Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2105826 du 17 octobre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2022, Mme D... C..., représentée par Me Bisalu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour l'autorisant à travailler pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son fils est de nationalité française et que le père de l'enfant contribue effectivement à son éducation et à son entretien ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 26 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2023 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), a sollicité, le 1er février 2021, un titre de séjour sur fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 17 octobre 2022, dont Mme D... C... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dont les dispositions sont reprises aux articles L. 423-7 et L. 423-8 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ;/ Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le 20 août 2020 à Bondy, Mme D... C... a donné naissance à un enfant, E... A... B..., qui avait fait l'objet d'une reconnaissance anticipée de paternité le 4 mars 2020 par M. A... B..., ressortissant français. Pour refuser de délivrer à Mme D... C... un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé notamment qu'elle ne justifiait pas de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par son père de nationalité française. La requérante verse au dossier quatre factures émanant d'officines de pharmacie mentionnant le patronyme de A... B... en date des 15 et 22 décembre 2020 et 2 et 4 janvier 2021, une facture d'un hypermarché mentionnant le nom du père de l'enfant et portant sur l'achat de produits pour des enfants en bas âge ainsi qu'une convention parentale conclue le 27 décembre 2020 indiquant notamment que le père ne contribuait que ponctuellement à l'entretien de l'enfant, qu'il était convenu d'un commun accord que le père verserait mensuellement à Mme D... C... la somme de 50 euros et qu'il disposait d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant. Mme D... C... produit devant la Cour un avis d'impôt établi en 2022 sur les revenus de 2021 mentionnant un montant de 600 euros au titre de pensions alimentaires, soit un montant mensuel de 50 euros. Cependant, le versement de cette pension alimentaire n'est corroboré par aucune autre pièce. L'ensemble de ces éléments sont insuffisants pour établir que le père de l'enfant contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils. Si la requérante produit également le jugement du 2 novembre 2021 rendu par le juge aux affaires familiales près le Tribunal judiciaire de Bobigny prévoyant notamment le versement d'une pension alimentaire mensuelle de 50 euros et un droit de visite et d'hébergement tous les week-ends en faveur du père de l'enfant, cette décision de justice, postérieure à l'arrêté contesté et ne pouvant être regardée en l'espèce comme révélant une situation antérieure à celui-ci, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément justificatif, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement estimer que Mme D... C... n'établissait pas que M. A... B..., père de son fils français, contribuait à l'entretien et à l'éducation de ce dernier dont, par ailleurs, la résidence stable et durable en France n'est pas contestée en appel.
4. Toutefois, il résulte des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 qu'il appartenait alors au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne remettait pas en cause la filiation de l'enfant de nationalité française de Mme D... C..., d'apprécier le droit au séjour de celle-ci au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet aurait examiné le droit au séjour de Mme D... C... au regard de l'intérêt supérieur de son enfant de nationalité française avant de prendre l'arrêté contesté. Dans ces conditions, l'arrêté du 16 juillet 2020 est entaché d'illégalité et doit, par suite, être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la situation de Mme D... C... après avoir examiné son droit au séjour, notamment au regard de l'intérêt supérieur de son enfant de nationalité française, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme D... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105826 du 17 octobre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de Mme D... C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2023.
La rapporteure,
V. Larsonnier Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA04740