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19/09/2023 | FRANCE | N°23PA02261

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 septembre 2023, 23PA02261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2213259 du 28 avril 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil, a, dans son article 1er, admis M. A..., à titre provisoire au bénéfice de

l'aide juridictionnelle et, par les articles 2, 3 et 4 de ce jugement, a respectivemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2213259 du 28 avril 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil, a, dans son article 1er, admis M. A..., à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, par les articles 2, 3 et 4 de ce jugement, a respectivement annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 août 2022, enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me Haidara, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023 sous le n° 23PA02261, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré du défaut de notification de la décision de la cour nationale du droit d'asile car cette décision a bien été notifiée à M. A... le 10 juin 2022 comme en atteste le fichier informatique de la base de données " Telemofpra " ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A..., examinés par l'effet dévolutif de l'appel, sont infondés.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

II°) Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023 sous le n° 23PA02262, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 28 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- il justifie d'une situation d'urgence du fait notamment de l'injonction prononcée par le premier juge ;

- il existe un moyen sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement litigieux.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, né le 25 décembre 1992, a sollicité le bénéfice de l'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, qui lui a été refusé le 23 novembre 2020. Par une décision du 11 mai 2022, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé cette décision. Par un arrêté du 4 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 28 avril 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a admis, à titre provisoire, le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 août 2022, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'État une somme de 800 euros à verser à Me Haidara, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par les requêtes susvisées, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande respectivement l'annulation de ce jugement et le sursis à exécution du même jugement.

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête 23PA02262 :

3. Le présent arrêt statuant sur la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête à fin de sursis à exécution dudit jugement sont devenues sans objet.

Sur la requête 23PA02261 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision./ Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". L'article R. 532-57 du même code dispose que : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

5. En l'espèce, le premier juge a estimé que, faute de toute justification du préfet de la Seine-Saint-Denis, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement tant que la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas été régulièrement lue en audience publique ou ne lui avait pas été notifiée. Or par la présente requête d'appel, le préfet produit le fichier informatique de la base de données " Telemofpra " établissant que la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 mai 2022 lui a été notifiée le 10 juin 2022. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du défaut de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour annuler son arrêté du 4 août 2022.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A... examinés par l'effet dévolutif de l'appel :

6. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. B... C..., adjoint à la cheffe du bureau de l'asile, qui a reçu délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis par un arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux énonçant les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. De même, il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet et sérieux de la situation de l'intéressé.

8. En troisième lieu, à l'occasion de sa demande d'asile, M. A... a été à même de présenter tous les éléments de sa situation personnelle. Il n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès de la préfecture avant l'édiction de la mesure d'éloignement litigieuse. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du droit à être entendu doit donc être écarté.

9. En quatrième lieu, M. A... est célibataire sans charges de famille et il est dépourvu de toute attache familiale en France. Quand bien même il se prévaut d'une promesse d'embauche, il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés.

10. En dernier lieu, M. A... ne justifie pas d'éléments de nature à faire craindre le risque personnel de traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine alors d'ailleurs, comme il a été dit ci-dessus, que sa demande d'asile avait été rejetée. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit donc également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation des articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête 23PA02262.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2213259 du 28 avril 2023 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me Haidara et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02261 ; 23PA02262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02261
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-19;23pa02261 ?
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