Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par jugement n°2205713 du 25 juillet 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête enregistrée sous le n°22PA03828 le 16 août 2022, Mme B..., représentée par Me Bisalu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2205713 du 25 juillet 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen sérieux de l'état de santé de son enfant ;
- l'instruction du dossier par le collège des médecins de l'OFII est entachée d'un vice de procédure dès lors que le médecin instructeur du dossier s'est abstenu d'y siéger ;
- il est entaché d'une erreur de droit ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.
II) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°22PA04026, les 29 août et 9 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Pierrot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2205713 du 25 juillet 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ou, à titre subsidiaire, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été précédé d'un examen de situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de cet article dès lors que le traitement suivi par son fils n'est pas disponible en Côte d'Ivoire ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une illégalité du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 27 février 1996, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 22 octobre 2018 selon ses déclarations. Par arrêté du 25 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement n°2205713 du 25 juillet 2022, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la requête n° 22PA04026 :
2. Les pièces et mémoires produits, qui ont été enregistrés sous le n°22PA04026, doivent être enregistrés dans l'instance n°22PA03828. Il y a lieu, en conséquence, de radier la requête n° 22PA04026 des registres du greffe de la Cour.
Sur la requête n° 22PA03828 :
3. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... établit que son fils ainé A... né le 15 juillet 2019 sur le territoire français est atteint d'une drépanocytose SC. L'avis émis le 4 janvier 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Toutefois, il ressort des certificats médicaux établis les 14 avril 2022 et 22 août 2022 soit postérieurement à l'arrêté attaqué mais qui révèlent une situation antérieure que le traitement dont a besoin cet enfant ne peut être obtenu en Côte d'Ivoire et Mme B... établit que les médicaments Siklos 100 mg et l'Oracilline 500 000 UI et leurs substances actives l'hydroxycarbamide et la phénoxyméthylpenicilline ne figurent pas sur la liste des médicaments disponibles en Côte d'Ivoire publiée en 2019. Le laboratoire qui commercialise l'Oracilline 500 000 UI confirme l'absence de ce médicament dans ce pays. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce compte tenu de l'état de santé de son fils ainé et des conséquences qu'aurait pour lui l'exécution de la décision contestée qui impliquerait la séparation d'avec sa mère, l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour pour accompagner son enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement a méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et doit être annulé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement n°2205713 du 25 juillet 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et de l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il y a lieu, compte tenu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le dossier enregistré sous le n°22PA04026 est rayé des registres du greffe de la Cour et les documents qui y ont été produits sont rattachés à l'instance enregistrée sous le n°22PA03828.
Article 2 : Le jugement n°2205713 du 25 juillet 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2023.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°s 22PA03828 ...