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23/06/2023 | FRANCE | N°22PA01121

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23 juin 2023, 22PA01121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

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n jugement n° 2013555 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2013555 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2022, Mme D... épouse C..., représentée par Me Perdereau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet a estimé de manière erronée qu'elle ne peut être regardée comme séjournant en France depuis une date antérieure au délai d'exécution de la précédente mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet a considéré à tort que son conjoint était en situation irrégulière sur le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Perdereau, avocat de Mme D... épouse C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse C..., ressortissante algérienne, née le 26 janvier 1980 et entrée en France, selon ses déclarations, en octobre 2013, a sollicité, le 25 février 2019, son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 4 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme D... épouse C... fait appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si Mme D... épouse C... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché la décision en litige d'une erreur de droit en estimant que, du seul fait de sa soustraction à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 1er juillet 2015, la période antérieure " au délai d'exécution " de cette mesure d'éloignement ne peut être prise en compte quant à la durée de sa présence en France, cette appréciation, certes erronée en droit, est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les autres motifs qu'il a retenus et tirés de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, qui ne caractérise pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour.

3. En deuxième lieu, si la décision attaquée indique que le conjoint de la requérante, M. B... C..., " se maintient en France en situation irrégulière " alors qu'à la date de cette décision, soit le 4 novembre 2020, il était titulaire d'un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler, valable du 22 septembre 2020 au 21 décembre 2020, la détention de ce document provisoire ne préjugeait pas, en vertu des dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, de la décision définitive qui était susceptible d'être prise au regard du droit au séjour de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été entachée d'une erreur de fait doit être écarté.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Mme D... épouse C... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois d'octobre 2013 et fait valoir qu'elle y vit avec son époux et leurs trois enfants nés respectivement le 16 mai 2015, le 26 mars 2017 et le 24 mai 2019. Elle fait valoir également qu'alors que son père est décédé le 31 juillet 2019, sa mère et ses cinq frères et sœurs, titulaires de certificat de résidence de dix ans ou de nationalité française, résident sur le territoire et qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Algérie. Toutefois, l'intéressée s'est maintenue sur le territoire français en situation irrégulière depuis le mois d'octobre 2013 et ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 1er juillet 2015, qu'elle n'a pas exécutée. En outre, elle n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, que sa présence auprès des membres de sa famille séjournant en France, notamment sa mère, revêtirait un caractère indispensable. Par ailleurs, à la date de la décision en litige, elle ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans, ni à ce que son époux l'accompagne ou la rejoigne, avec leurs enfants, afin d'y reconstituer la cellule familiale, ni que ses enfants ne pourraient pas y bénéficier d'une scolarisation normale. Enfin, si elle fait valoir que son époux s'est vu délivrer un certificat de résidence, valable du 4 janvier 2021 au 3 janvier 2022, qui a été renouvelé par la suite, et que leurs trois enfants ont obtenu, le 12 février 2021, un document de circulation pour étranger mineur, ces circonstances, postérieures à la décision attaquée du 4 novembre 2020, sont sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date de son édiction. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée portant refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme D... épouse C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

7. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... épouse C....

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

9. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation familiale de la requérante.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01121
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-23;22pa01121 ?
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