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05/03/2024 | FRANCE | N°22PA00223

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 05 mars 2024, 22PA00223


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Rochefolle Construction SAS a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du contrat n° 218024 conclu par la commune de Romainville avec le groupement de sociétés ETPO/ SMB SA/Fayat pour la construction d'un complexe sportif et d'un parc des sports, d'autre part, à la condamnation de la commune de Romainville à lui verser une somme de 1 976 710, 90 euros au titre du manque à gagner sur l'ensemble du marché ou à ti

tre subsidiaire au titre du manque à gagner sur les lots de gros œuvres une somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rochefolle Construction SAS a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du contrat n° 218024 conclu par la commune de Romainville avec le groupement de sociétés ETPO/ SMB SA/Fayat pour la construction d'un complexe sportif et d'un parc des sports, d'autre part, à la condamnation de la commune de Romainville à lui verser une somme de 1 976 710, 90 euros au titre du manque à gagner sur l'ensemble du marché ou à titre subsidiaire au titre du manque à gagner sur les lots de gros œuvres une somme de 741 197,97 euros pour les lots 1, 3, 4 et 5 et une somme de 239 676, 86 euros pour les lots 2, 5 ,11, 12 à 14 et 22, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902229 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a résilié le contrat litigieux en ce qui concerne la phase portant sur la construction d'un parc des sports, a mis à la charge de la commune de Romainville une somme de 1500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société requérante ainsi que les conclusions de la commune de Romainville au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, la société Rochefolle Construction SAS, représentée par Me Fayant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la commune de Romainville à lui verser les sommes sollicitées en première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Romainville la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour erreur de droit car il est entaché de contradiction de motifs ;

- le jugement attaqué est mal fondé car c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle était dépourvue de chances sérieuses de remporter le marché décomposé en lots ou un des lots au moins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, la commune de Romainville, représentée par Me Sery, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Rochefolle Construction SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Rochefolle Construction SAS sont infondés et que ses demandes indemnitaires ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 janvier 2024, la société Rochefolle Construction SAS, représentée par Me Ferté-Senectère, maintient ses conclusions, en demandant à titre subsidiaire que la commune de Romainville soit condamnée a minima à l'indemniser des frais de présentation de l'offre pour un montant de 49 360 euros, en demandant avant-dire droit que la commune lui communique une copie lisible du rapport d'analyse des offres, par les mêmes moyens et en soutenant, en outre que, a minima, elle n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché ou un de ses lots et par suite qu'elle doit être indemnisée des frais de présentation de l'offre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, la commune de Romainville maintient ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Triantafyllou représentant la commune de Romainville.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 3 mai 2018, la commune de Romainville a lancé un appel d'offres ouvert pour l'attribution du marché relatif à la construction en deux phases d'un complexe sportif et d'un parc des sports. Le 7 août 2018, la société Rochefolle Construction SAS a été informée du rejet de son offre, le marché étant attribué au groupement des sociétés ETPO/ SMB SA/Fayat. Après rejet de sa demande préalable par la commune de Romainville, la société a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation du contrat n° 218024 conclu par la commune de Romainville pour la construction d'un complexe sportif et d'un parc des sports ainsi qu'à l'indemnisation du manque à gagner du fait de son éviction qu'elle estime illégale. Par un jugement du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a résilié le contrat litigieux en ce qui concerne la phase portant sur la construction d'un parc des sports. La société Rochefolle Construction SAS relève appel de ce jugement en tant que le Tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société requérante soutient que le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'erreur de droit, ce moyen, qui relève d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a estimé que la décision de la commune de Romainville de ne pas allotir la procédure de passation du marché en cause était entachée d'une erreur d'appréciation. Par suite, le tribunal a résilié le contrat litigieux en ce qui concerne la phase 2 portant sur la construction d'un parc des sports, un motif d'intérêt général faisant obstacle à la résiliation du marché en ce qui concerne la phase 1 portant sur la construction d'un complexe sportif. Enfin, les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de la société Rochefolle Construction SAS en estimant qu'elle ne justifiait pas de chances sérieuses de remporter le marché décomposé en lots.

4. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'offre de la société Rochefolle Construction SAS a été classée en deuxième position avec un écart de moins de 3 points sur 100. Toutefois, ce classement résulte de l'appréciation fondée sur une offre présentée sous forme de macro lots. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ne peut pas être déduit de ce classement que dans l'hypothèse où le marché aurait fait l'objet d'une décomposition en lots la société requérante aurait eu des chances sérieuses d'emporter les différents lots ou même une partie de ces lots. Les conclusions tendant à l'indemnisation de son manque à gagner à ce titre doivent donc être rejetées.

6. En second lieu, en revanche compte tenu du classement de l'offre de la société Rochefolle Construction SAS relative au marché global, cette dernière n'était pas dépourvue de toute chance de remporter au moins un des lots du marché alloti et aurait droit, par suite, à l'indemnisation des frais de présentation de son offre à condition d'en justifier. Toutefois, la société requérante se borne à détailler un calcul des heures de travail qui auraient été nécessaires pour la présentation de son offre mais sans aucune justification comptable et financière. Faute de justification, les conclusions subsidiaires tendant à l'indemnisation des frais de présentation de l'offre pour un montant de 49 360 euros doivent également être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin avant-dire droit de demander à la commune de Romainville de produire une copie lisible du rapport d'analyse des offres, que la société Rochefolle Construction SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Romainville, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la société Rochefolle Construction SAS et non compris dans les dépens. D'autre part il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de cette société au titre du même article.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la société Rochefolle Construction SAS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Romainville au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rochefolle Construction SAS et à la commune de Romainville.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00223
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : FAYANT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22pa00223 ?
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