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20/06/2023 | FRANCE | N°23PA01410

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 juin 2023, 23PA01410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 décembre 2021 par laquelle le préfet de police a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n°2203408/5-2 du 9 mars 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 janvier 2022, qui s'est substitué à la décision implicite du 10 décembre 2021 (article 1er), a enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de délivrer à

M. A... une carte de

séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 décembre 2021 par laquelle le préfet de police a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n°2203408/5-2 du 9 mars 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 janvier 2022, qui s'est substitué à la décision implicite du 10 décembre 2021 (article 1er), a enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de délivrer à

M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois (article 2), et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, le préfet de police, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 mars 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le comportement de M. A... constituant une menace pour l'ordre public, M. A... étant célibataire et sans charge de famille et le refus n'étant pas assorti d'une obligation de quitter le territoire français ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2023, M. A..., représenté par

Me Kwemo, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les observations de Me Kwemo, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 24 octobre 1994 à Yopougon-Abidjan (Côte d'Ivoire), entré en France en 2004 selon ses déclarations, a sollicité le 10 août 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 décembre 2021 par laquelle le préfet de police a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour. Le préfet de police fait appel du jugement du

9 mars 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 janvier 2022, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui s'est substitué à cette décision implicite et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois.

Sur les conclusions de la requête du préfet de police :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Pour annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées ci-dessus, les premiers juges ont relevé que s'il s'était rendu coupable de nombreuses infractions pénales, répétées et de gravité croissante, il résidait en France depuis l'âge de huit ans avec toute sa famille, et notamment ses deux parents, son frère et ses deux sœurs, qui ont tous acquis la nationalité française.

4. Toutefois, il est constant que M. A... a fait l'objet, entre 2013 et 2018, de onze condamnations pénales, dont sept condamnations à des peines d'emprisonnement pour un total de près de sept ans et de deux condamnations à des peines d'interdiction de séjour pour deux ans et pour cinq ans, en dernier lieu le 8 juin 2018, notamment en raison de faits liés au trafic de stupéfiants. Il est également constant que M. A..., âgé de vingt-sept ans à la date de la décision en litige, est célibataire et sans charge de famille et ne justifie d'aucune insertion professionnelle à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la menace que sa présence en France représente pour l'ordre public, et nonobstant la durée de sa présence et la présence de ses parents et de ses frères et sœurs, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler son arrêté.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

6. En premier lieu, si M. A... soutient, d'une part, que le préfet de police n'a pas répondu à sa demande de communication de motifs du 25 janvier 2022, d'autre part, que la décision implicite du 10 décembre 2021 est entachée d'un défaut de motivation, il ressort des pièces du dossier que le préfet lui a adressé, le 27 janvier 2022, l'arrêté litigieux du

25 janvier 2022 par pli recommandé avec accusé de réception, qui a été retourné à la préfecture de police, revêtu de la mention " pli avisé et non réclamé " après le délai de quinze jours de mise en instance au bureau de poste. Cet arrêté, qui est réputé lui avoir été notifié le 27 janvier 2022 et qui s'est substitué à la décision du 10 décembre 2021, comporte l'ensemble des mentions de droit et de fait qui en constituent le fondement. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'un défaut de motivation.

7. En deuxième lieu, selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

8. M. A... soutient que la décision implicite née le 10 décembre 2021 du silence gardé par l'administration sur sa demande de titre de séjour aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'arrêté du 25 janvier 2022, qui s'est substitué à cette décision implicite, comporte l'ensemble des mentions qu'elles exigent.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de M. A....

10. En quatrième lieu, eu égard à ce qui été dit au point 4, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

12. Il résulte des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, ainsi qu'il a été exposé au point 11 ci-dessus, M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de police n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de séjour litigieuse.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 janvier 2022, et a fait droit aux conclusions à fin d'injonction de M. A..., ainsi qu'à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203408/5-2 du Tribunal administratif de Paris du 9 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLET

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01410
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-20;23pa01410 ?
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