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28/06/2023 | FRANCE | N°22PA04253

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 juin 2023, 22PA04253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance du 27 juillet 2021, d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2107134/12 du 18 août 2022, le Tribunal administr

atif de Melun a annulé les arrêtés du 6 juillet 2021, enjoint au préfet territorial...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance du 27 juillet 2021, d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2107134/12 du 18 août 2022, le Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 6 juillet 2021, enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... D... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, et de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour annulée, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2107134/12 du 18 août 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de confirmer la légalité de ses arrêtés du 6 juillet 2021 ;

3°) de rejeter dans toutes ses prétentions la demande présentée par M. A... D... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux ne méconnaît pas le droit de M. A... D... à être entendu protégé notamment par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;

- les autres moyens soulevés au soutien de la demande de M. A... D... doivent être écartés.

La requête a été communiquée à M. A... D..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Segretain a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant cubain né le 6 septembre 1994, entré sur le territoire français en 2019 selon ses déclarations, a fait l'objet, par deux arrêtés du 6 juillet 2021 du préfet de police, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une décision fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé, d'une part, et, d'autre part, d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 18 août 2022 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 6 juillet 2021 et enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... D... dans le délai d'un mois, de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, et de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen.

Sur le moyen retenu par le Tribunal administratif de Melun :

2. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). " Aux termes de l'article 51 de la charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...). " Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ni sur chacune des décisions qui l'assortissent dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

3. Pour accueillir le moyen tiré de ce que M. A... D... a été privé du droit d'être entendu, le Tribunal administratif de Melun a retenu que le préfet de police, qui, en défense, se bornait à se prévaloir de l'audition de l'intéressé préalablement à la mesure d'éloignement, n'avait pas produit la pièce à laquelle il se référait. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal du 5 juillet 2021 à 16h10, produit pour la première fois en appel, que M. A... D..., assisté d'une interprète en langue espagnole, a fait l'objet d'une audition par un officier de police judiciaire la veille de la notification des arrêtés litigieux, pendant laquelle il a notamment été interrogé sur sa situation administrative et a été amené à présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Le préfet de police est dès lors fondé à se plaindre de ce que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... D... devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A... D... :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00539 du 9 juin 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme C... B..., attachée d'administration de l'Etat, pour signer tous actes, arrêtés et décisions, nécessaires à l'exercice des missions de la direction de la police générale, dans lesquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des arrêtés litigieux qu'ils comportent l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment en visant les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en retenant que M. A... D... s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa expirant le 9 mai 2019, que son comportement a été signalé par les services de police le 5 juillet 2021 pour agression sexuelle par une personne en état d'ivresse, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et qu'il est célibataire et sans enfant à charge. Par suite, les arrêtés litigieux sont suffisamment motivés. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. A... D... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... D... est entré sur le territoire français en 2019, selon ses déclarations, qu'il s'y est maintenu plus de deux ans après l'expiration de son visa, qu'il a été signalé par les services de police pour agression sexuelle par une personne en état d'ivresse, qu'il est sans profession et n'a aucune ressource, qu'il est célibataire et sans enfant à charge et qu'il a indiqué ne pas envisager de déférer à une mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, les arrêtés litigieux du 6 juillet 2021 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle.

8. Enfin, si M. A... D... soutient que les arrêtés attaqués sont entachés d'une erreur de droit, ce moyen ne peut qu'être écarté comme étant dépourvu des précisions permettant d'en apprécier la pertinence et la portée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 6 juillet 2021, et à obtenir, en conséquence l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement du 18 août 2022 du Tribunal administratif de Melun et le rejet des conclusions de la demande présentée par M. A... D... devant ce Tribunal.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 18 août 2022 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... D... devant le Tribunal administratif de Melun sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. E... A... D....

Copie en sera adressée au préfet de de police.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22PA04253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04253
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;22pa04253 ?
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