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01/03/2024 | FRANCE | N°23PA01429

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 mars 2024, 23PA01429


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa radiation des cadres du corps des professeurs agrégés pour abandon de poste à compter de la notification de cet arrêté, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2217084/5-3 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. >


Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa radiation des cadres du corps des professeurs agrégés pour abandon de poste à compter de la notification de cet arrêté, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2217084/5-3 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2023 et le 18 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Froger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au recteur de le réintégrer dans le corps des professeurs agrégés dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la fin de non-recevoir soulevée par le recteur de l'académie de Paris est infondée dès lors que, d'une part, il a communiqué sa nouvelle adresse au rectorat lors de plusieurs échanges téléphoniques à l'automne 2020, que, d'autre part, le rectorat a fait le choix de correspondre avec lui par voie électronique et, enfin, qu'aucun principe ni aucune disposition législative ou réglementaire ne lui faisait obligation de déclarer à l'autorité administrative sa nouvelle adresse ;

- les premiers juges se sont mépris en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mise en demeure du 16 octobre 2020, qui était de nature à entacher d'illégalité l'arrêté de radiation des cadres ;

- la mise en demeure est illégale dès lors que l'arrêté de délégation n° 2020-121-RA du 16 septembre 2020 qui fonde la compétence de l'auteur de cette décision est lui-même entaché d'illégalité et que ce dernier n'était en tout état de cause pas compétent pour signer cette mise en demeure dès lors qu'il n'est pas établi que les trois titulaires successifs placés avant lui dans l'ordre de délégation auraient été absents ou empêchés ;

- le signataire de l'arrêté de radiation attaqué n'était pas compétent dès lors que, d'une part, l'arrêté de délégation n° 2020-126-RA du 15 décembre 2020 qui fonde sa compétence n'a pas été signé par son auteur et que, d'autre part, cette délégation ne pouvait l'autoriser à prendre une mesure aussi radicale qu'une radiation des cadres pour abandon de poste ;

- la mesure de radiation ne présentait pas le caractère d'un acte dont l'accomplissement s'imposait normalement, par référence à l'arrêt du Conseil d'Etat n° 140860 du 18 mars 1996, et aucune urgence ne justifiait par ailleurs qu'elle soit prise avant le retour du recteur de l'académie de Paris ;

- dès lors qu'il résulte du courrier du service des retraites de l'Etat du 3 août 2022 qu'il se trouvait en disponibilité entre le 1er septembre 2020 et le 29 janvier 2021, la mesure de radiation ne pouvait être légalement prise, le lien avec le service n'étant pas rompu ;

- compte tenu des intentions imprécises, équivoques et contradictoires du recteur contenues dans sa mise en demeure et des échanges qui ont suivi cette dernière, l'abandon de poste ne peut être caractérisé ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a jamais été animé de l'intention d'abandonner son service et que ses démarches pour trouver un poste en Guadeloupe, dont le rectorat de Paris était tout à fait informé, faisaient obstacle à la reconnaissance d'un abandon de poste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Paris demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable pour tardiveté ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Froger, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur agrégé de lettres classiques affecté dans un collège parisien, ayant quitté Paris courant août 2020 pour rejoindre son épouse affectée en Guadeloupe, ne s'est pas présenté au collège pour prendre ses fonctions le 30 août 2020. Par un courrier du 16 octobre 2020, notifié à son domicile parisien, assorti d'un courrier électronique du même jour contenant la copie de ce courrier, il a été mis en demeure par le recteur de l'académie de Paris de reprendre ses fonctions sous un délai de huit jours à compter de la réception de ce courrier et de régulariser sa situation, sous peine d'être radié des cadres pour abandon de poste. Par un courrier électronique du 4 novembre 2020, le rectorat l'a informé de l'interruption de son traitement pour absence de service fait, motif pris de la persistance de l'irrégularité de sa situation à défaut pour lui d'avoir justifié de son absence depuis le 30 août 2020. Par un arrêté du 22 janvier 2021, le recteur de l'académie de Paris a radié M. B... du corps des professeurs agrégés pour abandon de poste à compter de la notification de cet arrêté. Par lettre du 4 avril 2022, réceptionnée le 11 avril 2022 par le recteur de l'académie de Paris, le requérant a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le recteur sur ce recours. M. B... relève appel du jugement du 8 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

22 janvier 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. En soutenant que les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la lettre du 16 octobre 2020 le mettant en demeure de rejoindre son poste, M. B... doit être regardé comme invoquant l'omission à statuer sur ce moyen qui n'était pas, selon lui, inopérant.

3. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. L'obligation pour l'administration, par cette mise en demeure, d'impartir à l'agent un délai approprié pour reprendre son poste ou rejoindre son service constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. En outre, faute pour l'administration d'établir que la décision portant mise en demeure a été signée par l'autorité compétente, la procédure est tenue pour irrégulière, ce qui entraîne l'annulation de la mesure de radiation des cadres.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la lettre du 16 octobre 2020 mettant en demeure M. B... de rejoindre son poste sous un délai de huit jours n'était pas inopérant. Dès lors, en s'abstenant de statuer sur ce moyen au motif qu'il était inopérant, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B....

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 22 janvier 2021, qui contenait la mention des voies et délais de recours, a été adressé par pli recommandé avec avis de réception à la dernière adresse connue de M. B... à Paris. Ce pli a été présenté le 30 janvier 2021 et a été retourné aux services du rectorat avec la mention " pli avisé et non réclamé ". M. B... fait valoir qu'il n'a eu connaissance de cet arrêté de radiation que le 9 mars 2022, date à laquelle le recteur de l'académie de Paris l'en a informé par courrier électronique, dans le cadre d'une demande de l'intéressé d'affectation à titre provisoire dans l'académie de Guadeloupe. Le requérant soutient à cet égard que le rectorat de l'académie de Paris était informé, d'une part, de son déménagement en Guadeloupe à compter du mois d'août 2020 et, d'autre part, de ce qu'il était dans l'incapacité d'avoir connaissance d'une décision le concernant si elle ne lui était pas, comme l'avait été la mise en demeure du 16 octobre 2020, transmise par courrier électronique. Il fait valoir que le rectorat, en s'abstenant de " doubler " la lettre recommandée avec accusé de réception contenant l'arrêté attaqué par un courrier simple et de la transmettre également par voie électronique, aurait " organisé " son absence d'information et l'aurait ainsi privé, à dessein, de la possibilité d'exercer un recours en temps utile à l'encontre de l'arrêté de radiation des cadres. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur la recevabilité de sa demande dès lors qu'il ne produit aucun document permettant d'établir qu'il aurait effectué les diligences nécessaires pour informer le rectorat de son changement d'adresse à compter du mois d'août 2020 ou pour faire suivre son courrier. S'il soutient qu'il a communiqué téléphoniquement sa nouvelle adresse au rectorat " à l'automne 2020 ", il ne l'établit pas, alors que le recteur conteste avoir reçu cette information. En outre, la seule circonstance que le requérant ait uniquement correspondu avec le rectorat de l'académie de Paris par courrier électronique entre les mois d'août 2020 et de novembre 2020 ne permet pas d'établir que le recteur aurait été nécessairement informé de ce que M. B... ne pouvait avoir connaissance d'une décision le concernant qu'au moyen d'un courrier électronique. A cet égard, la circonstance que la décision du 16 octobre 2020 portant mise en demeure lui ait été transmise le jour même par courrier électronique est également sans incidence sur la recevabilité de sa demande. Dans ces conditions, l'arrêté contesté du 22 janvier 2021 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. B... le 30 janvier 2021, date de sa présentation à son domicile, à la seule adresse connue par l'administration. Par suite, le délai de recours contre cet arrêté expirait le 31 mars 2021, sans que l'intéressé puisse utilement faire valoir que la transmission électronique faite par courriel du 9 mars 2022 se serait substituée à la notification postale du 30 janvier 2021. Dès lors, le recours gracieux formé par M. B... le

11 avril 2022 était tardif et n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux. Par suite, la demande de M. B..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 10 août 2022, était tardive et donc irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le recteur de l'académie de Paris l'a radié du corps des professeurs agrégés pour abandon de poste, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être, en conséquence, également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 2217084/5-3 du 8 février 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au rectorat de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYANLa République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01429
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CARVE A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-01;23pa01429 ?
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