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20/06/2023 | FRANCE | N°22PA00773

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 juin 2023, 22PA00773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des pilotes de ligne a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 17-224 MDT/DTA du 27 octobre 2017 par lequel la ministre chargée des transports a autorisé la société Hop ! à mettre en œuvre, pour son personnel navigant technique, les dispositions du document intitulé " Règlement conditions de travail du personnel navigant de HOP ! " annexé à la lettre du 9 octobre 2017 de la compagnie.

Par un jugement n° 1709858 du 17 dé

cembre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des pilotes de ligne a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 17-224 MDT/DTA du 27 octobre 2017 par lequel la ministre chargée des transports a autorisé la société Hop ! à mettre en œuvre, pour son personnel navigant technique, les dispositions du document intitulé " Règlement conditions de travail du personnel navigant de HOP ! " annexé à la lettre du 9 octobre 2017 de la compagnie.

Par un jugement n° 1709858 du 17 décembre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2022, le Syndicat national des pilotes de ligne, représenté par la SCP Thouin-Palat et Boucard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 27 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît le champ d'application des dispositions du code de l'aviation civile ;

-il méconnaît les dispositions de l'accord-cadre du 10 février 2000 et de l'arrêté d'extension de cet accord du 21 mars 2001 ;

- il méconnaît le règlement (UE) n° 83/2014 du 29 janvier 2014 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît la " déviation " accordée le 15 mars 2016 par l'Agence européenne de la sécurité aérienne ;

- il méconnaît les principes généraux du droit du travail ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du syndicat national des pilotes ligne au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat national des pilotes de ligne sont infondés, outre que certains sont inopérants.

La requête a été communiquée à la société Hop ! laquelle n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 5 avril 2023, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2023 à 12 heures

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 ;

- le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 ;

- le règlement (UE) n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 21 mars 2001 portant extension d'un accord national professionnel conclu dans le secteur du transport aérien et concernant les personnels navigants professionnels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poupot pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hop ! filiale de la société Air France, est issue de la fusion des trois anciennes filiales régionales d'Air France : Hop ! Régional, Hop ! Britair et Hop ! Airlinair. Suite à la fusion de ces trois sociétés, qui a eu pour effet, en application de l'article L. 2261-14 du code du travail, de mettre un terme à l'application de tous les accords collectifs concernant le personnel navigant, la société Hop! et la Fédération Nationale de l'Aviation Marchande ont sollicité, par courriers des 9 et 13 juin 2017, l'adoption d'un arrêté ministériel autorisant la société Hop ! à mettre en œuvre un régime de travail pour ses personnels navigants lui permettant de poursuivre son activité sans modifier ses programmations, et décrit dans un document intitulé " Règlement conditions de travail du personnel navigant de HOP ! ". Par un arrêté du 30 juin 2017, la ministre auprès du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports a autorisé la société Hop ! à mettre en œuvre ce règlement. Puis, par des courriers des 9 et 10 octobre 2017, la société Hop! et la Fédération Nationale de l'Aviation Marchande ont sollicité l'adoption d'un arrêté ministériel autorisant la société Hop ! à mettre en œuvre les dispositions du régime de travail figurant dans le document annexé à la lettre de la compagnie du 9 octobre 2017 intitulé " Règles d'utilisation du Personnel Navigant Technique " répartissant les temps de vol et les temps d' arrêt sur une période de temps autre que celle mentionnée aux articles D 422-2 et 422-5 du code de l'aviation civile. Par un arrêté du 27 octobre 2017, la ministre auprès du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports a autorisé la société Hop ! à mettre en œuvre ce règlement à compter du 1er novembre 2017 aux fins de programmation des personnels navigants à compter du 1er décembre 2017. Le syndicat national des pilotes de ligne a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation dudit arrêté. Par un jugement du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Le syndicat national des pilotes de ligne relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux pour l'écarter. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de motivation du jugement dans la réponse à ce moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Doivent (..) être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ". L'arrêté en litige vise les dispositions du code de l'aviation civile dont il entend faire application, et notamment ses articles D. 422-2, D. 422-5 et D. 422-6, et mentionne que la mise en œuvre du règlement litigieux est autorisée compte tenu du nombre annuel de jours d'inactivité programmés mentionné au point I-2.1.6.2 du document ainsi que de leur répartition prévue au point I-2.1.6.3 et dès lors que la programmation respecte les dispositions de l'annexe II " sous-partie FTL " - limitations des temps de vol et de service et exigences en matière de repos - du règlement UE n° 83/2014 de la Commission du 29 janvier 2014, les dispositions du document d'application CS-FTL.I annexé à la décision 2014/002/R de l'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne, ainsi que les mesures prises pour analyser les éventuels impacts sur la fatigue des équipages techniques dans le cadre du système de gestion de la sécurité de la compagnie. Par suite, cet arrêté, autorisant la société à mettre en œuvre un régime de travail dérogatoire en application de l'article D. 422-6 précité, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions du code de l'aviation civile :

