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14/06/2023 | FRANCE | N°23PA01076

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 23PA01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler sa carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français.

Par un jugement n° 2110379 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2023, M. C..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :>
1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler sa carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français.

Par un jugement n° 2110379 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2023, M. C..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien, né le 23 juillet 1980, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, valable du 18 mai 2020 au 17 mai 2021. Par un arrêté du 17 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour. M. C... fait appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 432-2 du même code : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-5 de ce code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ".

3. Par l'arrêté attaqué du 17 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de M. C... en qualité de parent d'enfant français aux motifs que " l'intéressé est connu des services de police pour usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation le 11 avril 2021 " et que " ce fait permet de regarder l'intéressé comme susceptible de constituer une menace à l'ordre public ".

4. En premier lieu, il est constant que M. C... s'est rendu coupable, le 11 avril 2021, de faits d'usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, en l'occurrence d'avoir fait usage d'un permis de conduire espagnol et d'un titre de séjour espagnol, document administratif falsifié, au nom de M. A... D..., faits qui lui ont valu d'être condamné, par une ordonnance pénale du 7 décembre 2021 du président du tribunal judiciaire de Bobigny, à une amende de 500 euros. Toutefois, eu égard au caractère isolé de ces faits, alors qu'au surplus, le juge pénal s'est fondé sur leur " faible gravité " afin d'écarter le prononcé d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine d'amende d'un montant supérieur à celui fixé à l'article 495-1 du code de procédure pénale, ainsi qu'à l'absence de tout autre élément défavorable susceptible d'être retenu à l'encontre de M. C..., qui a réglé cette amende et qui, au demeurant, justifie d'une activité salariée ainsi que d'une vie familiale en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le séjour en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public.

5. En second lieu, il est constant que M. C... est père d'un enfant de nationalité française, G... C..., née le 21 août 2019. Si, en première instance, pour établir que la décision attaquée était légale, le préfet de la Seine-Saint-Denis a sollicité, dans son mémoire en défense, une substitution de motifs, en faisant valoir un autre motif tiré de ce que M. C... ne justifiait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de cette enfant, à laquelle le tribunal administratif a fait droit, il ressort cependant des pièces produites en appel par le requérant, notamment des relevés de compte bancaire faisant état de virements d'argent pour sa compagne, Mme B... F..., ainsi que du paiement de factures de gaz pour leur domicile commun situé 6, place Georges Pompidou à Noisy-le-Grand, ainsi que de diverses factures d'achat de produits pour enfant, que M. C..., qui s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, valable du 18 mai 2020 au 17 mai 2021, justifie non seulement qu'il n'a pas cessé de contribuer à l'entretien et à l'éducation de la jeune G..., mais encore qu'il vit avec elle et sa compagne, Mme B... F..., depuis au moins le mois d'avril 2021. Au surplus, M. C... et Mme F... ont eu un second enfant, H... C..., née le 29 octobre 2022. Dans ces conditions, le motif tiré de ce que M. C... ne justifiait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant n'est pas de nature à justifier légalement la décision attaquée du 17 février 2022. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui, d'ailleurs, avait saisi préalablement, en application des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour du cas de M. C... et donc estimé que celui-ci remplissait effectivement les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 précité du même code, aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur ce motif. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a procédé à la substitution de motifs demandée par l'administration.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

8. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. C..., en application des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2210379 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 17 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à M. C... le renouvellement de son titre de séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01076 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01076
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;23pa01076 ?
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