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10/10/2023 | FRANCE | N°23PA01636

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 octobre 2023, 23PA01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2300310 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par u

ne requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 20 avril 2023 et le 4 août 2023, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2300310 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 20 avril 2023 et le 4 août 2023, M. A..., représenté par Me Elbaz, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner la communication du dossier médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou, à défaut, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- il est entaché d'une erreur de base légale dès lors que le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 16 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 août 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 8 septembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Elbaz, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 2 janvier 1989 et entré régulièrement en France le 17 juillet 2016, a sollicité, le 8 septembre 2022, le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 13 décembre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 12 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé, notamment, sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 16 novembre 2022, lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux et du compte rendu d'hospitalisation établis par des médecins du service de gastroentérologie de l'hôpital Louis Mourier les 25 août 2021, 19 août 2022, 12 octobre 2022 et 14 mars 2023, que M. A... souffre de rectocolite hémorragique et de spondylite ankylosante. Pour cette rectocolite hémorragique, qui a été diagnostiquée en Algérie en 2010, l'intéressé a bénéficié entre 2010 et 2017, en Algérie et en France, d'une prise en charge médicale et de différents traitements, tels que des anti-inflammatoires, des immunosuppresseurs, des corticoïdes, une antibiothérapie et un traitement par anti-TNF, qui n'ont pas eu d'efficacité clinique, M. A... ayant dû être hospitalisé à plusieurs reprises. A compter du mois de mai 2017, l'intéressé a fait l'objet d'hospitalisations itératives ayant pour objet l'administration d'un traitement intraveineux tous les deux mois à base de Vedolizumab, qui a conduit à une amélioration de son état de santé. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier, notamment d'un courrier du 27 décembre 2022 du laboratoire pharmaceutique Takeda, et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense que le médicament Entyvio (Vedolizumab), qui n'appartient à aucun groupe générique, n'est pas disponible en Algérie. En défense, le préfet de police, qui se borne à se référer à des données générales sur la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin en Algérie et, en particulier, au traitement par anti-TNF, alors que M. A... a été en échec de ce traitement, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'intéressé pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation de sa situation au regard des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision refusant de lui renouveler son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui l'assortit.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de police en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

7. Contrairement à ce que soutient M. A..., le présent arrêt n'implique pas nécessairement que lui soit délivré un certificat de résidence de dix ans en application des stipulations du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'intéressé n'alléguant pas avoir sollicité un tel titre de séjour et ne justifiant pas, au demeurant, de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. En revanche, eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. A..., en application des stipulations du 7 de l'article 6 de cet accord, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet de police de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Enfin, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300310 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de police refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

I. MARIONLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01636
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : RUIMY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-10;23pa01636 ?
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