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10/10/2023 | FRANCE | N°22PA01798

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 octobre 2023, 22PA01798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 29 septembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté du 29 juillet 2015 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2020093 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 21 avril 2022 et le 23 mai 2022, M. A..., représen

té par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 29 septembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté du 29 juillet 2015 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2020093 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 21 avril 2022 et le 23 mai 2022, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'abroger l'arrêté du 29 juillet 2015 prononçant son expulsion du territoire français, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission d'expulsion n'a pas été préalablement saisie ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 21 août 2023 à 12h00.

Par une décision du 24 mars 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 12 mai 1987, est entré en France en 2011 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 31 décembre 2014. Par un arrêté du 29 juillet 2015, le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par une décision implicite réputée être intervenue le 29 septembre 2020, en application des dispositions de l'article L. 524-2 du même code, alors applicable, le préfet de police a refusé d'abroger cet arrêté du 29 juillet 2015. M. A... fait appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 524-1 du même code, alors applicable et devenu les articles L. 632-3 et L. 632-4 de ce code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ". Aux termes de l'article L. 524-2 du même code, alors applicable et devenu l'article L. 632-6 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ".

3. En premier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision implicite en litige en date du 29 septembre 2020 serait entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'il n'a pas sollicité la communication de ses motifs dans les délais du recours contentieux en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, la décision en litige a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 524-2 précité, qui prévoient que le réexamen par l'autorité administrative compétente des motifs de l'arrêté d'expulsion, tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté, ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1. Au surplus, il est constant que l'arrêté d'expulsion du 29 juillet 2015 n'a pas été effectivement exécuté, M. A... continuant de séjourner sur le territoire national, et que celui-ci n'a pas présenté une demande d'abrogation de cet arrêté. Par suite, le préfet de police n'avait pas davantage à saisir cette commission en application des dispositions de l'article L. 524-1 précité. Dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision contestée, faute d'une saisine préalable de la commission d'expulsion, ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A..., avant de refuser d'abroger la décision d'expulsion dont il a fait l'objet le 29 juillet 2015. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef cette mesure doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a commis, courant 2012 et notamment entre le 28 avril 2012 et le 23 mai 2012, le 21 mai 2012 et le 23 mai 2012, des faits d'escroquerie, d'agression sexuelle, de vol et de violences ayant entraîné une incapacité n'excédant pas huit jours à l'égard d'une jeune femme avec qui il entretenait une relation, faits pour lesquels il a été condamné, par un jugement du 9 janvier 2014 du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de quatre ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis, et à une amende de 700 euros. Un tel comportement a également motivé l'arrêté d'expulsion du 29 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1516056 du 23 novembre 2016 du tribunal administratif de Paris et par un arrêt n° 17PA00128 du 12 décembre 2017 de la Cour. Pour contester la légalité de la décision du 29 septembre 2020 du préfet de police refusant d'abroger cet arrêté, M. A... soutient que ces faits, commis " dans un cadre particulier de dispute conjugale sur fond de jalousie ", revêtent un caractère ancien et isolé, qu'il n'a pas fait l'objet d'une détention provisoire, mais d'un contrôle judiciaire avant l'audience du juge pénal, qu'aucun mandat de dépôt n'a été ordonné à l'issue de cette audience, que le juge de l'application des peines lui a accordé, le 18 novembre 2014, une mesure de placement sous surveillance électronique et que la commission d'expulsion a émis, le 16 juin 2015, un avis défavorable à son expulsion. Toutefois, il ressort des motifs du jugement du 9 janvier 2014 que le juge pénal a relevé que les faits commis par l'intéressé " sont d'une particulière gravité " et que " les explications de M. A... sont assez pauvres et laissent transparaître une difficulté réelle à estimer dans son intégrité l'autre, ce qui est également souligné par l'expertise psychiatrique effectuée pendant le temps de l'instruction ", le jugement mettant en exergue des témoignages sur le comportement de l'intéressé qui est allé " jusqu'à se vanter d'avoir frappé une précédente compagne, mère de son enfant, restée au Mali ". Ainsi, en se bornant à soutenir que son comportement, ayant justifié sa condamnation, n'a jamais constitué une menace pour l'ordre public, " mais uniquement pour la victime des faits délictueux ", menace qui n'existe plus aujourd'hui dès lors qu'il a " coupé tout contact avec son ancienne compagne ", le requérant, qui persiste à minimiser les faits qui lui sont reprochés, ne présente pas de gages sérieux et avérés de distanciation ou de remise en question par rapport à ces faits, d'une gravité certaine, ainsi que de non réitération. Au surplus, M. A... ne se prévaut d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière en France, l'intéressé ayant cessé ses études en 2017 ou 2018, sans les mener à leur terme, et ne justifiant d'aucune activité professionnelle depuis le mois de mars 2018, ni, en tout état de cause, d'aucun projet professionnel. Par suite, eu égard à la nature et à la gravité des agissements commis par M. A... ainsi qu'à l'absence de gages sérieux et avérés de distanciation, de non réitération et de réinsertion, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, estimer que sa présence en France constituait, à la date à laquelle il s'est prononcé, soit le 29 septembre 2020, une menace persistante pour l'ordre public de nature à justifier le maintien des effets de la mesure d'expulsion qui avait été prise à son endroit.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis l'année 2011 et fait valoir qu'il y vit avec sa mère, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 30 juin 2019 au 29 juin 2021, et son beau-père, titulaire d'une carte de résident, qu'il y a suivi des études supérieures, d'abord en troisième année de licence de droit, puis, à la suite d'une réorientation, en management et gestion des ressources humaines, et qu'il justifie d'une insertion professionnelle. Toutefois, le requérant, qui se borne à produire un certificat de scolarité et une attestation d'assiduité pour un Master 1 en management et gestion des ressources humaines pour l'année universitaire 2014-2015 auprès de l'établissement " IFSAIG " et un certificat de scolarité pour une formation à distance de gestionnaire de paie pour l'année 2017-2018 auprès de l'Ecole française de comptabilité, ne justifie pas de la cohérence et du caractère sérieux de ses études, qu'il n'a pas poursuivies après 2017 ou 2018, ni menées à leur terme. En outre, en se bornant à justifier avoir effectué des missions d'intérim dans le secteur de l'hôtellerie en tant qu'équipier/valet de chambre entre les mois de mars 2014 et mars 2018, il ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Enfin, M. A..., âgé de trente-trois ans à la date de la décision attaquée, ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son épouse et son enfant né le 16 août 2011 et où lui-même a vécu jusque l'âge de vingt-quatre ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la persistance de la menace grave à l'ordre public que présente l'intéressé, la décision en litige portant refus d'abroger l'arrêté d'expulsion du 25 juillet 2015 ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

I. MARIONLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01798 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01798
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-10;22pa01798 ?
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