Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100814 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2022, M. B..., représenté par Me Launois, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 11 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 30 juin 1982 et entré en France le 1er juillet 2015, a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait, notamment la situation médicale, professionnelle, personnelle et familiale de M. B..., qui la fondent. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation de M. B..., dont il entendait se prévaloir. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation qui entacherait la décision attaquée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort de cette motivation que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de sa situation, notamment professionnelle, avant de rejeter sa demande de titre de séjour. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'autorité préfectorale n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments dont M. B... s'est prévalu lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis du 16 juin 2020 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié de sa pathologie.
6. Pour contester cet avis, le requérant, qui souffre d'hypertension artérielle, d'épilepsie, de migraine et de céphalées nécessitant un suivi et un traitement régulier composé d'amitriptyline (Laroxyl) et de clobazam (Urbanyl), produit deux certificats médicaux des 4 septembre 2018 et 9 mars 2020 adressés par un médecin généraliste à l'OFII, lesquels font état, en particulier, de ce que " le suivi et le traitement nécessaires ne sont pas possibles dans son pays d'origine ", ainsi qu'un certificat médical établi le 12 mai 2022 par un autre médecin généraliste, indiquant que " M. B... ne peut a priori pas bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ". Il produit également un rapport de l'OMS sur les prix des médicaments au Mali et l'annexe à l'arrêté du gouvernement malien n°2019-2521 MSHP-SG du 26 août 2019 fixant la liste nationale des médicaments disponibles au Mali ainsi que trois attestations émises en février 2021, la première par un pharmacien responsable au sein des laboratoires " Gerda " indiquant que le médicament Elavil 25mg, composé d'amitriptyline, n'est pas commercialisé au Mali, la deuxième par une responsable juridique des laboratoires " Sanofi " indiquant que l'Urbanyl ne l'est pas davantage et la troisième par la chef de projet Assurance Qualité du laboratoire Advicenne attestant que le Likozam, composé de la même molécule que l'Urbanyl est uniquement commercialisé en France. Il fait état enfin, dans ses écritures, d'une thèse intitulée " Epilepsie et médecine traditionnelle au Mali ", publiée en 2012. Toutefois, ces différents documents ne sont pas de nature à infirmer l'avis du collège des médecins de l'OFII en tant qu'il considère que le requérant peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En effet, les certificats médicaux produits sont rédigés dans des termes trop généraux. Quant à la liste des médicaments disponibles au Mali, si elle ne contient effectivement pas les deux molécules prescrites à M. B..., elle mentionne toutefois vingt-sept antiépileptiques correspondant à dix substances différentes, ainsi que de nombreux neuroleptiques et antidépresseurs. Or, M. B... n'établit pas, ni n'allègue sérieusement qu'il n'existerait pas, au sein de cette liste, un traitement approprié à ses différentes pathologies. Enfin, M. B... ne fournit aucune autre précision, ni aucun élément sur le coût d'une prise en charge médicale au Mali appropriée à sa pathologie, ni sur ses propres ressources ou sur celles des membres de sa famille résidant dans ce pays, qui pourraient éventuellement le prendre en charge. Dans ces conditions, en se fondant sur l'avis émis le 16 juin 2020 par le collège de médecins de l'OFII et en refusant de renouveler le titre de séjour de M. B... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
8. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France, soit près de cinq ans à la date de la décision attaquée, et de la présence régulière sur le territoire national de son oncle, qui l'héberge, et de son frère. Il soutient également qu'il est intégré professionnellement. Toutefois, la durée de séjour de M. B... et la présence régulière en France de son oncle, à la supposer établie, et de son frère ne sauraient suffire à caractériser l'existence d'une vie privée et familiale intense et stable sur le territoire français, alors que M. B..., célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches au Mali où réside son père et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Par ailleurs, si M. B... justifie avoir enchainé plusieurs emplois, à compter de l'année 2016, en qualité de terrassier, d'ouvrier, de manœuvre et d'agent de service, principalement dans le cadre de missions d'intérim, et avoir suivi trois cycles de formation entre 2018 et 2020, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une insertion professionnelle pérenne en France. Enfin, M. B... reconnaît avoir travaillé sous une fausse identité jusqu'en juillet 2019. Par suite, en refusant le renouvellement du titre de séjour de M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles l'intéressé n'a en tout état de cause pas présenté sa demande d'admission au séjour.
9. En dernier lieu, les faits rappelés au point 8 ne caractérisant l'existence d'aucune considération humanitaire, ni d'aucun motif exceptionnel permettant l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposée ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être spécifiquement motivée dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour l'est suffisamment. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation qui entacherait la décision attaquée doit être écarté.
12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. B... avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
13. En dernier lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement en litige ne peut qu'être écarté.
16. D'autre part, en indiquant que M. B... n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment motivé sa décision.
17. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. Il ne ressort pas des pièces versées au dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6, que M. B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi appropriés à sa pathologie dans le cas d'un retour dans son pays d'origine. S'il soutient, en outre, que l'épilepsie est considérée au Mali comme ayant une étiologie surnaturelle et constituerait pour lui un facteur de stigmatisation et d'exclusion en cas de retour, il ne fournit, sur ce point, aucune précision, ni aucun élément, notamment sur son environnement familial, alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa pathologie a été diagnostiquée dans son pays où il a été soigné. Par suite, en décidant, par l'arrêté attaqué, que l'intéressé pourra être reconduit à destination du Mali, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations précitées.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULe président,
R. d'HAËM
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03979 2