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23/06/2023 | FRANCE | N°22PA05284

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23 juin 2023, 22PA05284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2015152 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Ta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2015152 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Tavares de Pinho, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a donné suite à l'invitation à régulariser du 3 décembre 2021 en transmettant au tribunal administratif le même jour les mêmes pièces conformément aux exigences des dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour en application des articles L. 312-3 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 17 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 27 juillet 1979 et entré en France le 17 novembre 2011 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour, a sollicité, le 14 novembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant produit aucune observation, que M. A... est entré régulièrement le 17 novembre 2011 en France où résident ses parents, M. E... A..., titulaire d'une carte de résident valable du 22 septembre 2011 au 21 septembre 2021, et Mme D... B..., titulaire d'une carte de résident valable du 9 janvier 2018 au 8 janvier 2028, ainsi que de ses sept frères et sœurs, dont quatre sont nés en France et qui ont tous la nationalité française. En outre, il justifie, par les pièces produites en première instance et en appel, y résider habituellement depuis lors, à Aubervilliers, avec ses parents et ses plus jeunes frères et sœurs et soutient, sans être contesté sur ce point, ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays. Enfin, il justifie également d'une insertion professionnelle en France, en ayant travaillé notamment, sous contrat à durée déterminée, en qualité d'agent de service, auprès de la société " JRC APR " en septembre 2019 et auprès de la société " AAF La Providence II Gennevilliers " en octobre 2019 et en octobre et novembre 2020, ainsi qu'auprès de la société " Kingooroo " depuis le 24 décembre 2019, en qualité d'agent de maintenance, et au surplus, postérieurement à la décision attaquée, auprès de la société " Dojoco " depuis le 1er mai 2021, en qualité d'agent de propreté. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de l'ancienneté du séjour en France de M. A... et de l'intensité des liens familiaux dont il peut se prévaloir sur le territoire national et alors même qu'il a vécu au Mali jusqu'à l'âge de trente-deux ans et qu'il est célibataire, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. A... est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination qui l'assortissent.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A..., en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Tavares de Pinho, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2015152 du 8 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 novembre 2020 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Tavares de Pinho, avocat de M. A..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05284 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05284
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : TAVARES DE PINHO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-23;22pa05284 ?
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