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13/02/2024 | FRANCE | N°22PA04854

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 13 février 2024, 22PA04854


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. J... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2209151 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2209151 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Ormillien, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 18 octobre 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations des paragraphes 5 et 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision contestée en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 28 septembre 1976 à Kouba (Algérie), entré en France en 2019 selon ses déclarations, a sollicité le 20 décembre 2021 la délivrance d'un certificat de résidence algérien pour accompagner son enfant malade. Par un arrêté du 6 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... fait appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par Mme I... H..., cheffe du pôle refus de séjour et interventions, à qui le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022, publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du 26 avril suivant, avait donné délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions litigieuses, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F... D.... Or, il n'est pas établi que cette dernière n'aurait pas été absente ou empêchée le jour de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté

3. En deuxième lieu, M. C... ne développe au soutien du moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

4. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

5. Pour prendre la décision en litige, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 24 mars 2022, lequel relève que si l'état de santé de la fille du requérant B... G..., née le 27 août 2012, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie.

6. Pour contester cette appréciation, M. C... fait valoir qu'il est entré en France en 2019 accompagné de son épouse et de leurs deux filles A... E..., et B... G... qui souffre d'une paralysie cérébrale avec quadriplégie spastique, et d'une dysplasie bilatérale des hanches, afin de lui permettre de bénéficier de soins appropriés, lesquels sont indisponibles en Algérie. Il produit, à cet égard, deux certificats médicaux. Le premier, établi le 20 octobre 2021 par le pôle service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de l'Orangerie à Aubervilliers, fait état d'une rééducation multidisciplinaire depuis août 2020, consistant en des suivis en orthoptie, ergothérapie et psychomotricité, des activités physiques adaptées, ainsi qu'une prescription et une surveillance des appareillages, à savoir un corset siège et un fauteuil roulant impliquant différents professionnels de santé, ressources qui " ne semblent pas être disponibles " en Algérie, " selon l'expérience et les connaissances de ses parents ". Le second, établi le 4 décembre 2021 par le service des pathologies neurologiques congénitales de l'institut national de médecine physique et de réadaptation de l'enfant des hôpitaux de Saint-Maurice, indique quant à lui que la " prise en charge optimale d'une telle pathologie " n'est, " à leur connaissance ", pas disponible dans le pays d'origine de l'enfant. Ce dernier certificat ajoute que l'enfant a fait l'objet, à l'issue d'une intervention chirurgicale d'allongement musculaire bilatérale le 11 mars 2021, d'un suivi en rééducation de cinq mois, et que de nouvelles interventions " pourraient être nécessaires dans les prochains mois " sans plus de précisions. Toutefois, ces documents sont rédigés dans des termes trop peu circonstanciés s'agissant de l'indisponibilité en Algérie d'un traitement adapté à la pathologie de l'enfant. En outre, l'enfant, ainsi qu'elle le faisait avant son arrivée en France, pourrait s'y rendre ponctuellement pour bénéficier de soins complémentaires munie de son visa de circulation. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de délivrer un titre de séjour au requérant en qualité d'accompagnant d'enfant malade.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. M. C... se prévaut de l'état de santé de sa fille et de la nécessité pour elle de poursuivre sa prise en charge médicale et éducative. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 6, il n'est pas établi qu'Ania G... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi et d'un soutien approprié dans son pays d'origine. Il n'est pas davantage établi qu'elle ne pourrait pas y poursuivre sa scolarité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C..., qui ne fait état d'aucune intégration professionnelle, serait dans l'impossibilité de retourner en Algérie, avec son épouse, également en situation irrégulière en France, et leurs deux filles. En outre, l'intéressé ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de faire droit à la demande de M. C..., n'a méconnu aucune des stipulations citées au point 7.

9. En cinquième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, lesquelles visent uniquement le cas du demandeur qui invoque son propre état de santé.

10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en obligeant M. C... à quitter le territoire, doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04854
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : ORMILLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22pa04854 ?
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