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30/06/2023 | FRANCE | N°22PA04122

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 juin 2023, 22PA04122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association d'avocats Cabinet Leandri a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, d'autre part, la réduction, à hauteur de la somme de 8 632 euros, de la cotisation de cotisation foncière des entreprises qui lui a été réclamée au titre de l'année 2017.

Par un jugement avant dire droit n° 2013208 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Pari

s a ordonné un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration et la socié...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association d'avocats Cabinet Leandri a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, d'autre part, la réduction, à hauteur de la somme de 8 632 euros, de la cotisation de cotisation foncière des entreprises qui lui a été réclamée au titre de l'année 2017.

Par un jugement avant dire droit n° 2013208 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a ordonné un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration et la société Leandri, de produire tous éléments tendant à établir si l'un des locaux-type figurant au procès-verbal des opérations de révision foncière de Paris est comparable à l'immeuble à évaluer et de présenter leurs observations relatives aux éléments à prendre en compte pour l'application d'un ajustement de la valeur locative de l'immeuble en cause, en application des dispositions des articles 324 D à 324 X de l'annexe III au code général des impôts.

Par un jugement n° 2013208 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a retenu le local-type n° 52 du procès-verbal H des opérations de révision foncière de Paris, situé 64 rue d'Amsterdam à Paris (9ème arrondissement) comme terme de comparaison au titre des années 2015 à 2017 pour l'évaluation de la valeur locative du local loué par la SCP Leandri au 23 rue Ballu à Paris (9ème arrondissement), a renvoyé le Cabinet d'avocats Leandri devant l'administration pour qu'elle détermine, conformément aux motifs du jugement et sur le fondement de l'article 1496 du code général des impôts, la valeur locative du bien situé 23, rue Ballu à Paris, et a déchargé, s'il y a lieu, le Cabinet d'avocat Leandri de la différence entre le montant de cotisation foncière des entreprises auquel elle a été assujettie à raison du local qu'elle loue au 23, rue Ballu à Paris et celui résultant du nouveau calcul de cette taxe, effectué conformément aux motifs du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2022, le Cabinet Leandri, représentée par Me Martinod, demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 2013208 du 15 mars 2022 et du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'autre part, la réduction de la cotisation de cotisation foncière des entreprises à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas déduit de l'erreur commise par le service dans la méthode d'évaluation des locaux en litige la décharge des impositions en cause ;

- c'est à tort qu'ils ont ordonné un supplément d'instruction ;

- le tribunal a méconnu la doctrine référencée BOI-CTX-ADM-10 650, en ses paragraphes 60 et 70 ;

- l'administration fiscale a méconnu le délai de reprise s'agissant des impositions au titre de l'année 2015 ;

- l'administration fiscale a méconnu la doctrine référencée BOI-CF-PRG-10-10.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023, à 12 heures.

Un mémoire a été produit pour le Cabinet d'avocats Leandri, le 2 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association d'avocats Cabinet Leandri a été assujettie à des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2015, 2016 et 2017, à raison d'un local dont elle est locataire au 23 rue Ballu à Paris (9ème arrondissement). Par un jugement avant dire droit du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a ordonné un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration et la société Leandri, de produire tous éléments tendant à établir si l'un des locaux-type figurant au procès-verbal des opérations de révision foncière de Paris est comparable à l'immeuble à évaluer et de présenter leurs observations relatives aux éléments à prendre en compte pour l'application d'un ajustement de la valeur locative de l'immeuble en cause, en application des dispositions des articles 324 D à 324 X de l'annexe III au code général des impôts. Par un jugement du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a retenu le local-type n° 52 du procès-verbal H des opérations de révision foncière de Paris, situé 64 rue d'Amsterdam à Paris (9ème arrondissement) comme terme de comparaison au titre des années 2015 à 2017 pour l'évaluation de la valeur locative du local loué par le Cabinet Leandri, a renvoyé le Cabinet Leandri devant l'administration pour qu'elle détermine, conformément aux motifs du jugement et sur le fondement de l'article 1496 du code général des impôts, la valeur locative du bien situé 23, rue Ballu à Paris, et a déchargé, s'il y a lieu, le Cabinet Leandri de la différence entre le montant de cotisation foncière des entreprises auquel elle a été assujettie à raison du local qu'elle loue au 23, rue Ballu à Paris et celui résultant du nouveau calcul de cette taxe, effectué conformément aux motifs du jugement. Le Cabinet Leandri relève appel de ces deux jugements.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant [...] la cotisation foncière des entreprises [...] peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due [...] ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun [...] ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a informé le Cabinet Leandri, par un courrier daté du 10 août 2018, dont le Cabinet Leandri a eu connaissance au plus tard à la date de sa réponse adressée aux services fiscaux, datée du 5 septembre 2018, laquelle fait état de ce courrier, de ce que, au titre de l'année 2015, " le contrôle des bases de cotisation foncière des entreprises [...], conduit à envisager l'émission d'un rôle supplémentaire d'un montant estimé à 18 928 euros ". L'administration fiscale a annexé à ce courrier une " fiche d'imposition supplémentaire ", détaillant les modalités de calcul de l'imposition en cause. Dans ces conditions, l'administration fiscale, en notifiant au Cabinet Leandri ce courrier et cette fiche, qui désignaient l'imposition en cause, l'année d'imposition et le montant des bases d'imposition qu'elle entendait retenir, a valablement interrompu le délai de reprise, prévu par l'article L. 174 du livre des procédures fiscales, de la cotisation foncière des entreprises due par le Cabinet Leandri au titre de l'année 2015. Ainsi, le délai de reprise dont disposait l'administration fiscale n'était pas expiré lorsque la cotisation supplémentaire de cotisation foncière des entreprises mise à la charge du Cabinet Leandri au titre de l'année 2015 a été mise en recouvrement, le 30 novembre 2019.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France [...] dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période [...] ". Aux termes du I de l'article 1496 du même code : " La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux ". Aux termes de l'article 1497 de ce code : " Par dérogation à l'article 1496 I les locaux d'habitation qui présentent un caractère exceptionnel et les locaux à usage professionnel spécialement aménagés pour l'exercice d'une activité particulière sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498 ". Aux termes du 1 de l'article 92 du même code : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