4. En premier lieu, aux termes de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile : " Sur demande présentée dans un délai raisonnable par une organisation patronale ou du personnel de la profession, ou par la compagnie régie par le titre IV du livre III du présent code, le ministre chargé de l'aviation civile peut prendre, après consultation des organisations représentatives au niveau national intéressées, et en se référant, là où il en existe, aux accords intervenus, des arrêtés autorisant, nonobstant les règles fixées aux articles D. 422-2 et D. 422-5, un régime répartissant les temps de vol et les temps d'arrêt sur une autre période de temps, compte tenu notamment de l'éventuel renfort de l'équipage. ".

5. Si le syndicat requérant soutient que la demande a été à tort présentée par la société Hop ! alors que le titre IV du livre III du code susvisé concernait, dans sa version applicable, la Compagnie nationale Air France, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a également été édicté à la suite de la demande présentée le 10 octobre 2017, en faveur de la société Hop !, par la Fédération Nationale de l'Aviation Marchande, laquelle constitue une organisation patronale au sens des dispositions précitées.

6. En second lieu, le syndicat requérant soutient que l'arrêté attaqué a été pris dans le domaine de l'article D. 422-5-2 du code de l'aviation civile, qui prévoit les modalités selon lesquelles pour l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail et de manière alternative à l'application des dispositions des articles D. 422-2 et D. 422-5-1, la durée du travail du personnel navigant peut être réduite par convention ou accord collectif, dans le cadre d'un régime de travail fondé sur une alternance de jours d'activité et d'inactivité et autorisé dans les formes prévues à l'article D. 422-6, et que le ministre ne pouvait valider ce système d'organisation du travail en place en l'absence d'accord collectif.

7. Toutefois, d'une part, il ressort des termes mêmes de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile cité au point 4 que ces dispositions, qui permettent au ministre d'autoriser un régime dérogatoire au droit commun prévu par les articles D. 422-2 et D. 422-5 du même code pour la répartition des temps de vol et des temps d'arrêt, imposent seulement à cette autorité de se référer aux éventuels accords intervenus sans conditionner cette autorisation à l'existence d'une convention ou d'un accord collectif. D'autre part, le requérant ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu le champ d'application de l'article D. 422-5-2 du code de l'aviation civile, qui concerne non pas la répartition des temps de vol et des temps d'arrêt mais la réduction négociée du temps de travail, laquelle avait d'ailleurs fait l'objet de l'accord cadre d'aménagement et de réduction du temps de travail du 10 février 2000 et dont le syndicat requérant était signataire. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions du code de l'aviation civile doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de

l'accord-cadre du 10 février 2000 étendu par l'arrêté d'extension du 21 mars 2001 :

8. Le dernier alinéa de l'article 5.2 de l'accord national professionnel du 10 février 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, étendu par l'arrêté du 21 mars 2001 de la ministre de l'emploi et de la solidarité, ouvre aux sociétés concernées la faculté d'un décompte en jours d'activité et prévoit que " Des modalités de programmation et de répartition des jours d'inactivité, alternatives ou complémentaires aux dispositions précitées sont définies par accord d'entreprise ". Le requérant soutient que l'arrêté attaqué méconnaît ces stipulations dès lors que le ministre ne pouvait unilatéralement modifier le dispositif instauré par l'article 5.2 de l'accord national professionnel. Toutefois, d'une part, il ne précise pas quelles dispositions du règlement litigieux institueraient des modalités de programmation et de répartition des jours d'inactivité alternatives ou complémentaires à celles prévues par ces stipulations. D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'article 5.2 de l'accord national professionnel que celui-ci indique ensuite expressément s'appliquer conformément aux dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile, dont les modalités ont été respectées par le ministre. A supposer même ce moyen opérant, il doit donc en tout état de cause être écarté comme infondé.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la réglementation européenne et de la dérogation accordée le 15 mars 2016 par l'Agence européenne de la sécurité aérienne :

