l'origine de sa pathologie dépressive et, en conséquence, de ses arrêts de travail postérieurs au 28 février 2016. Elle produit au soutien du moyen plusieurs attestations d'autres chefs de service de l'établissement, datés de 2016 et de 2019, ainsi que celle de la cheffe du service éducatif du 8 mars 2021 retraçant le parcours de réintégration au sein de l'établissement de Mme B... en février 2016 et évoquant notamment les propos rapportés de cette dernière relatifs aux manœuvres d'intimidation et de harcèlement qu'aurait exercées à son égard le directeur de l'EPMS "Fondation Hardy" lors d'un rendez-vous du 1er février 2016, deux procès-verbaux d'audition par la gendarmerie nationale de la même chef de service en date des 22 février 2016 et 6 juillet 2016, le dernier en date faisant état d'un dépôt de plainte de l'intéressée à l'encontre du directeur et de son adjoint pour harcèlement moral au travail, ainsi qu'un article de presse, en date du 25 mars 2016, faisant état du climat délétère entretenu au sein de l'établissement par la direction. Toutefois, d'une part, ni les attestations de collègues produites, qui se bornent à évoquer soit un climat général de tension et de pression psychologique entre la direction et les cadres au début de l'année 2016 soit, s'agissant en particulier de l'attestation de la chef du service éducatif du 8 mars 2021, à faire état de propos prétendument rapportés par Mme B... le 1er février 2021 à la suite de son rendez-vous avec le directeur et des conditions de reprise du travail de cette dernière, ni les motifs des arrêts de travail de Mme B... faisant état d'épisodes dépressifs dans un contexte de difficultés professionnelles ne permettent de caractériser des éléments de fait précis susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral que Mme B... prétend avoir subi depuis la fin de sa mise en disponibilité. A cet égard, si l'intimée soutient que le service " SAJM pro " (Service Adolescents et Jeunes D... professionnel) au sein duquel elle a été réaffectée à compter du 11 février 2016 serait un service fictif, ces allégations sont infirmées par les pièces du dossier, notamment par l'attestation de la directrice de l'établissement du 16 novembre 2021, expliquant de manière circonstanciée la genèse et l'évolution de ce service qui a reçu différentes appellations depuis sa création en 2014 et dont la vocation est notamment, s'agissant des nouvelles fonctions qui devaient être confiées à Mme B..., d'accompagner et de préparer le public des adolescents et des jeunes majeurs dans l'exercice d'une activité professionnelle, soit en milieu ordinaire, soit en milieu protégé. D'autre part, ni la lettre de Mme B... du 30 mars 2016 adressée au directeur de l'EPMS ni le récépissé de dépôt de plainte en date du 22 janvier 2016 pour des faits de harcèlement moral, ni encore la demande de protection fonctionnelle du 26 décembre 2016, tous documents basés sur les seules déclarations de l'intéressée, ne permettent davantage d'établir des agissements de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral exercé à son encontre, tant lors des quatre jours de sa reprise de travail du 11 février 2016 au 15 février 2016 qu'au cours de la période qui l'a précédée, soit à compter du 22 janvier 2016, date de réception par l'EPMS "Fondation Hardy" de sa demande de réintégration anticipée.

6. Il résulte de ce qui précède que l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" est fondé à soutenir que, alors que Mme B... n'a pas été victime de faits de harcèlement moral, la décision implicite née le 1er juin 2019 par laquelle la directrice de l'établissement public a refusé d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à cette dernière n'était pas entachée d'illégalité. Par suite le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision, lui a enjoint d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme B... et l'a condamné à verser à cette dernière une somme de 1 000 euros, somme portant intérêts capitalisés.

Sur les conclusions incidentes de Mme B... :

7. En premier lieu, comme il a été dit au point 5, l'EPMS "Fondation Hardy" n'a commis aucune faute à l'encontre de l'intimée. Les conclusions de cette dernière tendant à la majoration de la condamnation indemnitaire de l'établissement ne peuvent qu'être rejetées.

8. En second lieu, le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées dans leur intégralité.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement public médico-social "Fondation Hardy", qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par l'établissement public médico-social Fondation Hardy.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement n° 1906790 du tribunal administratif de Melun en date du 2 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée dans son intégralité ainsi que ses conclusions d'appel.

Article 3 : Les conclusions de l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public médico-social "Fondation Hardy" et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de Seine et Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03539
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22pa03539 ?
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