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10/10/2023 | FRANCE | N°22PA05289

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 octobre 2023, 22PA05289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2216590 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 juillet 2022 du préfet de police, lui a

enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familia...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2216590 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 juillet 2022 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2022, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A... s'est rendu coupable, le 30 mai 2016, de faits d'agression sexuelle qui lui ont valu d'être condamné, le 12 janvier 2017, à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, qu'un tel comportement est constitutif d'une menace pour l'ordre public, que la durée de son séjour en France depuis le 25 février 2006, à la supposer établie, ne lui ouvre aucun droit au séjour, que son insertion professionnelle revêt un caractère précaire et que l'intéressé, célibataire et sans enfant à charge, ne justifie pas des liens de toute nature qu'il aurait noués en France ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. A..., il s'en réfère à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Harir, conclut :

1° au rejet de la requête ;

2° à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3° à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas démontré qu'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été transmis au collège de médecins de l'OFII préalablement à l'édiction de son avis, que le médecin ayant établi ce rapport n'a pas siégé au sein de ce collège et que ce collège a rendu un avis le 31 mai 2022, ce qui ne permet pas d'identifier l'identité de ses auteurs ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de cette convention et les dispositions de l'article L. 423-23 de ce code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation.

Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 21 août 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant indien, né le 31 octobre 1978 et entré en France, selon ses déclarations, le 25 février 2006, a sollicité, le 3 janvier 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet de police fait appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 juillet 2022, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour annuler l'arrêté litigieux du 4 juillet 2022 au motif qu'en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif a estimé, d'une part, que l'intéressé " réside en France depuis seize années, dont onze en situation régulière, qu'il y a effectué ses études ainsi qu'en atteste son Master en management international de l'ESC Dijon Bourgogne obtenu en 2008, qu'il travaille de manière stable depuis de nombreuses années et qu'il est actuellement en contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2021 ", d'autre part, que " s'il résulte du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que M. A... s'est rendu coupable, le 30 mai 2016, de faits d'agression sexuelle pour lesquels il a été condamné le 12 janvier 2017 par le tribunal correctionnel de Mulhouse à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, cette seule condamnation se rapportant à un fait isolé et ancien n'était pas de nature à faire regarder la présence de M. A..., à la date de l'arrêté, comme constitutive d'une menace pour l'ordre public ".

4. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier que si M. A..., qui a déclaré être entré en France le 25 février 2006, au demeurant sans l'établir, s'est vu délivrer d'abord, en juin 2006, un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui a été renouvelé une fois, l'intéressé ayant obtenu en 2008 un Master en management international de l'ESC Dijon Bourgogne, puis, en 2009, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 20 décembre 2017, ces titres de séjour ne lui donnant pas vocation à demeurer en France, sa nouvelle demande de titre de séjour présentée le 3 mai 2018 a fait l'objet d'un arrêté du 18 octobre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, mesures dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2010145 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil. De plus, si M. A... fait état de différents emplois qu'il aurait occupés entre 2006 et 2016 auprès des restaurants " Indra ", " Kirar Ravi ", " Hari Har ", d'une agence de services et de paiement, de la société " Govind " ou des studios " Hari ", il ne justifie pas, par les pièces produites, de la réalité de ces activités professionnelles. De même, s'il fait état d'une activité de " consultant marketing " auprès de la société " BMNV Partnership " entre le 28 octobre 2013 et le 31 juillet 2015, il se borne à produire un bulletin de paie du mois de juin 2015, sans fournir d'autres éléments probants sur cette activité. De surcroît, les avis d'imposition au titre de l'impôt sur le revenu de l'intéressé, pour les années 2009 à 2015, qui mentionnent des revenus très inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ne permettent pas de corroborer une insertion professionnelle significative. En outre, si M. A... justifie avoir travaillé principalement comme " serveur " ou " employé de restauration polyvalent " auprès de différents employeurs entre 2009 et 2012 ainsi qu'à compter du mois d'octobre 2015 et, en dernier lieu, à compter du 1er décembre 2021, sous contrat à durée indéterminée, auprès de l'établissement " Déli's Café ", il ne démontre pas une insertion professionnelle stable et ancienne, ni, d'ailleurs, en rapport avec ses études. Enfin, M. A..., qui n'apporte aucun élément sur les liens de toute nature, notamment d'ordre amical, qu'il aurait noués en France et qui est célibataire et sans enfant à charge, n'établit ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'âgé de quarante-trois ans à la date de la décision attaquée, il poursuive sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine, l'Inde, où réside sa fratrie et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et est d'ailleurs retourné un mois en 2019.

