Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois.
Par un jugement n° 2202880/6-1 du 22 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 26 octobre 2022 en tant qu'il refuse à Mme A... l'octroi d'un délai de départ volontaire et lui interdit de revenir sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Sous le n° 22PA02454, par une requête enregistrée le 27 mai 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2202880/6-1 du 22 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter dans toutes ses prétentions la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le comportement de Mme A... constitue une menace pour l'ordre public de nature à justifier le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, l'interdiction de retour sur le territoire ;
- les autres moyens soulevés au soutien de la demande de Mme A... doivent être écartés.
La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2022.
II. Sous le n° 22PA03590 par une requête, enregistrée le 2 août 2022, Mme A..., représentée par Me Henri Guilmoto, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2202880/6-1 du 22 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 26 octobre 2021 en tant qu'il lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de séjour.
Par une ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2022.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 24 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Segretain a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 1er mai 1988, entrée sur le territoire français en 2013 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté du 26 octobre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 36 mois. Le préfet de police et Mme A... relèvent chacun appel du jugement du 22 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris en tant que, respectivement, d'une part, il a annulé les décisions par lesquelles le préfet de police a refusé à Mme A... l'octroi d'un délai de départ volontaire et lui interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de 36 mois, et, d'autre part, il a rejeté le surplus de la demande de Mme A....
Sur la requête du préfet de police :
2. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "
3. Pour accueillir le moyen tiré de ce que le comportement de Mme A... ne constituait pas une menace pour l'ordre public justifiant que l'octroi d'un délai de départ volontaire lui soit refusé et, par voie de conséquence, pour constater que l'interdiction de retour sur le territoire était dépourvue de base légale, le tribunal a retenu que Mme A... n'a été condamnée qu'une fois, le 15 juin 2018, à une peine d'amende pour des faits d'escroquerie sur la période du 1er juillet 2013 au 1er octobre 2015, à l'issue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et que le préfet de police n'a fait valoir aucun autre élément relatif au comportement de l'intéressée. Il a estimé en conséquence que, compte tenu notamment de leur niveau de gravité et leur ancienneté à la date de la décision, les faits invoqués ne permettaient pas à eux seuls de considérer que la présence de Mme A... sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public. Le préfet de police fait valoir que les faits en cause ont été commis pendant une période de plus de deux ans et que Mme A... s'est ainsi inscrite dans un parcours délinquant et une volonté de ne pas respecter les lois de la République. Toutefois, alors au demeurant qu'aucune pièce du dossier ne précise la nature des faits d'escroquerie commis, ni leur étendue pendant la période prise en compte par le juge judiciaire, la seule production du casier judiciaire mentionnant la condamnation précitée ne permet pas de faire regarder le comportement de Mme A... comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 octobre 2021 en tant qu'il refuse à Mme A... l'octroi d'un délai de départ volontaire et lui interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Sur la requête de Mme A... :
4. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle. La requérante n'apportant pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par le tribunal, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 et 6 de leur jugement.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", "travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) "
6. Mme A... invoque le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir qu'elle dispose d'une expérience d'intérimaire depuis mars 2019 dans le nettoyage et l'aide ménagère à domicile. Toutefois, cette circonstance, qui n'est pas justifiée par la seule production de bulletins de paie au titre des mois de janvier à août 2021 et d'une déclaration de revenus au titre de l'année 2020, n'est en tout état de cause, à la supposer établie, pas de nature à caractériser un motif exceptionnel au sens des dispositions invoquées. Le moyen doit donc être écarté.
7. Enfin, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, et tiré de l'illégalité de la décision de refus de séjour, doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2021. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions y compris celles présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes du préfet de police et de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de de police.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Le rapporteur,
A. SEGRETAINLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
Nos 22PA02454, 22PA03590