Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2211028 du 18 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 novembre 2022 et 12 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Menage, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de renouveler son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Menage au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
Sur la décision de refus de séjour :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé au Cameroun ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment à la durée de son séjour en situation régulière sur le territoire français, à l'intensité de ses liens familiaux en France et à son intégration notamment professionnelle ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors notamment qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé au Cameroun ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé au Cameroun où, par ailleurs, l'insécurité est grandissante du fait notamment des combats intercommunautaires.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Par une décision du 8 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 25 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Menage, avocate de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise, entrée en France en 2014 selon ses déclarations, a sollicité le 10 mars 2016 un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 425-9 du même code. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 5 avril 2016 au 4 avril 2017, qui a été renouvelé en dernier lieu jusqu'au 13 septembre 2021. Par un arrêté du 21 avril 2022, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Par un jugement du 18 octobre 2022, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée en France en 2014 selon ses déclarations, a été titulaire de titres de séjour du 5 avril 2016 au 13 septembre 2021 en raison de son état de santé. Après avoir subi plusieurs interventions chirurgicales et une radiothérapie du fait d'un cancer du sein bilatéral métastatique à l'os diagnostiqué en février 2015, Mme B... suit, depuis mars 2016, un traitement d'Herceptin, administré par perfusion en milieu hospitalier toutes les trois semaines, associé à une hormonothérapie par Tamoxifene. Il ressort du compte rendu de consultation du 18 février 2023 du docteur A... de l'hôpital Saint Louis que ce traitement médical doit se poursuivre à vie et nécessite une surveillance médicale tous les six mois. En outre, de 2017 à 2019, la requérante a exercé un emploi d'agent de service. Après avoir suivi une formation au titre de 2019-2020, elle a obtenu le 16 juillet 2020 le diplôme d'aide soignante. Elle exerce ce métier depuis le 7 octobre 2020 dans une clinique située à Paris. Par ailleurs, il ressort des attestations des 30 juin et 7 juillet 2023 de son frère, de nationalité française, et de sa sœur, titulaire d'une carte de résident, que Mme B..., qui est célibataire sans enfant, entretient d'étroites relations avec ces derniers et que sa mère est décédée en mai 2023. Au vu de l'ensemble de ces éléments, en particulier de ses liens familiaux en France et de son intégration professionnelle, le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation de Mme B.... Par suite, la décision du préfet de police du 21 avril 2022 refusant à Mme B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 21 avril 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2022. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Menage, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Menage de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2211028 du 18 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 21 avril 2022 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Menage, avocat de Mme B..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Menage renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2023.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04899 2