5. Il résulte de l'instruction que la valeur locative des locaux en litige a été déterminée par l'administration fiscale par application des dispositions du 1° de l'article 1498 du code général des impôts, en utilisant la référence au bail en vigueur au 1er janvier 1970, à partir des indications figurant dans la fiche de calcul du procès-verbal " Maisons exceptionnelles ", n°6675 désignant les locaux en cause comme ayant la nature d'un commerce sans boutique. Or, il résulte de l'instruction que les locaux en litige, eu égard à la profession libérale d'avocat qui y est exercée depuis le 1er octobre 2005, servent à l'exercice d'une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 1496 du code général des impôts. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces locaux bénéficiaient d'un aménagement spécial au sens de l'article 1497 du code général des impôts, ils devaient être évalués selon la méthode comparative prévue par l'article 1496 de ce code. Par suite, l'administration fiscale ne pouvait évaluer la valeur locative du bien en litige par la référence au bail en vigueur au 1er janvier 1970, au titre des années 2015 et 2016, en application des dispositions du 1° de l'article 1498 du code général des impôts. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la valeur locative des locaux en litige au titre de l'année 2017 a été fixée par référence à la valeur locative calculée par le service au titre des années 2015 et 2016. Ainsi, la méthode d'évaluation retenue par le service au titre des années 2015, 2016 et 2017 était irrégulière.

6. Or, le juge de l'impôt, saisi d'une contestation portant sur la méthode d'évaluation, a l'obligation, lorsqu'il estime irrégulière la méthode d'évaluation initialement retenue par l'administration, de lui substituer la méthode d'évaluation qu'il juge régulière.

7. En l'espèce, l'irrégularité de la méthode d'évaluation de la valeur locative retenue par l'administration fiscale ne saurait entraîner par elle-même, contrairement à ce que soutient le Cabinet Leandri, la décharge des impositions en litige, mais seulement la substitution, à cette méthode, d'une nouvelle méthode d'évaluation, fondée sur l'article 1496 du code général des impôts. Ainsi, le moyen tiré de ce que le caractère irrégulier de la méthode d'évaluation aurait dû entraîner la décharge des impositions en litige doit être écarté. Par ailleurs, dans ces conditions, et dès lors qu'aucun terme de comparaison n'était en l'espèce proposé par les parties, le supplément d'instruction ordonné par le jugement du 15 mars 2022, aux fins, notamment, de produire tous éléments tendant à établir si l'un des locaux-type figurant au procès-verbal des opérations de révision foncière de Paris est comparable à l'immeuble à évaluer ne saurait être regardé comme ayant été frustratoire. Ainsi, tant le moyen tiré de ce que l'irrégularité de la méthode d'évaluation doit entraîner la décharge des impositions en litige que le moyen tiré de l'irrégularité du supplément d'instruction ordonné par les premiers juges doivent être écartés.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

8. En premier lieu, le Cabinet Leandri ne peut soutenir que les premiers juges auraient méconnu la doctrine référencée BOI-CTX-ADM-10-50, en ses paragraphes 60 et 70, lesquels n'ajoutent en tout état de cause rien à la loi fiscale.

9. En second lieu, le Cabinet Leandri n'est pas fondé à soutenir que les impositions en litige méconnaîtraient la doctrine référencée BOI-CF-PRG-10-10, laquelle comporte, en particulier, un paragraphe 90 qui reprend les dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales citées au point 2 du présent arrêt, et qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association d'avocats Cabinet Leandri n'est pas fondée à demander l'annulation des jugements attaqués du tribunal administratif de Paris.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association d'avocats Cabinet Leandri est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association d'avocats Cabinet Leandri et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04122
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : MARTINOD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;22pa04122 ?
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