Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2108672 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 avril 2022 et le 29 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Meriau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas démontré que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que les médecins ayant siégé au sein du collège ont été régulièrement désignés par le directeur général de l'OFII, que la délibération rendue par ce collège a revêtu un caractère collégial, que les dispositions de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 et du décret n° 2014-1627 du 26 décembre 2014 relatifs aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ont été respectées et que l'avis émis par le collège a été signé par chacun des trois médecins désignés ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour en application des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 21 août 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne, née le 7 juin 1976, entrée en France, selon ses déclarations, le 6 février 2018, et qui s'est vue délivrer un certificat de résidence en qualité d'étranger malade valable du 28 juin 2019 au 27 mars 2020, qui a été renouvelé pour la période du 15 mai 2020 au 14 mai 2021, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 30 août 2021, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade de Mme C..., le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé, notamment, sur l'avis du 1er juillet 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier d'un traitement approprié.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis les 4 mars 2021, 18 octobre 2021 et 6 février 2023 par le professeur B... D..., néphrologue au collège hospitalier Pitié-Salpêtrière, que Mme C..., atteinte d'une insuffisance rénale terminale au décours d'un lupus érythémateux disséminé et qui a été traité, en Algérie, par hémodialyse à compter de 2004, avant d'y être prise en charge pour un cancer du sein en 2013, a bénéficié en France d'une greffe rénale réalisée le 28 décembre 2019. Elle a bénéficié depuis lors d'un traitement médicamenteux comprenant, notamment, l'Advagraf et le Cellcept, immunosuppresseurs indiqués contre le rejet du greffon en cas de transplantation rénale et prescrits à l'intéressée de manière non substituable à raison de leur marge thérapeutique étroite. En outre, ces certificats médicaux ainsi que deux courriels des 29 septembre 2021 et 20 février 2023 du laboratoire pharmaceutique Astellas Pharma indiquent que ces deux médicaments ne sont pas disponibles en Algérie. Enfin, en défense, le préfet, qui n'a produit aucune observation, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'intéressée pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne a commis une erreur d'appréciation de sa situation au regard des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision refusant de lui renouveler son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui l'assortit.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2021 du préfet de Seine-et-Marne en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Seine-et-Marne délivre à Mme C..., en application des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet de Seine-et-Marne de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2108672 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 30 août 2021 du préfet de Seine-et-Marne refusant à Mme C... le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à Mme C... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au préfet de Seine-et-Marne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
I. MARIONLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01942