Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet du préfet du Val-de-Marne née du silence gardé sur sa demande de délivrance de titre de séjour faite par courrier du 11 novembre 2020 et, d'autre part, de l'arrêté du 24 janvier 2022 en tant que le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par jugements n°s 2104802 et 2201573 des 18 mars et 22 juillet 2022, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet du préfet du Val-de-Marne, a enjoint au préfet du Val-de-Marne, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de la demande de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'État à verser à Mme A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2022.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 24 mai, 12 juillet et 10 août 2022 sous le n°22PA02400, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2104802 du 18 mars 2022 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la requête de première instance de Mme A....
Il soutient que :
- l'arrêté du 27 décembre 2021 s'est substitué à la décision implicite de rejet contestée de sorte que les moyens soulevés contre la décision implicite doivent être regardés comme dirigés contre la décision expresse du 27 décembre 2021 ;
- dès lors que l'arrêté du 27 décembre 2021 est suffisamment motivé, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision implicite de rejet comme étant entachée d'un défaut de motivation ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... devant le Tribunal administratif de Melun ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à Mme A... qui n'a pas produit d'observations en défense.
II. Par une requête enregistrée le 9 août 2022 sous le n°22PA03734, Mme A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2201573 du 22 juillet 2022 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 en tant que le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est entrée en France en 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 9 septembre 1985, de nationalité chinoise, a sollicité par courrier du 11 novembre 2020, réceptionné le 24 novembre suivant, du préfet du Val-de-Marne la délivrance d'un titre de séjour. Un refus implicite lui a été opposé avant que le préfet du Val-de-Marne rejette par arrêté du 24 janvier 2022 sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement n°2104802 du 18 mars 2022, dont le préfet du Val-de-Marne relève appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet du préfet du Val-de-Marne, lui a enjoint ainsi qu'à tout autre préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de la demande de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'État à verser à Mme A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par jugement n°2201573 du 22 juillet 2022, dont Mme A... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2022 en tant que le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Les requêtes susvisées n°s 22PA02400 et 22PA03734, présentées par le préfet du Val-de-Marne et Mme A..., sont dirigées contre deux jugements se prononçant sur la légalité des décisions explicite et implicite prises sur la même demande et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement n°2104802 du 18 mars 2022 du Tribunal administratif de Melun :
3. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.
4. Il ressort des pièces du dossier que par requête distincte n° 2201573 enregistrée le 16 février 2022 par le Tribunal administratif de Melun, Mme A... a présenté, dans le délai de recours contentieux, des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2022 par laquelle la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par suite, les conclusions de la requête n°2104802 dirigées contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur la demande de délivrance d'un titre de séjour dont il a été saisi, doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite intervenue le 27 décembre 2021 qui s'y est substituée, par laquelle il a expressément rejeté cette demande.
5. Il s'ensuit que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement n°2104802 du 18 mars 2022, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet du préfet du Val-de-Marne, lui a enjoint ainsi qu'à tout autre préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de la demande de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'État à verser à Mme A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris dans la requête de première instance n°2104802 comme étant dirigés contre l'arrêté du 24 janvier 2022 du préfet du Val-de-Marne.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2022 du préfet du Val-de-Marne :
7. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les textes dont il fait application, en particulier les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'indication des éléments de faits pour lesquels le préfet a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour de Mme A.... Dès lors, l'arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement que celui des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne n'était, en tout état de cause, pas tenu d'examiner d'office la demande de carte de séjour temporaire dont il avait été saisi par Mme A... à un autre titre que celui sur lequel elle était fondée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en violation des articles L. 423-23 et L. 313-10 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu l'article L. 421-5 du même code, est inopérant.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
10. Mme A... soutient qu'elle réside de manière stable et continue sur le territoire national depuis 2018 sans toutefois l'établir. Elle démontre être la mère de deux enfants, nés en France les 14 octobre 2018 et 24 novembre 2019, dont l'ainé est scolarisé depuis 2020. Elle justifie être propriétaire d'un appartement situé à Saint-Maur-des-Fossés, qu'elle dispose d'une promesse d'embauche qui lui a été faite le 27 avril 2022 en qualité de commercial manager et qu'elle est associée de deux sociétés l'une dans la restauration et l'autre dans la fabrication et la commercialisation de stores. Elle fait valoir qu'elle a ainsi fixé l'ensemble de ses intérêts personnels, familiaux et professionnels en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Chine où résident ses parents, pays dans lequel elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans. Par ailleurs, s'il ressort de la fiche de renseignements qu'elle a remplie le 11 octobre 2021 qu'elle serait pacsée depuis septembre 2019, elle ne donne aucune information sur son partenaire de pacs ni sur le père de ses enfants. Par suite, compte tenu du caractère récent de la présence de Mme A... en France et du jeune âge de ses enfants à la date de l'arrêté du 24 janvier 2022, de l'insuffisance des éléments produits relatifs à son insertion professionnelle stable et durable sur le territoire français, Mme A... ne justifie pas d'un motif exceptionnel ou d'une circonstance humanitaire permettant la délivrance d'un titre de séjour " vie privée ou familiale " ou " salarié " au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que cet article n'a pas été méconnu. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n°2201573 du 22 juillet 2022 du Tribunal administratif de Melun et de l'arrêté du 24 janvier 2022 en tant que le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours dans la requête n°22PA03734. En revanche, dans la requête n° 22PA02400, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que la requête de première instance de Mme A... doit être regardée comme dirigée contre l'arrêté du 24 janvier 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement et que la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision implicite de refus qui lui a été opposée, doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2104802 du 18 mars 2022 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance de Mme A... présentées dans l'instance enregistrée par le Tribunal administratif de Melun sous le numéro 2201573 et les conclusions de la requête d'appel n°22PA03734 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2023.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 22PA02400 ...