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04/07/2023 | FRANCE | N°23PA01419

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 04 juillet 2023, 23PA01419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement

n°2116193 du 9 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°2116193 du 9 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 15 janvier 2021 en tant seulement qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 15 janvier 2021 annulée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, et un mémoire, enregistré le 13 avril 2023, M. A..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler les décisions mentionnées ci-dessus du 15 janvier 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis à titre principal de lui délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale", à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire :

- elles sont insuffisamment motivées, notamment en droit, et entachées d'un défaut d'examen sérieux ;

- elles sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées, d'une part, d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors qu'il démontre contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant et, d'autre part, d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de sa vie privée et familiale ou de l'intérêt supérieur de l'enfant en application de l'article L. 423-8 de ce code ;

- elles sont entachées d'erreur d'appréciation de la menace à l'ordre public que son comportement est susceptible de constituer ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 18 mars 1987, a demandé le 27 août 2020 la délivrance d'une carte de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 15 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 9 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 15 janvier 2021 en tant seulement qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 15 janvier 2021 annulée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus de sa demande.

M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. M. A... est entré en France en dernier lieu en 2018, en provenance d'Italie, pays qui lui a accordé la protection subsidiaire et une carte de séjour de cinq ans, renouvelée le

7 décembre 2021. Il est constant qu'il est père d'un enfant français né le 18 décembre 2019 qu'il a reconnu le 28 octobre 2019. Si ce dernier vit avec sa mère de nationalité française, alors que le requérant vit chez une cousine, il ressort des pièces du dossier que les deux résidences sont fixées dans des communes proches géographiquement et que M. A... rend visite régulièrement à son enfant. En outre il prend soin de son fils ainsi qu'il ressort notamment de l'attestation du pédiatre. La relation entre le requérant et Mme B... s'est d'ailleurs poursuivie dès lors qu'ils ont eu un autre enfant, une fille née en mai 2022, certes postérieurement à l'arrêté attaqué mais cette naissance confirme la réalité de la vie de couple. Par ailleurs, si le requérant ne justifie, à la date de l'arrêté attaqué, que d'une récente insertion professionnelle en contrat à durée déterminée à temps partiel signé le 30 novembre 2020, cette insertion s'est intensifiée,

M. A... ayant ensuite signé un contrat à durée indéterminée le 4 juin 2021, certes également postérieurement à l'arrêté en litige mais cette évolution révèle sa volonté d'intégration. Enfin, comme l'avait déjà jugé le tribunal administratif, c'est à tort que le préfet a estimé que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, dès lors qu'il a été condamné le 8 septembre 2017 et le 17 janvier 2020, respectivement à 400 et 600 euros d'amende, pour des faits de conduite sans permis et sans assurance puis de conduite sans permis. En effet, ces condamnations étaient mineures et le requérant s'est prévalu, en outre, de la circonstance qu'il détient un permis ivoirien dont il n'a pu demander l'échange avec un permis français en raison de l'irrégularité de son séjour. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, alors que la cellule familiale ne peut se reconstituer dans le pays d'origine de l'intéressé, qui bénéficie de la protection subsidiaire accordée par l'Italie, outre la nationalité différente des parents, que M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a d'ailleurs pas produit de mémoire défense ni en première instance ni en appel, a méconnu les stipulations précitées et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision de refus de délivrance de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation, implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint -Denis délivre un titre de séjour mention" vie privée et familiale " au requérant. Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, un tel titre de séjour à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2116193 du 9 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé ainsi que l'arrêté du 15 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis pris à l'encontre de M. A... dans son intégralité.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous réserve d'un changement des circonstances de droit et de fait, de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01419
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-04;23pa01419 ?
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