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30/01/2024 | FRANCE | N°23PA04337

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 30 janvier 2024, 23PA04337


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304168/1-1 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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rocédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2023, M. A..., représenté par Me M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304168/1-1 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Mechri, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 24 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre à toute autorité compétente de lui délivrer un titre de séjour "étranger malade" ou "vie privée et familiale" dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2.000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration existe et qu'il a été émis régulièrement ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

-elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 4 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 5 janvier 1988 et entré en France en 2010 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 31 mai 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision litigieuse indique les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". En vertu des dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-13 du même code, pris pour l'application de l'article L. 425-9, l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII est émis au vu, notamment, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office, lequel ne siège pas au sein du collège. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de ce même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été édictée en prenant en compte l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 30 décembre 2022, qui est produit, contrairement à ce que soutient M. A..., par le préfet de police en pièce jointe à son mémoire en défense de première instance enregistré le 27 mars 2023. Il ressort des pièces du dossier que cet avis a été émis de façon collégiale au regard du rapport médical sur l'état de santé du requérant, établi par un médecin qui n'a pas siégé lors de la séance du collège de médecins. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

5. D'autre part, il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour pour raisons de santé de M. A..., le préfet de police a estimé, en prenant en compte l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état au Sénégal. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a levé le secret médical, souffre d'une maladie rare de la rétine et bénéficie d'un suivi médical dans le centre des maladies rares du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingt. Toutefois, les documents qu'il produit et notamment les deux certificats médicaux datés du 5 avril 2017 et du 14 janvier 2019 établis par un médecin généraliste et le certificat en date du 13 janvier 2022 établi par un praticien hospitalier du centre ophtalmologique des Quinze-Vingt, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, ne permettent pas d'établir que le traitement qui lui est nécessaire ne serait pas disponible au Sénégal. Les éléments produits par le requérant ne sont ainsi pas de nature à infirmer l'avis du collège de l'OFII et la décision en litige sur ce point. Si le requérant soutient aussi que son village d'origine, distant de plus de 500 kms de Dakar, est dépourvu de structure de soins adaptés, la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans ce village. Enfin M. A... invoque le défaut d'accessibilité à ce traitement eu égard aux obstacles financiers en se contentant d'allégations générales. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitée que le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé.

6. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour pour soins. Par conséquent, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de lui délivrer ce titre.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

8. En deuxième lieu, la décision litigieuse indique les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A....

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Alors même que M. A..., qui est célibataire et sans enfant à charge, résiderait en France depuis 2010, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, il ne justifie pas d'une insertion notable dans la société française, et n'est pas dépourvu d'attaches au Sénégal où réside sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. S'il soutient que son frère et son père résident régulièrement en France, il ne l'établit pas. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Enfin, le moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant contre l'obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de renvoyer M. A... dans son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04337
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : MECHRI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23pa04337 ?
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