9. En premier lieu, le syndicat requérant se prévaut de la méconnaissance de l'annexe II du règlement (UE) n° 965/2012 susvisé déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, qui prévoit, au a) du paragraphe ARO.OPS.235, que " L'autorité compétente approuve les régimes de spécification de temps de vol proposés par les exploitants de transport aérien commercial si l'exploitant démontre qu'il est en conformité avec le règlement (CE) n° 216/2008 et avec la sous-partie FTL de l'annexe III du présent règlement ", en faisant valoir que la société Hop ! n'a nullement démontré la conformité du document litigieux avec ce règlement. Toutefois, comme le fait valoir le ministre dans son mémoire en défense, la conformité de ce document avec le règlement susvisé ne relève pas de sa compétence mais de celle de la direction de la sécurité de l'aviation civile, désignée en application de l'article 3 du règlement européen précité, qui a donné son accord par une décision définitive du 27 novembre 2017, postérieure à l'arrêté litigieux, lequel mentionnait comme il a été dit au point 3 que l'autorisation était donnée sous réserve notamment que les programmations respectent l'annexe II du règlement européen modifié n° 965/2012 et qui est entré en vigueur le 1er décembre 2017. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant alors qu'au surplus en se bornant à soutenir que le document dont la ministre a autorisé la mise en œuvre n'est pas conforme, s'agissant des alternances de période d'activité et de repos, au règlement précité, sans préciser quelles stipulations de ce règlement auraient été méconnues, le SNPL n'assortit pas ce moyen des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.

10. En second lieu le 5) du préambule du règlement n° 83/2014 du 29 janvier 2014 prévoit que : " Les États membres peuvent déroger au présent règlement ou aux spécifications de certification correspondantes, selon le cas, ou s'en écarter, par l'application de dispositions garantissant un niveau de sécurité au moins équivalent à celui prévu par les dispositions du présent règlement, afin de mieux prendre en compte certaines considérations ou méthodes d'exploitation nationales. Toute dérogation au présent règlement, ou tout écart par rapport à celui-ci, doit être notifiée et traitée conformément aux articles 14 et 22 du règlement (CE) n° 216/2008, qui garantissent des décisions transparentes et non discriminatoires fondées sur des critères objectifs ". L'article 22, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 216/2008 dispose que " a) l'Agence délivre les spécifications de certification applicables visant à garantir la conformité avec les exigences essentielles et, le cas échéant, avec les règles de mise en œuvre correspondantes. Initialement, les règles de mise en œuvre englobent toutes les dispositions substantielles du règlement (CEE) n° 3922/91, annexe III, sous-partie Q, tenant compte des dernières données scientifiques et techniques ; b) un État membre peut approuver des régimes individuels de spécification de temps de vol qui s'écartent des spécifications de certification visées au point a). En pareil cas, l'État membre notifie sans retard à l'Agence, à la Commission et aux autres États membres qu'elle compte approuver un tel régime individuel ; c) Lorsqu'un régime individuel lui est notifié, l'Agence l'évalue, dans un délai d'un mois, en se fondant sur des critères médicaux et scientifiques. Ensuite, l'État membre concerné peut approuver le régime notifié, à moins que l'Agence n'ait discuté le régime avec lui et proposé des modifications à y apporter. Si l'État membre accepte ces modifications, il peut donner son approbation en conséquence ; d) En cas de circonstances d'exploitation imprévues et urgentes ou de besoins d'exploitation de durée limitée ou de nature non répétitive, des dérogations aux spécifications de certification peuvent s'appliquer provisoirement dans l'attente de l'avis de l'Agence (...) ".

11. Par courrier du 18 décembre 2015, la direction de la sécurité de l'aviation civile a notifié à la Commission européenne et à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) son intention de déroger aux spécifications en matière de temps de repos pour les trois opérateurs du groupe Hop ! Par une autorisation du 15 mars 2016, l'Agence a conclu qu'aucune raison ne lui permettait de considérer que les mesures proposées ne conduiraient pas à un niveau de protection équivalent à celui prévu par les spécifications de base et a approuvé les propositions formulées par la direction de la sécurité de l'aviation civile.

12. D'une part, le syndicat requérant soutient que le texte approuvé par la ministre chargée des transports ne respecte pas cette autorisation délivrée par l'AESA, dès lors que si l'article I-2.3.7.3 stipule que le nombre d'étapes en fonction, effectuées après un repos réduit, est au maximum de trois, il prévoirait cependant la possibilité de réaliser, après un repos réduit, quatre étapes comprenant la mise en place, qui représente un temps de travail effectif. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la mise en place est définie par le paragraphe ORO.FTL.105 de l'annexe III du règlement n° 965/2012 comme " le transport, d'un lieu à un autre, sur instruction de l'exploitant, d'un PNT qui n'est pas en fonction en tant que PNT, à l'exclusion du temps de trajet entre un lieu de repos privé et le lieu de présentation désigné à la base d'affectation et inversement, et du temps nécessaire pour le transfert local d'un lieu de repos au lieu où le service commence et inversement ". Or aux termes du a) du paragraphe ORO.FTL.215 relatif à la " Mise en place " : " La mise en place qui suit la présentation mais précède le service est incluse dans le TSV (temps de service en vol) mais n'est pas considérée comme une étape. ". En outre, il ressort de la réponse de l'AESA publiée le 11 septembre 2018 sur son site internet que cette agence considère qu'aucune mise en place durant un temps de service de vol ne doit être prise en compte pour le calcul des étapes. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la possibilité prévue par le règlement litigieux de réaliser, après un repos réduit,

