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23/06/2023 | FRANCE | N°23PA00865

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23 juin 2023, 23PA00865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2210004 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 février 2023 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2210004 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 février 2023 et le 7 mars 2023, M. E..., représenté par Me Cujas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour, en violation des articles L. 432-13 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant serbe, né le 29 octobre 1974 et entré en France, selon ses déclarations, en 1989, a sollicité, le 18 août 2020, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 19 mars 2019 au 18 mars 2020. Par un arrêté du 19 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. E... fait appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-13 de ce code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ".

3. En premier lieu, M. E... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 1989, date de son entrée à l'âge de quinze ans sur le territoire français où séjourne toute sa famille proche, notamment sa mère, ses deux frères et ses deux sœurs ainsi que ses deux enfants et sa petite-fille, qui est de nationalité française, son père étant décédé en France le 8 octobre 2021. Il se prévaut également d'une insertion sociale et professionnelle sur le territoire. Toutefois, par les pièces produites en première instance et en appel, le requérant n'établit pas résider habituellement en France avant l'année 2012. De plus, en se bornant à produire un récépissé de demande carte de séjour valable du 8 juin 2018 au 7 septembre 2018 concernant sa mère et un récépissé de demande carte de séjour valable du 14 juin 2022 au 13 décembre 2022, soit postérieur à l'arrêté attaqué, concernant son fils D... B... ainsi que la carte de séjour temporaire, valable du 30 janvier 2018 au 29 janvier 2019, de sa sœur Jasmina et la carte de séjour pluriannuelle, valable du 5 février 2018 au 4 février 2020, de son frère Rade, il ne démontre pas que sa mère, ses quatre frères et sœurs et ses deux enfants étaient, à la date de cet arrêté, en situation régulière au regard du séjour. En outre, s'il fait valoir qu'il vit, à Sevran (Seine-Saint-Denis), avec son fils D... B... et sa petite-fille A..., de nationalité française et qui est scolarisée, il ressort des pièces du dossier que cette cohabitation revêt un caractère récent alors que M. E... n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, que sa présence auprès de son fils et de sa petite-fille serait, pour lui ou pour eux, indispensable. Par ailleurs, M. E..., âgé de quarante-sept ans à la date de l'arrêté attaqué, qui est divorcé depuis 2017 et qui ne fournit, de surcroît, aucune précision, ni aucun élément sur deux de ses quatre frères et sœurs ou sur son autre enfant, qu'il s'agisse de leur situation au regard du séjour ou même de leur présence éventuelle en France, ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il ne démontre pas être dépourvu de toute attache. Enfin, en faisant état d'une activité salariée sous contrat à durée indéterminée en qualité de peintre en bâtiment auprès de la société " Batizox " depuis le 1er mars 2022, il ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces deux mesures ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé doit être également écarté.

4. En deuxième lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis a également refusé de renouveler le titre de séjour de M. E... aux motifs que " l'intéressé est connu des services de police pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France et faux ou usage de faux document administratif le 9 octobre 1998 ", " pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France le 12 octobre 1999, le 29 mars 2000, le 3 février 2002 et le 26 novembre 2002 ", " pour faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation et conduite d'un véhicule sans permis le 4 juin 2018 et enfin pour conduite d'un véhicule sans permis le 18 février 2020 " et que " ces faits permettent de regarder l'intéressé comme susceptible de constituer une menace à l'ordre public ". Cependant, les faits commis entre 1998 et 2002, qui revêtent un caractère particulièrement ancien, ne sauraient permettre de caractériser une telle menace actuelle pour l'ordre public, alors qu'au surplus, le délit de séjour irrégulier a été supprimé par l'article 8 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012. En outre, s'agissant des faits commis en 2018 et 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'apporte en défense aucune précision, ni aucun élément sur la matérialité de ces faits, alors que le requérant soutient, sans être contesté sur ce point, que ces faits auraient porté sur la présentation d'un permis de conduire serbe qui aurait été considéré comme non conforme et qui ne lui permettait pas de conduire sur le territoire français, que, pour les faits de 2018, il a été condamné à une amende de composition pénale, qu'il a réglée, et à un stage de sensibilisation à la sécurité routière, qu'il a effectué, et qu'enfin, il justifie avoir obtenu, le 8 janvier 2021, un permis de conduire français. Dans ces conditions, en se fondant sur les motifs rappelés ci-dessus, le préfet a commis une erreur d'appréciation. Toutefois, cette erreur est sans incidence sur la légalité de la décision en litige portant refus de renouvellement de titre de séjour dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur les autres motifs qu'il a retenus, en particulier le fait que M. E..., divorcé et père de deux enfants majeurs, ne justifie d'aucun obstacle l'empêchant de mener, dans son pays d'origine, une vie privée et familiale normale.

5. Enfin, il résulte des dispositions de L. 432-13 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à cet article, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de l'article L. 432-13 renvoient. Ainsi, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. E... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00865
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CUJAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-23;23pa00865 ?
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