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22/11/2023 | FRANCE | N°23PA01835

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 novembre 2023, 23PA01835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. D..., représenté pa

r Me Sylvia Lasfargeas, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. D..., représenté par Me Sylvia Lasfargeas, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement

des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ;

- il méconnaît son droit d'être entendu et est dès lors entaché d'un vice de procédure ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 16 juillet 2002 et entré sur le territoire français le 12 avril 2019 selon ses déclarations, a présenté une demande d'admission au titre de l'asile le 2 juillet 2020. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. D.... Il s'ensuit que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des termes du jugement attaqué que celui-ci est suffisamment motivé, le bien-fondé des réponses apportées au regard des éléments du dossier étant en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de police a donné à M. E... C..., chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.

7. M. D... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. Si l'intéressé soutient qu'il a tenté en vain de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour et a été placé dans l'impossibilité de réaliser une telle démarche en ligne avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. D... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est arrivé en France en avril 2019, y a obtenu un certificat d'aptitude d'électricien en 2022 et était inscrit pour l'année scolaire 2022/2023 en classe de première dans un lycée professionnel afin de poursuivre des études dans les métiers de l'électricité. S'il produit de nombreuses attestations de la part de la communauté éducative, de ses familles d'accueil successives et de relations rencontrées depuis son arrivée sur le territoire français qui font état de ses efforts d'intégration et de ses grandes qualités humaines, M. D... est célibataire et sans enfant à charge et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays de naissance (A...) où réside sa mère. Dans ces conditions et eu égard notamment à la durée de son séjour en France, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. D....

10. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre M. D... à retourner dans son pays d'origine, il peut, en revanche, être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. D..., présentée le 2 juillet 2020, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 mai 2021, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2022 qui a reconnu l'existence de risques auxquels était exposé M. D... en cas de retour en Angola mais estimé que celui-ci pouvait prétendre à la nationalité congolaise (A...), pays dont sa mère a la nationalité, dans lequel il est né et ne fait état d'aucun risque de persécutions ou de craintes pour sa vie et sa sécurité. Dans ces conditions, les risques en cas de retour en Angola au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être regardés comme établis. Par suite, l'arrêté attaqué, en tant qu'il inclut nécessairement l'Angola comme pays de renvoi, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 17 février 2023 par laquelle le préfet de police a fixé comme pays de destination l'Angola.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

13. Le présent jugement, qui n'annule que la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle fixe l'Angola comme pays de destination, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

14. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. D... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. D....

Article 2 : L'arrêté du 17 février 2023 du préfet de police est annulé en tant qu'il fixe l'Angola comme pays de destination.

Article 3 : Le jugement n° 2304832/8 du 20 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023.

La rapporteure,

M. FULLANALa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 23PA01835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01835
Date de la décision : 22/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LASFARGEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-22;23pa01835 ?
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