quatre étapes comprenant la mise en place méconnaîtrait la dérogation accordée par l'AESA le 15 mars 2016, dès lors que la mise en place n'est pas une quatrième étape. En outre il ressort des plannings transmis par la société Hop ! à la DSAC, et approuvés par cette dernière, que la programmation des vols est conforme à la décision de l'AESA : après le repos réduit, les étapes sont au maximum de trois.

13. D'autre part, le SNPL soutient que l'article I-2.3.7.3 de l'autorisation litigieux méconnaît la dérogation accordée par l'AESA dès lors qu'il permet à la commission de rotation d'autoriser, de manière exceptionnelle, une dérogation pour des cas particuliers tels que la nécessité de rotation, ou d'alimentation conjoncturelle entre bases. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle autorisation exceptionnelle, qui est par ailleurs encadrée par le règlement litigieux, permettrait l'adjonction non pas d'une nouvelle mise en place, mais d'une nouvelle étape en méconnaissance de l'autorisation délivrée par l'AESA.

14. Enfin, le SNPL soutient que la direction de la sécurité de l'aviation civile ne s'est pas conformée aux prescriptions de l'AESA relatives à l'approbation nécessaire, par cette direction, des plannings des cycles de repos pour chaque programme de vols saisonniers et à la réalisation d'une étude sur l'impact de la fatigue des mesures proposées. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette direction a, conformément aux préconisations de l'AESA, approuvé en 2017 et 2018 les cycles de repos réduits et un rapport a été transmis à l'AESA qui, par une décision du 23 juillet 2018, a considéré que toutes ses recommandations de sécurité concernant le repos avaient été respectées. En outre, si le syndicat requérant se prévaut également des " Rapports fatigues " rédigés par des personnels navigants techniques, cette circonstance, qui a trait à l'application de l'arrêté attaqué, est sans incidence sur sa légalité.

15. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des règlements susvisés, de celle de la dérogation accordée par l'AESA le 15 mars 2016 et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des principes généraux du droit du travail :

16. Le SNPL soutient que les conditions de travail autorisées par les décisions attaquées méconnaissent les principes généraux du droit du travail selon lesquels l'absence du salarié dont le contrat de travail est suspendu est considérée comme du temps de travail effectif, dès lors que le calcul des jours " off " prévu par ces règles exclut les jours de suspension du contrat de travail. Toutefois, le calcul du temps de travail effectif s'opère, pour l'ensemble du personnel navigant professionnel, selon un régime dérogatoire, de sorte que le droit commun du code du travail en la matière, en particulier en cas de suspension du contrat de travail, ne peut être utilement invoqué. Au surplus, le régime de travail autorisé par l'arrêté contesté est conforme, en ce qui concerne l'exclusion des jours de suspension du contrat de travail pour le calcul des jours d'inactivité (jours " off "), à ce que prévoit l'accord cadre étendu du 10 février 2000 précédemment évoqué et signé par le syndicat requérant.

En ce qui concerne les moyens tirés du détournement de procédure et du détournement de pouvoir :

17. D'une part, il n'existe pas d'obligation d'un accord préalable dans le cadre de la dérogation prévue par l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile. D'autre part, et en tout état de cause, si le syndicat requérant soutient que malgré la fusion intervenue le 3 avril 2016, les négociations relatives aux conditions de travail des personnels navigants en vue de l'uniformisation des différentes conventions collectives n'auraient été ouvertes par la direction de la société qu'à partir du 8 février 2017, il ressort des pièces du dossier qu'à compter du 23 août 2016, de nombreuses réunions entre la direction de la société et les organisations syndicales ont été organisées. Le syndicat requérant ne peut donc sérieusement soutenir que l'arrêté en litige n'a comme seule finalité que d'autoriser la société Hop ! à se soustraire à ses obligations de négociations collectives des conditions de travail. Les moyens tirés du détournement de pouvoir et du détournement de procédure ne peuvent donc qu'être écartés.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat national des pilotes de ligne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

19. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat national des pilotes de ligne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat national des pilotes de ligne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00773
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT et BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-20;22pa00773 ?
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