5. D'autre part, il est constant que M. A... s'est rendu coupable, le 30 mai 2016, de faits d'agression sexuelle qui lui ont valu d'être condamné, le 12 janvier 2017, à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis. En admettant même que le préfet de police n'aurait pu légalement se fonder sur ces faits pour estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, à la date de la décision attaquée, il résulte de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision de refus de titre de séjour, en application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se fondant sur les autres motifs de sa décision, à savoir ceux tirés de ce que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette dernière ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

6. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée portant refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées. Dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige du 4 juillet 2022 au motif qu'il avait méconnu ces stipulations.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

8. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

9. En premier lieu, la décision en litige, qui reproduit les termes de l'article L. 425-9 précité, indique que M. A... a sollicité, le 3 janvier 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de cet article. Elle relève que, par un avis du 31 mai 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Elle mentionne également qu'en conséquence, M. A... ne peut bénéficier de l'admission au séjour au titre de cet article L. 425-9. En outre, elle reproduit les termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé a été condamné le 12 janvier 2017 par le tribunal correctionnel de Mulhouse à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle commis le 30 mai 2016 et " qu'eu égard à la nature et à la gravité de la condamnation dont il fait l'objet, il apparaît que le comportement de M. A... est constitutif d'un trouble à l'ordre public pouvant justifier un refus de carte de séjour ". Enfin, elle fait état de ce que M. A..., célibataire et sans charge de famille, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, de sorte qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision attaquée, qui n'avait pas à faire référence, notamment, à la pathologie de l'intéressé, ni à l'effectivité de l'accès à un traitement approprié à cette dernière ou aux éléments sur lesquels s'est fondé le collège de médecins de l'OFII pour rendre son avis, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est, par suite, suffisamment motivée.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du 31 mai 2022 du collège de médecins de l'OFII, qui n'avait pas à être communiqué à M. A... avec la décision en litige et qui a été versé au contradictoire en première instance, a été émis au vu d'un rapport médical établi le 31 mars 2022 par un médecin de l'office, le docteur B... C..., que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII qui a rendu cet avis et que ce collège comprenait trois médecins de l'office, les docteurs Joelle Tretout, Jean-Luc Gerlier et Vincent Douzon. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

11. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, rappelée au point 9, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., avant de rejeter sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée, pour ce motif, la décision en litige doit être écarté.

12. En quatrième lieu, pour rejeter la demande titre de séjour pour raison de santé de M. A..., le préfet de police s'est fondé, notamment, sur l'avis du 31 mai 2022 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester cette appréciation, M. A... fait valoir qu'il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade jusqu'en 2017, que son état de santé ne s'est pas amélioré et qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, les documents d'ordre médical produits par M. A..., notamment un compte rendu d'hospitalisation du 8 octobre 2020, un compte rendu d'hospitalisation du 19 novembre 2020 et un certificat médical établi le 5 novembre 2021 par un professeur du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Necker, mentionnent qu'il a été suivi en France entre les mois d'août 2008 à août 2017 pour une tuberculose cérébrale, ganglionnaire et pulmonaire, considérée comme guérie, et qu'il a également bénéficié d'une prise en charge, en 2020, pour l'évaluation d'une hémianopsie latérale homonyme (HLH) gauche, séquelle de cette infection et considérée comme ancienne, un geste neurochirurgical étant alors éventuellement envisagé et l'intéressé ne présentant pas de gêne fonctionnelle ou de plainte sur cette HLH. Ces documents ne permettent pas, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés et en l'absence d'éléments plus récents sur l'évolution de la pathologie de M. A... ainsi que les soins dont il aurait besoin, de considérer qu'un défaut de prise en charge pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, au surplus, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un suivi approprié à son état de santé. Dans ces conditions, le préfet de police, en se fondant sur l'avis émis le 31 mai 2022 par le collège de médecins de l'OFII et en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., n'a commis aucune erreur d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 425-9 précité, ni, en tout état de cause, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant un titre de séjour à M. A..., le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences d'un tel refus sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour, ne peut qu'être écarté.

15. D'une part, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".

16. La décision par laquelle le préfet de police a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 9. Il résulte des dispositions précitées que l'obligation de quitter le territoire français qui assortit cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 juillet 2022, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de M. A... et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2216590 du 15 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

I. MARIONLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05289
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-10;22pa05289 ?
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