Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de membre de famille de citoyens de l'Union européenne.
Par un jugement n° 2121011 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 août 2021 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2121011 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Paris.
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- le comportement de M. B..., qui totalise neuf ans d'emprisonnements à raison de délits accompagnés de violence, constitue une menace pour l'ordre public ;
- compte tenu de ses effets, la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de délivrance du titre demandé n'entre pas dans la compétence de la commission du titre de séjour.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant macédonien né en 1976 à Tetovo (République de Macédoine du Nord), a sollicité, le 9 juin 2021, le renouvellement de son titre de séjour en tant que membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, délivré initialement pour la période débutant le 10 juillet 2018, sur le fondement des dispositions de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 août 2021, le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, motif pris de la menace à l'ordre public. Le préfet de police demande régulièrement l'annulation du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 août 2021, ainsi que le rejet de la demande de M. B....
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 7 décembre 2004 par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, à cinq ans d'emprisonnement pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime ou un délit, suivi de libération avant sept jours. En appel, M. B... a été condamné, le 3 septembre 2009, par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis à trois ans et six mois d'emprisonnement pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour obtenir l'exécution d'ordre ou de condition. Il a également été condamné, le 5 mars 2012, par le tribunal correctionnel de Créteil à six mois d'emprisonnement sous le régime de la semi-liberté, pour vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance. Le préfet de police a, sur la base des faits donnant lieu à ces condamnations, estimé que la présence de M. B... constituait une menace suffisamment grave à l'ordre public pour justifier un refus de renouvellement de son titre de séjour. Or, il ressort également des pièces du dossier que le demandeur est entré en France, en décembre 2004, avec sa conjointe, ressortissante polonaise détentrice d'une carte de séjour portant la mention " citoyen de l'UE ", régulièrement renouvelée, ainsi que leurs trois enfants nés, respectivement, en Pologne le 21 avril 2004 et en France les 6 juillet 2005 et 21 octobre 2014. Il a bénéficié postérieurement aux condamnations susmentionnées de la délivrance de cartes de séjour temporaires en qualité de salarié, régulièrement renouvelées du 6 juin 2013 au 15 août 2017 puis d'une carte de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'UE, valable du 10 juillet 2018 au 9 juillet 2019, renouvelée jusqu'au 1er juillet 2021. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de séjour de M. B... en France, de sa situation familiale, de l'absence d'infractions constatées depuis la première délivrance d'un titre de séjour, suivant de peu la fin de sa période d'incarcération en 2012, et eu égard à l'absence de menace pour l'ordre public établie en raison de l'ancienneté des derniers délits de vol commis en 2012, la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 août 2021 pris à l'encontre de M. B....
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de la chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 30 juin 2023.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE La greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01701 2